L’islam a honoré et valorisé la femme et lui a accordé une place de choix dans la société islamique. Par ailleurs, la Chari’a islamique, en instituant l’égalité entre l’homme et la femme en droits comme en devoirs, a doté cette dernière d’un statut qui lui était dénié non seulement au cours de la période préislamique, mais aussi jusqu’aux dernières décennies encore dans les sociétés non musulmanes. Partant, il serait hasardeux de juger le statut de la femme en islam en se basant sur la mauvaise application des enseignements de la Chari’a islamique ou sur la situation actuelle de la femme dans nombre de sociétés islamiques. Au contraire, pour qu’il soit pertinent et objectif, un tel jugement doit avoir comme point de départ les enseignements de l’islam, lesquels ont élevé la femme à un statut qu’aucune autre religion ou loi positive ne lui ont attribué durant toute l’histoire de l’humanité.
Ainsi, dans le Coran, mais aussi dans les hadiths du prophète, l’homme et la femme jouissent de la même dignité humaine et assument les mêmes devoirs. De plus, l’égalité des deux sexes y est mise sans cesse en évidence.
Pour se convaincre de toute la considération que voue l’islam à la femme, il convient de porter un regard attentif sur la place de la femme dans les civilisations et les religions antérieures à l’islam. En effet, si l’on compare les pratiques et les comportements observés à l’égard de la femme dans les civilisations et les religions anciennes avec le comportement préconisé par l’Islam vis-à-vis de la femme, on rendra justice à l’Islam en rétablissant toute la vérité sur la question, si tant est que le but recherché soit la vérité.
À travers l’histoire, la femme a été victime d’une grande injustice. Elle a été dépourvue de ses droits humains les plus élémentaires et fut souvent considérée comme inférieure à l’homme tant sur le plan physique que moral. Ainsi, dans les civilisations sumérienne, assyrienne et babylonienne, la place de la femme était réduite à la portion congrue et son avis n’avait aucune importance. Le Code de Hammourabi, par exemple, a même poussé l’injustice jusqu’à la rendre responsable d’actes qu’elle n’a pas commis alors que l’homme, selon ce même Code, n’était pas mis à mort pour le meurtre d’une femme [1].
En Inde, la religion de Manu réduisait, quant à elle, la femme à un bien transmissible par héritage. Elle n’avait pas non plus droit de s’instruire et son rôle se limitait à procurer du plaisir aux hommes [2]. Pire encore, la vie de la femme prenait fin à la mort de son époux puisque la tradition voulait qu’elle soit incinérée avec lui sur le même bûcher. Quant à la civilisation chinoise, elle considérait la femme comme un signe de malheur et de mauvaise fortune. Elle devait rester cloîtrée chez elle et n’avait pas le droit de regarder un homme en face [3]. Chez les Grecs, la femme était considérée comme un être impur [4]. Le poète Hésiode l’a décrite comme étant « dotée d’un cerveau de chien et de beaucoup de ruse » [5]. Le grand orateur Démosthène, lui, parlait des femmes en ces termes : « Nous prenons les prostituées pour le plaisir, les amantes pour la santé quotidienne de nos corps et les épouses pour la procréation » [6]. Les Romains, eux, ont longtemps considéré la femme comme un animal crasseux. Les temples lui étaient interdits et, de ce point de vue, le paradis aussi. Selon eux, sa féminité est la cause même de son incapacité juridique [7].
Selon la Torah, c’est Ève qui est derrière la tentation d’Adam. Dans la Genèse (III, 12) on peut lire : « La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé » [8]. La femme faisait partie des biens de son époux et devait, de ce fait, céder ses droits humains et matériels. Les Israélites donnaient leurs femmes en offrande en les immolant par le feu pour rentrer dans les grâces de Molok. Ainsi, dans Jérémie 32, il est dit : « Et ils ont construit des hauts-lieux consacrés à Baal dans la vallée de Ben-Hinnom, pour brûler leurs fils et leurs filles en l’honneur de Molok ; c’est là une abomination que je n’avais pas ordonnée ».
