Les Roumains votent ce dimanche : c’est le second tour de l’élection présidentielle, avec au coude à coude dans les sondages le député ultranationaliste George Simion, arrivé largement en tête au premier tour le 4 mai, et l’indépendant pro-européen Nicusor Dan, actuel maire de la capitale Bucarest. Un scrutin tendu, d’autant que beaucoup de Roumains se montrent réceptifs à la rhétorique agressive du candidat d’extrême droite, fan de Donald Trump. Il promet du changement radical, avec la fin de l’aide à l’Ukraine et un programme économique de privatisations peu réaliste. Mais sa campagne agressive pourrait ne pas fonctionner aussi bien au second tour qu’au premier.
George Simion convainc à coups de formules chocs. Cette semaine, il a snobé la plupart des débats télévisés où il était invité. Ikea a même sorti une publicité pour la chaise vide qu’il laisse à chaque fois, un « top topical » en jargon publicitaire.
Homme du peuple, homme de changement
Quand il se présente tout de même devant les caméras de télévision, George Simion esquive les questions et préfère accuser et attaquer plutôt que donner des réponses. Et cela, ça plaît à Marian, un vendeur de légumes du marché populaire d’Obor à Bucarest : « Simion, oui, Simion ! On veut le changement, c’est tout ! Après 35 ans, on en a marre ! Et même si on se trompe pour les 5 ans à venir, on veut du changement. ».
Le changement pour le changement, c’est visiblement un discours qui fait mouche. Beaucoup de Roumains semblent avoir pris conscience que leur pays n’a pas assez progressé depuis la fin du communisme et ils en attribuent la faute à la classe politique, composée à leurs yeux de profiteurs, de corrompus, pour ne pas dire de voleurs, car le terme roumain pour les désigner revient dans toutes les bouches : « Hoți« ….
Simion mal conseillé ?
Beaucoup de Roumains ont cependant du mal à choisir dans un climat de plus en plus polarisé. Surtout après l’annulation du premier tour de la présidentielle à la fin de l’an dernier, due à des soupçons d’ingérence russe, et où un autre candidat d’extrême droite Calin Georgescu avait provoqué la surprise en arrivant en tête, comme l’analyse le professeur de sciences politiques à l’université de Cluj Sergiu Miscoiu : « George Simion a fait une campagne qui est a été influencée largement par la vague de radicalisation, l’héritage de Calin Georgescu. »
« En novembre 2024, George Simon a fait une campagne très différente, une campagne modérée, une campagne où il a participé à des débats, où il s’est abstenu d’insulter les gens. C’était une campagne qui lui a permis d’acquérir des voix de la part des gens qui étaient un peu nationalistes, mais assez modérés et qui n’aimaient pas les excès. »
« Pour compenser cela et pour donner des gages à l’électorat de Georgescu, Simion a fait une campagne qui lui ressemblait, c’est-à-dire une campagne violente sur le plan du langage et des manifestations gestuelles et radicales, en espérant ainsi pouvoir rafler la mise et réunir son électorat à celui de Georgescu. Ce type de positionnement a fonctionné pour le premier tour, avec ces fameux 41%. Mais pour le deuxième tour, poursuivre et même renforcer cette ligne s’avère contre productif. Je crois qu’il a été mal conseillé. »
Le scrutin de ce dimanche sera donc déterminant dans une Roumanie tiraillée entre la tentation de l’homme providentiel et la voie des réformes. Les derniers sondages indiquent un coude à coude entre George Simion et son rival Dan Nicusor.
En fermant ce samedi ses comptes TikTok et Facebook ainsi que son siège de parti, George Simion donne l’impression qu’il va contester les résultats des urnes s’il perd. Et là, c’est un autre modèle, qui l’inspire peut-être, Donald Trump.