À l’occasion des 80 ans du massacre de Thiaroye, survenu le 1er décembre 1944, des voix artistiques majeures se sont élevées pour réclamer la vérité et la justice autour de cette tragédie historique. Babacar Niang, alias « Matador », rappeur sénégalais et membre du groupe BMG44, a plaidé ce samedi pour l’organisation de fouilles sur le site du camp militaire de Thiaroye, afin de retrouver les sépultures exactes des tirailleurs sénégalais assassinés par l’armée coloniale française.
« Il faut aller vers des fouilles, voir comment et où ces gens-là ont été enterrés. Il y a des questions qui restent sans réponse, et je trouve cela anormal », a déclaré Matador, lors d’un panel sur les représentations artistiques de Thiaroye 44.
L’artiste dénonce une « conspiration de silence grave » entre les États français et sénégalais à l’époque, qui a forcé les artistes à s’emparer du micro pour « crier tout haut les réalités sur Thiaroye ». Pour lui, ce lieu de mémoire représente un point de départ essentiel pour repenser l’avenir du continent : « Là où on a enterré plus de 16 nationalités africaines… c’est le point de départ. »
Matador a également salué l’engagement historique des artistes dans la transmission de cette mémoire, citant le film Camp de Thiaroye du regretté cinéaste Ousmane Sembène comme une œuvre phare.
Autre figure emblématique du hip-hop engagé, Didier Awadi a rappelé que cette injustice devait impérativement être mise sur la table. « Nous l’avons racontée en chanson, mais aussi en dessin animé, pour l’expliquer de manière simple. Il ne s’agit pas de vivre dans le passé, mais de poser les bases d’un avenir juste. »
L’artiste plasticien Serigne Ndiaye, de son côté, a interrogé l’amnésie collective autour de Thiaroye : « Pourquoi avons-nous honte d’en parler ? Pourquoi Thiaroye est resté une plaie ? » Selon lui, les artistes ont le devoir de reconstruire l’histoire, même à partir de ses pages les plus sombres : « Il s’agit de créer une œuvre de beauté avec ce qu’il y a de plus hideux, honteux, inhumain. »
Tous s’accordent à dire que la mémoire de Thiaroye est un pilier essentiel pour une nouvelle conscience africaine, citoyenne et politique. Une mémoire à exhumer, au sens propre comme au figuré.