Les Arabes de la période antéislamique répugnaient tellement à avoir des filles qu’ils les enterraient vivantes. Dieu dit : « Et lorsqu’on annonce à l’un d’eux une fille, son visage s’assombrit et une rage profonde [l’envahit]. Il se cache des gens, à cause du malheur qu’on lui a annoncé. Doit-il la garder malgré la honte ou l’enfouira-t-il dans la terre ? Combien est mauvais leur jugement [9] ! »
Le Coran est venu corriger la déviation intellectuelle et comportementale qui a marqué la conception de la femme chez les civilisations et les religions anciennes. Le Coran a définitivement consacré son humanité : « Ô hommes ! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d’un seul être, et a créé de celui-ci son épouse [10]. » Le Coran a institué son égalité avec l’homme en responsabilité : « Toute âme est l’otage de ce qu’elle a acquis [11]. » Il ne la rend pas responsable de la tentation d’Adam car Dieu a interdit à tous, à Adam comme à Ève, d’approcher l’arbre. Dieu dit dans le Coran : « Et n’approchez pas l’arbre que voici [12]. » C’est Satan qui les a tous deux dévoyés du droit chemin : « Satan mit en œuvre ses suggestions [13]. » « Satan les fit glisser de là et les fit sortir du lieu où ils étaient [14]. » Et Adam et Ève se sont repentis pour que Dieu expie leur acte : « Tous deux dirent : “Ô notre Seigneur, nous avons fait du tort à nous-mêmes. Et si Tu ne nous pardonnes pas et ne nous fais pas miséricorde, nous serons très certainement du nombre des perdants [15].” » C’est ainsi que le Coran a institué la parité originelle de la femme et de l’homme et tout ce qui s’ensuit en termes de droits et d’obligations. L’homme et la femme ne peuvent se valoriser que par les bonnes actions qu’ils accomplissent. La femme, selon le Coran, n’est pas un accessoire que l’homme utiliserait selon son bon vouloir, mais un être doté d’une personnalité et d’une identité propres, un être qui a sa valeur morale et dont la dignité doit être préservée.
Ainsi, la femme a le droit à une vie digne au sens le plus large du terme. Outre le droit de disposer librement de ses biens, elle a le droit à l’enseignement, à l’éducation, à la propriété, au mariage, à l’éducation des enfants, à l’héritage, au travail et à un statut social. De fait, il n’y a pas de vie monacale en islam et l’islam ne préconise pas le retrait de la vie sociale. En outre, obéissance et respect sont dus au père comme à la mère. Dieu dit : « Et Nous avons enjoint à l’homme de la bonté envers ses père et mère : sa mère l’a péniblement porté et en a péniblement accouché ; et sa gestation et sevrage durant trente mois ; puis quand il atteint ses pleines forces et atteint quarante ans, il dit : “Ô Seigneur ! Inspire-moi pour que je rende grâce au bienfait dont Tu m’as comblé ainsi qu’à mes père et mère [16]…” ; « Ton Dieu a décrété : “N’adorez que Lui ; et (marquez) de la bonté envers les père et mère [17].” Et « ne leur dis point : “Fi !” et ne les brusque pas, mais adresse-leur des paroles respectueuses [18]. »
L’islam exige, par ailleurs, de réserver le même traitement à l’homme et à la femme sans discrimination aucune, car l’homme n’est pas supérieur à la femme et la continuité de la vie humaine serait impossible n’eût été la femme. C’est pour cette raison que l’islam incite à la célébration de la naissance de la fille, à l’instar du garçon, par une fête où un nom lui est attribué. En revanche, l’islam s’est inscrit en faux contre cette fâcheuse tendance à croire que la naissance d’une fille constitue un mauvais présage au point de l’enterrer vivante, comme cela se pratiquait chez certains peuples de Chine, d’Inde et de la Péninsule arabique avant l’avènement de l’islam.
De plus, l’islam oblige la famille et la société à dispenser éducation et instruction à l’homme comme à la femme. Un hadith dit : « la quête du savoir est une obligation pour tout musulman [19] ». En outre, l’islam exige que les parents assurent la prise en charge matérielle de leurs enfants et veillent à leur développement intellectuel et moral, en leur dispensant l’enseignement et l’éducation nécessaires afin de favoriser leur intégration dans la société. Or l’enseignement comprend, d’une part, l’instruction religieuse et, d’autre part, l’instruction générale qui permet à l’individu de s’intégrer dans la société afin de gagner sa vie et préserver sa dignité. Il comprend également toutes les sciences qui sont utiles à la société dans laquelle il vit. De plus, l’islam a accordé de l’importance à la préservation de la femme et à sa protection contre toutes les formes de délinquance et de dépravation. C’est pour cette raison que l’islam incite la femme à ne pas afficher ses charmes, sauf ceux visibles. S’il lui interdit également de se retrouver en tête-à-tête avec l’homme, l’islam vise à prévenir toute tentation et préserver ainsi l’honneur et la place de la femme dans la société et non pas à la rabaisser et rétrécir sa liberté d’action comme certains le prétendent.
