Le commerce mondial de noix brutes concerne chaque année près de 3,5 millions de tonnes de matière première. L’Afrique de l’Ouest est la première région de production d’anacarde.
Entre janvier et avril, les principaux fournisseurs ouest-africains de noix de cajou au Vietnam ont vu rouge. Durant la période, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigéria ont enregistré des baisses respectives de 84 %, 55 % et 39 %, selon les données de l’Association vietnamienne du cajou (Vinacas) publiées sur son site web le jeudi 22 mai dernier. Ceci dans un contexte où le pays asiatique a importé au total 1 million de tonnes de noix de cajou brutes sur la période, soit 10 % de plus qu’un an plus tôt.
Cette chute de l’approvisionnement depuis l’Afrique de l’Ouest s’explique notamment par une meilleure disponibilité des noix notamment au Cambodge, en Tanzanie et au Mozambique. Le premier pays a expédié vers le Vietnam, environ 757 000 tonnes d’anacardes, un stock en hausse de 7 % d’une année sur l’autre et le niveau le plus élevé depuis 2022.
De son côté, la Tanzanie a registré une hausse de 93 % de ses exportations qui ont atteint 132 000 tonnes alors que le Mozambique a affiché une augmentation de 85 % à environ 50 000 tonnes.
Les noix d’Afrique de l’Ouest ? Oui, mais plus tard…
Cette situation est un coup dur pour la région dans la mesure où le Vietnam est le moteur sur le marché mondial. Selon les données officielles, le pays asiatique a importé en 2024, 2,49 millions de tonnes de noix brutes, soit plus que le double du stock de l’Inde et près de 70 % du commerce mondial.
D’après Jim Fitzpatrick, expert mondial du cajou, le Cambodge a émergé depuis quelques années déjà comme un fournisseur important du Vietnam avec une récolte de plus en plus importante (200 000 tonnes à 840 000 tonnes entre 2018 et 2024) désormais disponible plus tôt en mars.
Ce changement conduit désormais les transformateurs vietnamiens à privilégier dans un premier temps un approvisionnement de proximité depuis le Cambodge avant de se diriger vers Afrique de l’Ouest un peu plus tard.
« Cela laisse plusieurs options commerciales pour les transformateurs. Ils peuvent être dans une approche consistant à laisser la matière première en Afrique de l’Ouest, payer les noix ailleurs et attendre que la pression monte sur les stocks », explique-t-il dans une conférence en ligne pour le compte de l’Alliance africaine du cajou (A.
Si cette approche est courante dans le secteur du négoce et a pour avantage de repositionner le rapport de force en faveur du client, l’analyste estime qu’il pourrait s’agir d’un avertissement aux fournisseurs de la région dans un contexte « protectionniste ».
En effet, de plus en plus de pays d’Afrique de l’Ouest mettent en place des politiques pour assurer une transformation domestique de la noix afin d’en tirer une meilleure valeur ajoutée. Cela passe notamment par des mesures d’interdiction des exportations comme au Bénin, des taxes sur les sorties de noix brutes ou une fenêtre réduite pour les expéditions. Ce dernier cas a notamment eu lieu en Côte d’Ivoire où le gouvernement a instauré une période exclusive pour l’approvisionnement des transformateurs locaux entre le 24 janvier et 15 mars prochain.
En attendant un retour des acheteurs vietnamiens en Afrique de l’Ouest, la baisse des achats a plusieurs implications sur l’ensemble des acteurs. En mai dernier, le Conseil du coton et de l’anacarde (CCA) avait indiqué que le prix bord-champ au kg était passé de 425 Fcfa à 200-300 Fcfa/kg en Côte d’Ivoire.
« Le risque est que les pays africains se retrouvent avec des noix de moindre qualité en raison du manque d’infrastructures de stockage qui est un problème depuis plusieurs années. L’arrivée tardive des Vietnamiens en Afrique de l’Ouest est une tendance qui va être probablement permanente parce que la production plus précoce au Cambodge va continuer et encore s’accroître », indique M. Fitzpatrick.
Si globalement ce tableau peu reluisant a de quoi donner des maux de tête aux fournisseurs de matière première, la situation apparaît comme une opportunité pour les transformateurs locaux tirant profit de la baisse des tarifs et d’une moindre présence des acteurs vietnamiens. Au début du mois de mai, le CCA a indiqué que les industriels locaux ont acheté 650 000 tonnes de noix auprès des producteurs, soit plus du double du stock acquis un an plus tôt.