Lors d’une conférence de presse tenue le mardi 16 février, le secrétaire général du Cusems, Abdoulaye Ndoye, a fait état d’une vingtaine d’enseignants morts du Covid. Et comme réaction Mamadou Moustapha Diagne, le directeur de la formation et de la communication du ministère de l’Education nationale, comme un répondeur automatique, a sorti un démenti pour rapetisser le nombre d’enseignants morts du Covid jusqu’à l’unité.
Les enseignants estomaqués par ce manque de respect dû à tous les enseignants morts du Covid se demandent quelle est la véritable intention de cette dénégation. Pour lui, les syndicalistes n’ont qu’un seul objectif : fermer prématurément les établissements scolaires et certainement se payer encore des jours de vacances payés. En sus, Diagne soutient que le ministère a dégagé une enveloppe 1,5 milliard de francs CFA pour l’achat des produits de protection.
Le problème n’est pas d’acheter des gels, des savons et des masques quand on ne peut pas appliquer les dispositions préventives dans des établissements faisant entre 1000 et 2000 élèves. Nous mettons au défi Diagne et toutes les autorités qui pensent comme lui de nous dire la seule école où les enseignants et leur chef d’établissement ont par devers-eux le protocole de santé inapplicable dans un lieu où les élèves sont immaitrisables en dehors de la classe. Penser de la sorte relève simplement de l’attitude d’une tête de linotte qui ne soucie point de la souffrance de ses collègues éparpillés dans les zones les plus reculés sans eau potable, sans électricité, sans réseau téléphonique.
Quand Diagne se calfeutre dans son fauteuil douillet du ministère sous le ronron d’un climatiseur qui lui fait oublier que la canicule existe quelque part dans le pays, il peut même se permettre de nier même que la pandémie à coronavirus est une réalité. Abdoulaye Ndoye, en tant que syndicaliste, pesant et soupesant tout mot qui pourrait choquer des familles concernées par les enseignants morts du Covid, a eu la décence de ramener les morts à 20 tout en ayant l’intelligence et la lucidité de point dévoiler leur identité. Et pourtant que ce chiffre est loin de la réalité du terrain.
Nos investigations nous ont permis de découvrir que rien que ces 45 derniers jours, 8 enseignants du Cusems, sont morts de Covid. Le Cusems partage cette même situation tragique avec les autres syndicats qui n’ont encore fait le bilan des morts du Covid. Quant à l’enseignement supérieur, depuis le début de la pandémie jusqu’à aujourd’hui, les décès s’élèvent entre 15 et 18 décès du coronavirus. Aujourd’hui il est établi que plus de 50 enseignants de tous ordres ont perdu la vie pour avoir voulu inculquer un savoir aux apprenants.
Malgré les risques auxquels ils sont exposés quotidiennement en dispensant un enseignement de qualité à plusieurs âmes innocentes, potentiels sujets asymptomatiques, les enseignants ne démordent jamais dans leur noble mission de planter le drapeau du savoir pour parler comme Ramatoulaye, l’héroïne d’Une Si longue lettre de Mariama Bâ. Le nombre pléthorique des élèves par classe, l’absence d’application voire l’inapplicabilité du protocole sanitaire, les risque d’être contaminés chaque jour par une forêt d’apprenants ne les empêche pas une seconde de poursuivre la mission de les instruire, de les socialiser et de les qualifier.
Là où le président de la République tient par visioconférence son Conseil de ministres qui ne dépasse le nombre de 40, histoire de se protéger à juste raison de toute contamination, alors que devait faire l’enseignant ayant devant lui entre 70 et 100 âmes ? Comme disait l’ex- Premier ministre français, Edouard Philippe, nonobstant ces risques, les enseignants, dans des circonstances et des situations souvent dégradées, font un travail remarquable d’imagination, d’inventivité, de mobilisation, pour essayer de garantir cette continuité pédagogique dont nos enfants ont besoin.
Cette sortie malheureuse de cette cervelle de moineau de Mamadou Moustapha Diagne dénote le manque de compassion des autorités académiques et ministérielles à l’endroit des enseignants. Elles ont atteint le seuil de mithridatisation. D’ailleurs, il est noté que les autorités académiques régionales et départementales en charge de l’Education nationale ne soucient point de ces enseignants morts de Covid-19. Elles ne sont informées que par les enseignants sur ces décès. Et souvent les collègues à l’intérieur du Sénégal, sans aucune assistance des autorités chargées de l’Education nationale, éprouvent d’énormes difficultés pour ramener décemment les corps des collègues victimes du Sars Cov-2 à leur lieu d’origine. C’est inconcevable de la part d’un Etat qui dit se soucier du bien-être de ses enseignants.
Ailleurs dans le monde, quand la situation l’a exigé, l’Etat a fermé les classes stratégiquement avant de les rouvrir opportunément. Mais pour l’Etat du Sénégal, c’est un combat à la Pyrrhus. Le nombre d’enseignants morts importe peu, l’essentiel est de parvenir à dérouler les enseignements jusqu’à la date officielle de la fermeture des classes. Ne pas admettre que le Covid-19 est dans nos écoles et que les enseignants funèbrement en payent le prix dans la plus grande confidentialité et dans le plus grand stoïcisme. On ne crie pas pour que les écoles soient fermées mais pour que les autorités soient plus regardantes sur le respect du protocole de santé.
Aujourd’hui, l’Etat a peur de déclarer que le Covid-19 est présent dans nos écoles. On préfère s’arcbouter sur des mensonges crus, nus et stériles plutôt que de dire aux Sénégalais la véritable situation au sein des établissements. Qu’on le veuille ou non, le coronavirus est dans les écoles (privées comme publiques, nationales comme étrangères) et les amphis. Les enseignants qui en morts (paix à leur âme) en sont une preuve patente. Et ce ne sont pas les démentis puants de mauvaise foi de perroquet de service qui enterreront la réalité.
Par Serigne Saliou Gueye