De surcroît, l’islam encourage la femme à s’instruire et ne lui interdit aucune transaction sociale ou commerciale. Il prescrit le mariage et la procréation, gages de la continuité de l’espèce humaine. En somme, l’islam conçoit la femme comme le noyau de la famille et, partant, un élément déterminant et incontournable dans le développement des sociétés.
L’être humain a toujours été habité par le souci de l’éternité et de la continuité et fut toujours angoissé par l’idée de la mort. Or, l’islam a su satisfaire cet instinct humain en rendant l’homme responsable de sa vie ici-bas et comptable de ses actes dans l’au-delà. Aussi, l’homme est-il éternel en ce que son existence ne prend pas fin avec sa mort. Quant à sa continuité, elle se réalise à travers la procréation. L’homme donne ainsi naissance à une progéniture qui poursuit son œuvre et hérite de ses spécificités morales et physiques. La progéniture porte son patrimoine génétique mais aussi ses qualités morales, notamment les bonnes œuvres qu’il aura accomplies et que la société lui reconnaîtrait. Un hadith dit : « Si un homme meurt, ses actions sont interrompues sauf pour trois choses : une œuvre de charité durable, une science utile et un enfant pieux qui prie pour lui [20]. »
L’islam est venu affirmer que le mariage est un lien légitime et sacré entre un homme et une femme afin d’organiser les relations entre eux sans verser dans l’idéalisme ou le sentimentalisme. En effet, la religion musulmane est un ensemble de principes et de dispositions qui sont justifiés par les exigences de la vie réelle. Si bien qu’il faut les accepter car ils visent l’intérêt de l’ensemble de la société. Les règles qui contrarient les sentiments ne sont mises en application qu’en cas d’extrême nécessité. De fait, la relation maritale est un pacte sérieux qui ne pourra être viable qu’en préservant la dignité de la femme et en lui réservant un bon traitement ; Dieu dit : « Et comportez-vous convenablement envers elles [21] », c’est-à-dire soyez justes, correctes et honnêtes ; « Et ne cherchez pas à leur nuire en les contraignant à vivre à l’étroit [22]. » Dans un hadith, il est dit : « le meilleur d’entre vous et celui qui est bon envers les siens [23] » et dans un autre hadith : « le meilleur d’entre vous est celui qui est bon envers les siens et je suis bon envers les miens. Seul un individu généreux se comporte généreusement avec une femme et seul un être ignoble est capable de les humilier [24]. » Ce hadith est donc un appel solennel à un comportement empreint d’un haut degré de bonté et de passion envers les femmes.
Si l’islam a autorisé avec réserve la polygamie et le divorce, il n’a pas manqué de les soumettre à des conditions bien précises. Le principe fondamental est l’intérêt familial après satisfaction et consultation mutuelles : « Si le père et la mère s’entendent pour un sevrage, après consultation réciproque et mutuel consentement, nulle faute à leur charge [25]. » En effet, la consultation (Choura) en islam est comme la consultation en justice ; elle est le fondement de toute organisation islamique et un moyen d’éviter l’injustice et la tyrannie dans les lois sur la famille et sur la loi en général.
Si les finalités suprêmes de la Chari’a sont de préserver la religion, l’âme, la progéniture, les biens et l’esprit, alors le divorce est l’outil qui permet de préserver la troisième finalité, savoir la progéniture. Le mariage n’est pas une relation juridique qui ne vise que la procréation mais il est conçu pour la stabilité, la quiétude, l’entente et l’affection. Dieu dit à ce propos : « elles sont un vêtement pour vous et vous un vêtement pour elles [26] ». Or, ce vêtement c’est la métaphore de la symbiose totale et de l’harmonie conjugale : « l’union la plus intime vous est associée l’un à l’autre [27] ». Ainsi, l’harmonie et l’union intime sont le ciment de la famille et la femme est le noyau de celle-ci.
