L’engouement populaire a ralenti. Au moment où la population a plus besoin de masques, gel hydro-alcoolique et autres matériels, les donateurs ne se comptent plus à la pelle. Les collectivités locales ne sont plus au rendez-vous comme avant. Interpellés par «L’Observateur», des élus tentent d’apporter des explications à cette baisse d’engagement des mairies dans la lutte contre le Sars-Cov-2, durant cette deuxième vague plus meurtrière.
Au départ, ils en avaient tous fait une affaire personnelle. Collectivités locales, entreprises publiques comme privées et particuliers s’étaient illustrés à travers des dons en nature comme en argent. Une pluralité d’actions philanthropiques dont l’objectif commun était de contenir la propagation du virus et le bouter hors du territoire sénégalais. Et pour ce faire, il fallait d’abord disposer de moyens de protection individuelle. Ainsi, masques, bouteilles de gel hydro-alcoolique, entre autres, avaient été mis à la disposition des Sénégalais. Seulement, malgré ces efforts, le virus continue sa propagation, jusqu’à installer le pays dans une seconde vague qui fait plusieurs centaines de contaminations par jour. Hier, le Sénégal a connu un nouveau record de contaminations déclarées en 24 heures.
«L’engagement des élus reste constant, mais…»
Au moment où la courbe épidémique continue de grimper, l’élan de solidarité dans la lutte contre la propagation du virus ralentit progressivement. Un paradoxe. Qu’est-ce qui peut expliquer que les mairies, qui étaient au-devant de la scène durant la première vague, se soient quasiment éclipsées au moment où les administrés ont plus besoin de matériels pour se protéger du virus ? Mbaye Dione, maire de la commune de Ngoundiane et Secrétaire général de l’Association des maires du Sénégal (Ams), donne quelques explications de cet état de fait. «C’est surtout un problème de disponibilité des ressources. Nous sommes en début d’exercice budgétaire. Certaines collectivités n’ont même pas encore voté leurs budgets et les ressources ne sont pas disponibles. Pour moi, c’est la principale raison qui fait qu’elles ont du mal à mobiliser les ressources pour poursuivre cette contribution dans la lutte contre la propagation du virus», dit-il.
Cela ne veut pas pour autant dire que les mairies se sont retirées de la lutte. Elles sont, selon lui, bien conscientes du rôle qu’elles doivent jouer. «Pour preuve, nous avons perdu beaucoup de collègues parce que les maires sont au-devant de la scène, près des populations, ils sont présents partout. Cette pandémie a montré qu’ils sont exposés. L’engagement des élus reste constant. Mais entre vouloir apporter un soutien et en avoir les moyens, il y a une différence. Quand les budgets seront disponibles, les gens seront obligés de faire les mêmes efforts aussi bien dans la lutte contre la propagation avec la mise à la disposition des structures sanitaires et des populations de matériels, que dans l’assistance aux couches nécessiteuses en termes de dotation en denrées alimentaires, en produits de nettoiement…», confie Mbaye Dione, maire de Ngoundiane.
D’après le Secrétaire général de l’Ams, les collectivités locales ont contribué de manière considérable, en matériels, dans la lutte contre la propagation du Coronavirus. «Les estimations faites avec le ministre des Collectivités locales ont montré que toutes les communes du Sénégal avaient contribué à hauteur de deux (2) milliards en dons en nature. Elles avaient appuyé les structures sanitaires, les écoles, les foyers, les mosquées, en gants, masques, thermoflash, produits d’hygiène», ajoute le maire de Ngoundiane. Qui précise que sa commune avait dégagé une enveloppe de 40 millions FCfa, dont les 25 constituent un appui de ses partenaires. Ce qui leur a permis d’effectuer des dons en nature dans les écoles, structures sanitaires, lieux de culte et lieux publics.
«La période n’est pas propice à des dépenses pour les collectivités»
La mairie de Dakar est toujours sur le pied de guerre. Mais à un degré moindre par rapport à la première phase. Les finances constituent le blocage. «Notre budget a été approuvé la semaine dernière. Nous sommes en début d’année. C’est une période de mise en place qui n’est pas propice à des dépenses pour les collectivités. Le président de la République avait aussi facilité le cadre légal, puisqu’il avait levé les mesures concernant le code des marchés. Ce qui permettait à plusieurs collectivités de réagir immédiatement. Ce qui n’est pas le cas actuellement. La plupart des collectivités sont obligées de faire les procédures classiques qui prennent plusieurs mois», explique le directeur de la Santé et de l’Action sociale de la ville de Dakar, Babacar Abba Mbaye.
Pour lui, la raison du relâchement de plusieurs collectivités doit être recherchée dans la communication de l’Etat autour de la pandémie. «Beaucoup de collectivités se sont engagées, dans le sillage de l’Etat, à l’aider, à le supporter. Mais, on s’est levé un matin, on nous a demandé de vivre avec le virus, alors que les collectivités avaient engagé beaucoup de moyens. Certaines n’étaient même plus en mesure d’appuyer leurs populations pour la Tabaski. Ce qui fait qu’elles sont aujourd’hui dans la réflexion et la patience pour voir comment les choses vont évoluer», ajoute-t-il. La mairie de Dakar qui, selon son directeur de la Santé et de l’Action sociale, a injecté plus d’un milliard FCfa en denrées alimentaires, masques, gel hydro-alcoolique etc., est décidée à mettre des moyens pour continuer à accompagner les différentes structures de santé et les établissements scolaires. «Après une réunion avec le Préfet, nous sommes en train de faire le point dans les lycées et collèges sur les respects des mesures barrières et voir l’appui que nous pourrons leur apporter. Nous sommes décidés à mettre tous les moyens pour parer à toutes éventualités, si la situation devenait critique. Pour l’heure, des réflexions sont menées sur les stratégies à adopter. L’urgence c’est l’équipement des zones tampons que la région médicale est en train de créer dans les centres de santé. Nous sommes en train de réfléchir sur les moyens d’acquérir des centrales d’oxygène mobiles et venir en appui à ce que l’Etat est en train de faire», signale Babacar Abba Mbaye.
Maire de la commune de Fann-Point-E-Amitié, Palla Samb soutient que sa collectivité a dépensé durant la première vague, presque 250 millions de FCfa en denrées alimentaires, gel, masques, détergent et autres produits d’entretien. Ce qui avait financièrement essoufflé sa mairie. «J’avais fait un virement de crédit. Tout le budget de fonctionnement du cabinet du maire a été affecté à la population. C’était pour l’accompagner en nature», souligne le maire. Selon lui, la mairie n’exclut pas de faire la même chose contre cette seconde vague du Covid-19. «J’ai commencé avec le volet sanitaire. J’ai doté toutes les écoles en lavoir, gel antiseptique, détergent. Je suis à 20 000 masques pour cette seconde vague. J’ai déjà fait les écoles et les structures sanitaires. Cette semaine, je compte doter les lieux de culte de masques, gel et détergent», a laissé entendre le maire de Fann-Point-E-Amitié.
AIDA COUMBA DIOP