Relativement préservé comme de nombreux États africains, le Sénégal fait face à une deuxième vague beaucoup plus virulente et meurtrière et ce, depuis novembre dernier. Pourquoi cette flambée des décès ? Thierno Dieng, statisticien, apporte des éléments de réponse. Son étude réalisée à partir des données officielles publiées explique comment la tranche d’âge la plus touchée par les contaminations est passée de 20-50 ans, à 60 ans et plus. Pour ces personnes, les complications sont souvent fatales.
Ainsi, il va au-delà des éléments concernant le retard à la consultation, la persistance de la stigmatisation, et la surcharge des services de réanimation. Là aussi, relève-t-il, « la charge moyenne de cas graves a baissé. Elle est plus faible qu’au mois d’août, en ce moment-là, on était à plus de 57 cas. Aujourd’hui, peut-être que c’est dû à ce que les malades meurent plus rapidement. Les dernières semaines on était autour de 37. Donc là attention quand les décès passent à 57 dans les dernières semaines, cela veut dire qu’il y a une inversion et il faut l’expliquer. »
Poursuivant, le Statisticien ajoute : « C’est ça qui a fait qu’on s’est dit qu’il y a autre chose, qu’on devrait voir. J’ai la chance de suivre cette épidémie depuis le début et j’ai travaillé avec des spécialistes. Et c’est sur cette base que je me suis dit qu’est-ce qui pourrait être les autres possibilités de manière directe ou indirecte, toujours en nous basant sur les données nationales fournies par le ministère, à travers les communiqués quotidiens par la Direction de la Prévention, et le rapport fourni par le Centre des opérations d’urgence sanitaire (COUS). On se retrouve avec une situation qui change si on voit la répartition par âge, et par sexe. On voit qu’au début de l’épidémie, c’est très clair qu’il y avait la tranche d’âge de 20 à 50 ans, qui était la plus touchée. On savait que cette tranche d’âge coïncidait avec les personnes actives économiquement.
Mais on a vu qu’au fur et à mesure, les autres tranches d’âge principalement les personnes âgées, leur proportion augmentait au fur et à mesure, dans la répartition des cas. Cela fait voir justement après entre les mois de novembre et de décembre. On s’est retrouvé avec une tranche d’âge qui a subitement changé la figure de l’épidémie, avec la tranche d’âge des 60 ans et plus, devenant la plus touchée. »
« À partir du mois de décembre, il y a eu un bouleversement, renchérit-il. Et là, ce qu’on a constaté, c’est que le bouleversement a coïncidé avec cette inflation de cas mais surtout avec cette flambée de décès. Cette tendance se maintient. Sur trois semaines, on a vu que ce basculement s’est opéré et a même tendance à s’accentuer. »
Par ailleurs, les contaminations touchent plus les hommes que les femmes. Parmi les sources de contaminations les plus probables, les rassemblements religieux sont retenus, le traitement à domicile, et l’école. « On doit aller plus loin, et à partir de ce moment-là, c’est de prendre les bonnes décisions parce que nous devons apprendre vite et retenir les leçons », clôt Thierno Dieng.