Toutefois, ce lien sentimental solide et les responsabilités qui en découlent ne doivent pas occulter l’objectif majeur du mariage qui est la préservation et la continuité de l’espèce humaine. Si le mari s’avère incapable d’assurer cet objectif, la femme peut soit assumer sa situation, soit se séparer de son époux selon les règles de la Chari’a. Si, en revanche, l’époux ne peut avoir de progéniture de son épouse, il peut soit assumer sa situation avec patience, soit prendre une deuxième épouse, soit divorcer. Ces situations sont régentées par des règles bien précises que les religions antérieures à l’islam n’offraient pas et que les lois ultérieures n’avaient pas encore instituées.
En islam, le mariage n’est pas une finalité en soi mais un moyen pour fonder la famille sur des bases saines. La famille est, en effet, le premier pilier d’une société, tant et si bien que ce pilier doit être fondé sur des relations solides. La maternité est, de ce fait, le ciment qui renforce la famille. Mais au-delà de la procréation, la maternité signifie l’attention et les soins permanents qui accompagnent la croissance des enfants. À cet effet, l’islam a prévu des conditions bien précises qui président au choix de l’épouse et aux conditions du mariage.
La maternité est une fonction fondamentale dans la vie de la femme. Elle ressemble à un arbre qui ne vaut que par les fruits qu’il porte. La maternité qui suppose allaitement, soins, éducation et enseignement contribue à la construction d’une société saine.
Eu égard au caractère sacré de la maternité, l’islam a conféré à la femme une place de choix dans la société et l’a suffisamment armée pour s’atteler à sa fonction naturelle. L’islam n’a pas obligé la femme à travailler à l’extérieur de son foyer et a chargé, en revanche, l’homme de subvenir aux besoins de la famille. Mais cela ne signifie pas que l’homme est investi de tous les pouvoirs envers la femme. La prise en charge ne signifie pas l’autorité mais la responsabilité de s’acquitter du devoir de paternité. Or, étant donné que l’homme est responsable de la gestion matérielle, sa part de l’héritage est plus importante afin de sauvegarder l’équilibre des deux pôles de la famille. Par conséquent, aucune femme n’a plus le droit de négliger ses enfants. Elle doit, au contraire, leur prodiguer une bonne éducation en les guidant vers le droit chemin. Plus elle s’occupe de ses enfants, plus ses relations avec ceux-ci sont bonnes. Ainsi, lorsqu’elle aura achevé leur éducation, elle aura amplement mérité que ses enfants prennent à leur tour soin d’elle, comme le stipulent le Coran et le hadith. La jurisprudence islamique, toutes écoles théologiques confondues, nous fournit à cet égard un système intégré de règles et de principes détaillés qui confirment tout l’intérêt qu’accorde l’islam à la famille.
La femme ne pourra mener à bien sa mission éternelle (la mission de maternité) que si la société lui témoigne sa reconnaissance et son estime en lui donnant ses droits et en déterminant ses responsabilités en tant qu’élément productif dans la société. À cet égard, l’islam n’a nullement négligé cet aspect, il a même abordé cette question dans le détail, en se fondant sur des bases équitables qui prennent en compte sa sensibilité morale et ses caractéristiques biologiques (cycle menstruel, allaitement…). Les commandements islamiques prennent ainsi en considération sa constitution physique et morale.
Le discours coranique souligne que la nature de la femme est la même que celle de l’homme car ils sont issus de la même origine. Dieu dit : « O hommes ! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d’un seul être, et a créé de celui-ci son épouse, et qui de ces deux-là a fait répandre (sur la terre) beaucoup d’hommes et de femmes [28]. » On remarque, à cet égard, que le Coran a utilisé les termes « hommes et femmes » au pluriel et non pas « mâle et femelle » au singulier, ceci pour mettre en relief le grand nombre d’êtres humains issus d’un seul être, créé lui aussi par Dieu. Ceci est une preuve, une de plus, sur la place de choix qu’accorde l’islam à la femme dans la société islamique.
En islam, la femme a le plein droit de disposer de ses biens ; elle a le droit d’en jouir sans intermédiaire et le droit d’ester en justice son époux ou une tierce personne. La justice tient compte de son témoignage, qu’il soit individuel ou combiné à un autre, en fonction du contexte. Sa fatwa (avis juridique), son jugement et son avis sont valables. Plus encore, la part d’héritage qui lui revient a été déterminée de manière précise. Toutes ces prescriptions revêtent un caractère avant-gardiste puisque les sociétés humaines ne les ont pas connues ni avant l’islam ni après celui-ci, jusqu’au milieu du xxe siècle, comme on le sait.
