Le nom de Serigne Saliou Mbacké est celui du dernier fils vivant de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie des mourides à la fin du XIXe siècle. Il est né à Diourbel en 1915 et disparu à Touba le 28 décembre 2007, il y a douze ans jour pour jour. Retour sur le parcours de cet éminent guide religieux au destin fulgurant et étonnant.
13 ans après, les hommages ne cessent de s’amplifier
Le cinquième Khalife de Bamba a disparu il y a trèze ans jour pour jour. Au moment où nous écrivons ces lignes, c’est l’un des sujets les plus commentés sur Facebook, WhatsApp et Instagram. On ne parle que de ça sur les réseaux sociaux. Pour marquer l’anniversaire de sa disparition, de nombreux fidèles ont fait des posts. Chacun y va de son anecdote pour rappeler le triste événement, un vendredi de 28 décembre 2007. De génération en génération, les hommages ne cessent de s’amplifier.
Il fut l’un des chefs religieux les plus connus du Sénégal et à l’étranger, celui dont tout le monde parle et que chaque « Thiantacoune » veut que son fils porte le patronyme. La seule évocation de son nom provoque l’hystérie chez les disciples de feu Cheikh Béthio Thioune. Ils se déchaînaient, lors de ses rares apparitions publiques aux côtés de leur guide. Serigne Saliou Mbacké les invitait sans cesse à l’adoration de Dieu et au respect des préceptes de l’islam.
Serigne Saliou Mbacké s’est éteint à l’âge de 92 ans. Dernier fils vivant de Cheikh Ahmadou Bamba, il cède le khalifat, qu’il occupait depuis le 13 mai 1990, au plus âgé des petits-fils du fondateur du mouridisme, Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké. Sur son fauteuil de Khalife général des Mourides (1990-2007), confrérie fondée à la fin du XIXe siècle par son père, Cheikh Ahmadou Bamba, le guide religieux a vécu suivant l’exemple de soufis. Il a aussi vécu des heures de gloire.
Serigne Saliou fut le plus petit dénominateur commun dans un pays en proie à des divisions
Il fut le plus petit dénominateur commun dans un Sénégal en proie à des divisions. À l’instar de ses prédécesseurs, les membres de l’opposition, du pouvoir et de la société civile lui rendaient régulièrement visite. Les syndicalistes sollicitaient sa médiation avant de lancer le moindre mouvement social. Sa disparition avait privé les mourides d’une référence morale, mais également d’un régulateur de la vie politique et sociale. L’on se rappelle de ses interventions pour sauvegarder les grands équilibres du pays, dans un contexte lourd d’incertitudes.
Fin janvier 2007, rappelle le magazine Jeune Afrique, il a parrainé la réconciliation entre le chef de l’État Abdoulaye Wade et son ex-Premier ministre Idrissa Seck. Les retrouvailles entre les deux hommes ont décrispé le climat politique et contribué à apaiser l’élection présidentielle du 25 février suivant. Mieux, sa sortie à la veille des joutes électorales aurait fait pencher la balance en faveur du président sortant, Abdoulaye Wade.
Il avait demandé au président de la République d’attendre la fin de l’élection présidentielle pour poursuivre les travaux qu’il a entamés à Touba. Cette recommandation de feu Serigne Saliou Mbacké, passée en boucle à la radio et à télévision, aurait basculé l’électorat mouride en faveur d’Abdoulaye Wade. Et les mourides avaient compris cette sortie de leur khalife général d’alors comme un « Ndigël (consigne de vote) en faveur du président Wade, qui en fait une propagande électorale devant inéluctablement porter ses fruits.
Serigne Saliou Mbacké, « premier agriculteur du Sénégal »
Serigne Saliou Mbacké bénéficiait d’une grande aura dans la communauté mouride et dans le monde musulman. Le guide religieux était également un acteur économique. Etant convaincu de la nécessité pour le Sénégal de réaliser l’autosuffisance alimentaire, son statut de « Premier agriculteur du Sénégal » était connu de tous. Dans son domaine de 49 000 hectares à Khelcom, il cultivait de l’arachide, du mil, du maïs et des produits maraîchers.
Le 28 décembre 2007, le cinquième khalife général des Mourides a laissé derrière lui une confrérie forte de plusieurs millions d’adeptes, mais aussi une ville sainte, qui a connu un essor exceptionnel, durant son khalifat. Touba est devenue la deuxième agglomération du pays après Dakar, nous rappelle Jeune Afrique.
Il n’a pas pu voir se réaliser un méga-projet de modernisation de la ville qu’il a confié à Wade, non sans lui remettre, en guise de participation personnelle, une somme de 7 milliards de F CFA. Il met en œuvre un plan de viabilisation de terrains d’environ 100 000 parcelles et un réseau d’électrification de la ville. De même, des canalisations ont été construites pour une meilleure évacuation des eaux de pluie.
Ce 28 décembre 2019, les sénégalais se réveillent en se souvenant encore du décès du cinquième Khalife général des mourides (1990-1997). Ils ne reverront plus le visage émacié et la barbe blanche et n’entendront plus la voix de celui qui a consacré toute sa vie à enseigner la parole divine et à cultiver la terre, à Khelcom, Ndiouroul, Ndiapndal, Ndoka, entre autres localités du pays.