(Agence Ecofin) – Considéré comme l’une des énergies les plus innovantes et les plus propres qui soient, l’hydrogène vert fait l’objet d’un intérêt accru. Partout dans le monde, des projets de développement sont ainsi mis en œuvre pour solutionner le double impératif de l’autosuffisance énergétique et de l’abandon des énergies fossiles. Les analystes affirment que l’hydrogène vert constituera 25% de la demande énergétique mondiale en 2050. Comment l’Afrique se prépare-t-elle à cette révolution ?
L’hydrogène vert, aussi considéré comme le nouveau pétrole, est un gaz entièrement produit à partir d’énergies renouvelables. Il est obtenu via le processus d’électrolyse de l’électricité produite par des éoliennes ou des panneaux solaires avec de l’eau, son seul sous-produit.
« Si le monde veut atteindre des émissions nettes de zéro d’ici 2050 ou plus tôt, l’hydrogène est une nécessité. »
1 kg d’hydrogène vert produit environ 3 fois l’énergie produite par 1 kg d’essence, et ce sans émettre de gaz à effet de serre.
1 kg d’hydrogène vert produit environ 3 fois l’énergie produite par 1 kg d’essence, et ce sans émettre de gaz à effet de serre.
Si la production actuelle d’hydrogène vert est trop faible pour être compétitive à l’échelle des autres sources d’énergie, il apparait clairement qu’elle a le potentiel pour fournir une énergie propre aux secteurs de l’industrie, du transport, etc.
Des enjeux stratégiques dans le monde entier
L’Europe qui cherche depuis longtemps un moyen de réduire sa dépendance au gaz importé, voit là une solution idéale. C’est l’Allemagne qui va la première, placer cette énergie au cœur de ses politiques en annonçant un investissement de 9 milliards d’euros au cours des prochaines années. L’objectif est alors de faire du pays le numéro un mondial de l’hydrogène vert d’ici 10 ans, et ces 9 milliards seront puisés dans les 130 milliards d’euros du plan de relance post-Covid.
L’Allemagne a mené au cours des dernières années une série de projets en la matière (y compris au sein de l’industrie automobile), et revendique donc une avance technologique.
Berlin envisage de se doter d’une capacité d’électrolyse de 10 GW d’ici 2040, dont la moitié d’ici 2030. Pour y arriver, le gouvernement travaille actuellement à nouer des accords consistant à produire à l’étranger, notamment dans des pays africains, où le potentiel en énergies renouvelables est l’un des plus élevés du monde. Un premier accord a été signé le 10 juin 2020 avec le Maroc pour la construction d’une usine de 100 MW dans le royaume.
Pour y arriver, le gouvernement travaille actuellement à nouer des accords consistant à produire à l’étranger, notamment dans des pays africains, où le potentiel est l’un des plus élevés du monde.
L’Allemagne produira non seulement ses besoins en hydrogène vert dans le royaume, mais elle y installera aussi une plateforme de recherche qui assurera le transfert des compétences : « Le Maroc bénéficiera de cette coopération dans plusieurs secteurs tels que le transport, l’industrie et les mines », affirmait Aziz Rabbah, le ministre marocain de l’Énergie, assurant aussi que le développement du secteur permettrait la création de plusieurs milliers d’emplois.
Deux mois plus tard, des représentants de sociétés allemandes en prospection sur le continent ont rencontré le président congolais, Félix Tshisekedi pour lui présenter leur plan visant à construire dans le pays l’une des plus grandes usines de production d’hydrogène au monde. La partie allemande envisage dans un premier temps de s’appuyer sur la production du barrage hydroélectrique d’Inga III pour y arriver.
Des représentants de sociétés allemandes en prospection sur le continent ont rencontré le président congolais, Félix Tshisekedi pour lui présenter leur plan visant à construire dans le pays l’une des plus grandes usines de production d’hydrogène au monde.
Un an plus tôt, Félix Tshisekedi avait lui-même rencontré les représentants de plusieurs entreprises actives dans l’énergie pour les encourager à investir dans son pays.
En août 2020, l’Allemagne et le Niger ont convenu d’établir un partenariat de prospection d’hydrogène qui profiterait à toute l’Afrique de l’Ouest. La ministre fédérale de la Recherche Anja Karliczek, et son homologue nigérien Yahouza Sadissou se sont entendus sur un ensemble de mesures visant à étendre le partenariat stratégique pour l’hydrogène à l’Afrique de l’Ouest. De nouveaux développements devraient avoir lieu au cours des prochains mois sur la question. Un accord similaire a aussi été signé avec le Nigeria, et l’Allemagne envisage de prospecter dans tous les 15 pays de la région.