Mais malgré tout, l’islam est, de temps à autre, victime de campagnes hostiles qui le condamnent hâtivement sans chercher à le connaître en profondeur. En fait de témoignage par exemple, celui d’une seule femme est suffisant, mais dans certains cas il est nécessaire de recueillir le témoignage de deux femmes contre celui d’un seul homme. Ceci dit, les critiques assénées à l’islam à ce sujet ne sont pas recevables par les experts en droit et en sociologie. En effet, le fait que la Chari’a ne valide pas le témoignage de la femme dans certains cas n’est pas lié à la question du sexe. La Chari’a a arrêté les cas où la femme et l’homme doivent apporter leur témoignage. De même que la Chari’a ne compte pas uniquement sur le seul témoignage de l’homme concernant certaines spécificités de la femme, elle ne valide pas le témoignage de la femme seule dans les condamnations graves (hudûd), étant donné que la sensibilité de celle-ci pourrait l’empêcher de rendre compte de façon minutieuse de tous les détails de l’affaire en question.
La femme musulmane a le droit de participer à toutes les activités de la société. Elle a également le droit d’exercer toutes les professions dont elle est capable sans distinction entre elle et l’homme. L’islam ne conditionne cet exercice que par la préservation de l’honneur et de la dignité de la femme en la maintenant éloignée de la dépravation et du relâchement de mœurs. En consacrant à la femme un espace professionnel, la société islamique respecte sa vocation originelle. Les musulmans n’ont jamais construit une mosquée strictement réservée aux hommes et une autre strictement réservée aux femmes, mais ils ont aménagé au sein de la même mosquée un espace pour les hommes et un autre pour les femmes. Le principe, en effet, est d’œuvrer à faciliter les choses et non de les compliquer.
La femme a le droit d’accéder aux différentes fonctions administratives à l’exception de l’imamat suprême et de la magistrature, conformément à l’avis répandu chez l’ensemble des docteurs de la loi musulmane. La règle sur la fonction de magistrature constitue toutefois matière à débats chez certains grands juristes musulmans comme Tabari, Ibn Al Qâsim et Ibn Hazm. Il est d’autres docteurs qui ne tranchent pas définitivement sur l’interdiction de l’imamat suprême et de la magistrature de la femme. En somme, l’avis sur cette question doit s’adapter aux intérêts suprêmes de la Oumma.
À travers son histoire, la femme musulmane a grandement contribué au mouvement scientifique, intellectuel et littéraire. Ainsi, des milliers de femmes ont brillé dans plusieurs disciplines scientifiques et culturelles. Si bien qu’Al Hafid Ibn Jaafar a retracé dans son livre Al Isaaba fi tamyiz assahaba (l’avis pertinent dans la distinction entre les compagnons du prophète) la biographie de mille cinq cent quarante-trois femmes, dont des docteurs de la loi, des oratrices et des femmes de lettres. Al imam al-Nawawi, dans son livre intitulé Tahdîb al asmâe wa loughât, Al Khatîb Al-Baghdâdi dans son livre Târîkh Baghdâd (L’histoire de Bagdad) et Al Sakhaoui dans son ouvrage Ad- daw’e allami’ li ahli al qarn attasi’ (Les lumières du ixe siècle) et Omar Réda Kahala, un auteur contemporain, dans son Mou’ajam a’alâm annisa’e (dictionnaire des célébrités féminines) et bien d’autres biographes ont consacré des ouvrages aux femmes qui se sont illustrées dans les domaines du fiqh, de l’exégèse, des lettres, de la poésie, de la langue et de la philosophie.
Depuis l’époque du prophète (PSL), la femme a toujours fait montre d’un désir de s’instruire, d’aller à la quête du savoir et d’exceller dans les disciplines qu’elle pratiquait. Aïcha, mère des croyants, était connue pour son érudition en matière de Coran, de sciences de la religion, de poésie et d’histoire. Hicham Ibn Urua la décrit, d’après son père, en ces termes : « Jamais je n’ai vu quelqu’un de plus instruit en matière de fiqh, de médecine ou de poésie que Aïcha. » D’autres femmes comme Fatima bint Hussein, fils de Ali ibn Abi Taleb (que Dieu l’agrée), était l’une des femmes les plus savantes, les plus intelligentes et les plus pieuses de son temps, si bien que Ibn Ishâq et Ibn Hicham l’ont prise comme référence dans la rédaction de la biographie autorisée du Prophète.
