L’Hôpital général Idrissa Pouye de Grand Yoff (Hogip), ex-Cto, est équipé d’un appareil d’angiographie depuis plus d’un an. Cette acquisition constitue une révolution dans le traitement de plusieurs pathologies et malformations congénitales liées au cœur, des Avc… Cette technologie de pointe, qui sauve des vies, n’est pas pourtant accessible à beaucoup de Sénégalais.
Par Boubacar THIAM et Papa Demba FAYE ( Stagiaires)« Le Soleil »
L’Hôpital général Idrissa Pouye, situé à quelques mètres de la gendarmerie du Front de Terre, accueille beaucoup de monde, ce mercredi 13 janvier 2021, à midi. De petits groupes de malades et d’accompagnants sont adossés aux glissières, pendant que des voitures entrent par la grande porte. Les accompagnants passent par une petite porte après un contrôle. Des barrières sont aménagées de manière à séparer les entrées et les sorties des véhicules et des personnes.
À l’intérieur, au service d’endoscopie, des patients attendent devant les bureaux des médecins et des secrétaires. Cependant, aucun malade n’est devant l’unité d’angiographie et de cardiologie interventionnelle. Elle est sécurisée et l’entrée n’est possible que par carte magnétique, tandis que la sortie exige l’appui sur un système. C’est un service particulier où les praticiens s’occupent de pathologies très sensibles. Ils ont besoin d’être coupés du reste de l’hôpital pour se concentrer sur la réparation du cœur, pour ôter une embolie, réparer une artère ou même redémarrer un cœur…
Peinte en jaune, la salle d’attente du service ne compte que 3 sièges et une seule décoration : une photo de l’appareil d’angiographie accrochée au mur. De là, nous voici dans la salle de commandement équipée de 6 ordinateurs. À partir de leur écran, les praticiens peuvent suivre des réparations et aussi consulter les dossiers. Les interventions sont visualisées à partir de ces 6 ordinateurs. Les praticiens, en un clic, peuvent consulter les dossiers d’un patient comme celui d’un jeune sujet qui vient de retrouver une vie normale après des années de craintes de sa famille. L’appareil de pointe a permis d’introduire un fil qui a éliminé le caillot sanguin. « Avec cette acquisition, le Sénégal est à la pointe des technologies médicales. Il n’a rien à envier aux occidentaux dans ce domaine précis », se réjouit le cardiologue, Bouna Diack, chef du service cardiologie de l’hôpital général Idrissa Pouye. Il précise que, depuis le début, entre 2 à 3 décès ont été enregistrés, décès liés, le plus souvent, à des situations complexes des patients. « L’acte est assez bien maîtrisé », rassure-t-il.
En blouse, la tête coiffée d’un chapeau, le visage masqué, le Dr Diack parle avec un langage simple d’un acte médical exigeant. « L’activité principale, c’est la coronarographie qui consiste à introduire un dispositif à partir du bras jusqu’au cœur pour corriger un problème », explique le cardiologue. C’est avec un mince fil que les praticiens éliminent une obstruction qui peut emporter une vie. Mais ce n’est pas tout. Car les cancers peuvent aussi être traités dans cette unité où l’on peut également prévenir les amputations de jambe pour les personnes atteintes de diabète. « Tous les jeudis, des patients, dont l’amputation semble être le dernier recours, sont reçus pour traitement. Nous prévenons les amputations en rétablissant la circulation du sang », a révélé le Dr Bouna Diack.
Depuis l’installation de cet appareil, plus de 400 malades ont été traités. L’impact sur la réduction des évacuations sanitaires vers l’étranger est réel, de même que sur les décès liés aux maladies cardiovasculaires. « On avait un taux de décès de 15% contre 8% après acquisition. C’est presque 50% de moins», se félicite Dr Diack.
80 % des maladies du cœur traités
L’autre avantage avec l’unité d’angiographie, c’est l’extension du champ de prise en charge des malades. Désormais, l’équipe est en mesure de traiter 80 % des maladies du cœur. « Les ressources humaines compétentes et les outils nécessaires à leur traitement efficace et rapide sont disponibles dans les quatre grands hôpitaux de Dakar », informe le Dr Bouna Diack, chef du service cardiologie de l’hôpital général Idrissa Pouye. Le temps est le pire ennemi pour les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires, notamment l’Avc. « Plus vous perdez du temps, plus vous avez moins de chance de récupérer des muscles.Si la prise en charge est tardive, le cœur est très mal en point », prévient-il.
Les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité. Leur prise en charge est hors de portée de beaucoup de Sénégalais. C’est pour cela que les responsables de l’Unité de cardiologie interventionnelle plaident pour un allégement des coûts, moyennant une subvention. Car l’acte de diagnostic coronarographie coûte 500.000 FCfa, l’angioplastie coronaire (acte thérapeutique) est facturée à 1.500.000 FCfa, le pacemaker (stimulateur cardiaque ou pile cardiaque) revient à 1.300.000 FCfa.
55 % des patients ont des soucis d’accessibilité financière
L’hôpital général Idrissa Pouye de Grand Yoff a investi un milliard de FCfa pour l’acquisition de l’appareil d’angiographie. Un investissement coûteux dont le remboursement incombe à la structure sanitaire. De cette situation découle un réel problème d’accessibilité financière. «Sur 100 personnes nécessitant un traitement par l’angiographe, 25 % ne peuvent pas payer immédiatement les frais y afférents, les 30% ne pourront jamais le faire. Ce qui fait au total 55 % qui ont des soucis d’accessibilité financière », regrette le Dr Bouna Diack, chef du service cardiologie de l’hôpital général Idrissa Pouye.
C’est avec le cœur lourd qu’il nous parle des patients qui ne peuvent plus suivre le traitement après la mise en évidence de leur maladie. « En tant que professionnels de la santé publique, nous tenons à ce que les Sénégalais accèdent aux services offerts par l’appareil d’angiographie. L’équilibre doit être trouvé afin que le bijou puisse être un instrument de service public », prêche le cardiologue Diack.