L’Allemagne et le Niger ont déjà conclu un partenariat.
Du côté français, « c’est un pari extrêmement audacieux » a indiqué Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, lors de la présentation du plan français de l’hydrogène, en septembre dernier. Le pays envisage d’injecter 7,2 milliards d’euros dans la production d’hydrogène vert au cours des 10 prochaines années, dont 2 milliards d’ici 2023. Pour l’instant, la majorité des projets français sont concentrés sur le territoire avec des acteurs comme Engie, Air Liquide, Hynamics, une filiale d’EDF, Vinci, etc.
Parmi les pionniers, on compte également l’Arabie Saoudite qui veut se doter d’une installation à 5 milliards USD, installation qui sera construite par Air Products, Acwa Power et Neom. Elle produira également de l’ammoniac vert et sera opérationnelle en 2025.
L’Arabie Saoudite met plein cap sur l’hydrogène vert.
« Ce projet repose sur une technologie éprouvée à l’échelle mondiale, et va intégrer de façon innovante plus de 4 gigawatts d’énergies renouvelables (solaire, éolienne et système de stockage), la production de 650 tonnes par jour d’hydrogène par électrolyse, la production d’azote par séparation de l’air et la production de 1,2 million de tonnes par an d’ammoniaque vert », a affirmé Air Products.
L’hydrogène vert a été choisi par Riyad pour assurer la transition écologique d’ici 2050.
Antonio Della Pelle, analyste chez le fournisseur de services pétroliers américain KBR, a déclaré que si le monde veut atteindre des émissions nettes de zéro d’ici 2050 ou plus tôt, l’hydrogène est une nécessité. « Sans hydrogène, il sera impossible d’atteindre le niveau zéro carbone complètement dans certains secteurs et industries […] De nombreuses entreprises ont déjà entamé le voyage vers l’avenir [de l’hydrogène, Ndlr]. La transition énergétique est là, et la Covid l’a accélérée. Il n’y a pas de retour en arrière », a-t-il ajouté.
Quid de l’Afrique ?
En Afrique, la question de l’hydrogène vert n’est pas encore inscrite dans l’agenda des politiques énergétiques publiques, même si certains pays comme l’Éthiopie, la Tanzanie ou encore l’Afrique du Sud se penchent sur la question. Seule l’Égypte a opéré une avancée matérielle dans ce sens, outre le Maroc, la RDC, le Niger et le Nigéria comme cités plus haut.
En janvier 2021, le Caire a en effet signé avec Siemens un protocole d’accord pour construire une usine de production d’hydrogène qui permettra à terme au pays, de se positionner en tant qu’exportateur de cette énergie. Un comité interministériel évalue actuellement l’utilisation dans un futur proche, de l’hydrogène comme source d’énergie dans le pays. Il examine également toutes les alternatives possibles pour la production et l’utilisation de cet hydrogène, en prenant en compte les expériences à l’échelle mondiale dans ce cadre. La signature de l’accord s’inscrit dans la droite ligne de la « Stratégie énergie 2035 » de l’Égypte, qui inclut l’hydrogène dans les nouvelles sources d’énergie à enter dans le mix énergétique national.
Le 2 février dernier, le Maroc, qui ambitionne de devenir le leader africain de l’hydrogène vert, a signé avec le Portugal un protocole d’accord de coopération visant à aligner leurs priorités en la matière. « Le Portugal est engagé dans une politique stratégique en matière d’hydrogène vert, prépare pour le 7 avril prochain une conférence internationale sur cette filière d’énergie propre à laquelle le Royaume du Maroc est fortement appelé à participer », a affirmé Matos Fernandes, le ministre portugais de l’Énergie.
Pour certains analystes, ce n’est pas assez. Le retard du continent sur cette technologie est un casse-tête, vu que les matières premières les plus importantes, le soleil et le vent y sont déjà présents en abondance, indiquent-ils.
Cependant, pour Cornelius Matthes, vice-président de Dii Desert Energy, une société de production d’énergies propres dans l’espace MENA : « l’Afrique et la région MENA sont déjà des acteurs performants dans le domaine des énergies renouvelables. L’hydrogène est donc la prochaine étape logique ».
Il ajoute que plusieurs pays européens ont lancé des stratégies ambitieuses sur l’hydrogène, et que celles-ci joueront un rôle crucial dans le développement de l’Afrique, vu que le besoin de se tourner vers le continent noir pour la production se fera de plus en plus important.
Olivier de Souza