Citons également Noufissa bint Al Hassan bin Zayd bin Ali bin Abi Taleb (que Dieu l’agrée), qui assistait aux cours de l’imam Malik à Médine. Elle était connue pour son grand savoir et sa rectitude. Lors de son séjour en Égypte, elle a créé une espèce de cercle académique qui attirait les plus grands savants de l’époque, notamment l’imam Al Châfi’i qui se concertait avec elle en matière de fiqh et de sciences de la religion. Ces consultations se sont poursuivies jusqu’à la mort de ce grand maître. Citons aussi parmi ces femmes savantes, Zaynab fille d’Abbas, originaire de Bagdad, qui faisait partie de l’aréopage des oulémas de l’époque ; c’était une habituée des cercles de savoir tenus par Ibn Taymia. Chahda fille d’Al Abari, elle, était une agrégée des sciences du hadith ; plusieurs oulémas de la stature d’Ibn Al Jaouzi et d’Ibn Qudama l’ont eue comme professeur. Oum Habiba Al Isbahaniya avait pour disciple le cheikh Al Moundiri qui a obtenu le titre de « alem » après avoir suivi ses cours. Fatima fille de Mohammad Al Samarkandi a tenu son savoir de plusieurs grandes sommités du fiqh, comme elle a, à son tour, transmis son savoir à plusieurs étudiants. Elle a exercé le métier d’enseignante et écrit de nombreux ouvrages sur le fiqh et le hadith. Il lui arrivait même de signaler à son époux Cheikh Ala’e Al Kassani, l’auteur d’Al Bada’i, ses erreurs en matière de fiqh.
Quant à Fatima bint Ahmed bin Yahiya, elle s’est illustrée en tant que grande savante qui élaborait des règles de fiqh et était souvent consultée par son mari Al Imam Al Moutahar lorsque celui-ci préparait les cours qu’il dispensait à ses étudiants.
En Occident islamique, Fatima Al Fihriya Oum Al Banîne construisit la mosquée Al Qarawiyine à Fès, au Royaume du Maroc, au iiie siècle de l’hégire. Cette mosquée a aussitôt fait office d’université, la première du genre dans le monde islamique, voire dans le monde entier. Fatima Al Fihriya était une savante mais aussi une bienfaitrice, tout comme sa sœur Mariam qui, elle, a construit la mosquée Al Andalous à Fès. L’Andalousie a également connu plusieurs femmes savantes, notamment Oum Al Hassan bint Souleïman. Elle aurait tenu sa science d’un rapporteur de hadith originaire d’Andalousie répondant du nom de Baqi Ibn Moukhlid qui lui a transmis sa science aussi bien oralement qu’à travers ses écrits. Elle a accompli le pèlerinage à la Mecque où elle a rencontré les savants du Hijaz qui lui ont transmis le fiqh et le hadith avant de retourner en Andalousie. Elle fit un deuxième pèlerinage et mourut à la Mecque.
L’Occident islamique comptait également, parmi ses femmes savantes, Asmaa bint Assad bin Al Furat, qui tenait son savoir de son père, ami des deux grands imams Abu Hanîfa et Malik Ibn Anass. Elle s’est rendue célèbre par le rapport des hadiths et du fiqh selon l’école hanafite.
Citons aussi, dans le même contexte, Khadija, fille de l’imam Sahnoun. Le grand imam Al Qadi Ayyad dit d’elle dans son ouvrage intitulé : Tartîb al madârik wa takrîb al masâlik li maarifati a’alâmi madhabi mâlik (les grands noms du rite malékite) : « Khadija fut connue pour sa sagesse, sa science et sa piété. Les femmes la consultaient sur les questions de la religion et elle leur servait d’exemple. » Ibn Hazm, dans son célèbre ouvrage traduit en plusieurs langues : Tawq al-hamâma fi al ulfati wa al ulâf (connu en français sous le titre Le collier de la colombe) rapporte que les femmes d’Andalousie exerçaient des professions aussi diverses que la médecine, l’enseignement, le tissage et la confection. Ce grand auteur n’a pas manqué de signaler qu’enfant, il a eu des femmes comme professeurs.
Tamîma, fille du sultan almoravide marocain Youssef Ibn Tachafine, comptait parmi les femmes les plus brillantes en sciences, tout comme Oum Amr Ibn Zohr, sœur du célèbre médecin Abu Bakr Ibn Zohr, qui était, elle, excellente en médecine théorique et pratique. Le Maghreb comptait aussi Bayram, fille de Ahmed Al Diroutiya qui était une grande spécialiste des lectures du Coran ; elle a eu le privilège de lire le Coran à Bayt Al Maqdis devant les grands cheikhs et était connue pour avoir mémorisé plusieurs textes de référence.
À l’époque moderne, et jusqu’au début du xixe siècle, la ville marocaine de Fès a connu Al Aliya, fille du savant émérite At-tayib bin Kirâne. Elle enseignait la logique à la mosquée Al andalous où elle consacrait des séances aux femmes et d’autres aux hommes. C’était aussi le cas en Égypte, en Syrie, en Mésopotamie, en Perse, en Turquie (Transoxiane) et en Inde. Ainsi, le savant Abou Al Hassan Ali Al Hassani An-Nadawi rapporte que des femmes brillantes de sa famille lui avaient enseigné les sciences juridiques musulmanes et la littérature. Ses sœurs aussi comptaient à leur actif une importante contribution à la littérature de leur époque.
À l’époque moderne, plusieurs femmes musulmanes ont excellé dans les domaines des sciences, de la littérature, du droit, de la médecine, de l’administration et bien d’autres champs du savoir. Certaines ont même atteint un très haut niveau d’érudition dans leur spécialité au niveau aussi bien national qu’international. À cet égard, dans les universités du monde islamique, certaines étudiantes se distinguent toujours, par rapport à leurs camarades mâles, en matière de recherche scientifique dans différents pays du monde islamique.
L’histoire islamique retient des brillantes contributions de la femme musulmane dans différents champs de la science et du savoir, au moment où la femme dans les autres sociétés ne comptait à son actif aucun apport à l’activité intellectuelle.
À vrai dire, tous ces faits historiques sont pour nous une source de fierté, car ils témoignent de l’immense apport de la femme musulmane à la civilisation arabo-islamique, et par conséquent à la civilisation humaine. Ils nous incitent à favoriser davantage l’accès de la femme moderne aux différents domaines des sciences et du savoir où elle pourra exceller et mettre ses compétences et ses aptitudes au service du développement global dans nos sociétés islamiques, dans le cadre des valeurs islamiques, afin de répondre aux exigences de développement socioculturel du monde moderne. C’est ainsi que la femme musulmane sera en mesure de reprendre le rôle de premier plan qu’elle a joué naguère dans l’histoire de la civilisation arabo-islamique.
Nul doute que c’est là un des plus importants défis auquel nous faisons face aujourd’hui, d’autant que le monde islamique appelle de ses vœux une renaissance scientifique globale qui mettra à contribution ses hommes tout autant que ses femmes. Tout en étant attachée aux constantes islamiques pérennes, cette renaissance tant souhaitée devra aussi veiller à être ouverte sur l’époque et s’adapter aux changements inhérents à celle-ci, l’objectif étant d’assurer aux sociétés islamiques un avenir plus radieux et plus prospère.
À travers l’histoire, l’islam a pu contenir en son sein des peuples et des nations aux us et coutumes difficiles à changer. Par ailleurs, plusieurs régions du monde islamique ont été la cible d’agressions extérieures et ont subi l’invasion culturelle et l’occupation. D’autres régions ont ployé sous le joug de la misère et du sous-développement. Ceci explique pourquoi plusieurs pratiques des musulmans aujourd’hui, dont celles liées à la situation de la femme dans le monde islamique, sont encore imprégnées de cet héritage aux multiples facettes. C’est pourquoi, pour juger de la situation de la femme, il faut prendre en compte non pas la réalité sur le terrain, qui dévie souvent de la voie tracée et préconisée par l’islam, mais les enseignements islamiques qui ont véritablement affranchi et émancipé la femme.
C’était là un aperçu très sommaire de la place de la femme en islam. Certes, la réalité concrète peut différer d’un pays musulman à un autre, voire d’une ville à une autre. Mais cette différence s’explique par les us et coutumes et les circonstances de telle ou telle société. Le plus important, c’est de veiller à comprendre le point de vue de l’islam sur la femme et la place qu’elle occupe dans la société islamique à travers les textes de droit musulman, l’interprétation de ces textes et les bons exemples puisés dans l’histoire des musulmans.