Alors que la sécurité alimentaire demeure un enjeu prioritaire pour les pays africains, le débat dépasse désormais la seule question de l’accès à la nourriture. Il s’élargit à la possibilité, pour les populations, de se nourrir sainement sans compromettre leur budget quotidien. Un rapport de la FAO publié en 2024 propose un indicateur précieux, celui du coût d’une alimentation saine. Ce classement mondial met en lumière les disparités régionales en Afrique et interroge les modèles de consommation, de production et de distribution sur le continent.
Depuis quelques années, l’attention internationale s’est portée sur la nécessité de rendre l’alimentation saine accessible à tous. En Afrique, cette accessibilité est plus que jamais un défi quotidien, même lorsque la nourriture est disponible. C’est sur cette réalité que se penche la FAO avec son indicateur du Coût d’une Alimentation Saine (CoHD), révélant des écarts significatifs entre les pays du continent.
Un coût relativement bas…
Dans le rapport susmentionné, la FAO définit le Coût d’une Alimentation Saine (CoHD) comme le montant le plus bas auquel il est possible d’acheter localement une combinaison d’aliments permettant de couvrir les besoins nutritionnels et énergétiques d’une personne, en se basant sur un apport quotidien de 2330 kcal.
L’indicateur repose sur six groupes alimentaires (féculents, fruits à coque et graines, légumes secs, huiles et graisses, fruits, produits d’origine animale). Ajusté en parité de pouvoir d’achat (PPA), il révèle qu’en Afrique, il faut environ 3,74 $ par jour en moyenne pour se nourrir sainement.
Ajusté en parité de pouvoir d’achat (PPA), il révèle qu’en Afrique, il faut environ 3,74 $ par jour en moyenne pour se nourrir sainement.
À titre de comparaison, seuls l’Océanie (3,46 $) et le bloc Amérique du Nord–Europe (3,57 $) affichent un coût moyen d’alimentation saine inférieur à celui de l’Afrique. À l’autre extrémité du classement, l’Amérique latine enregistre le niveau le plus élevé avec 4,56 dollars par jour, suivie de l’Asie à 4,2 dollars.
Si ces données sont positives pour le continent, elles masquent aussi des réalités plus contrastées, en l’occurrence de fortes disparités entre pays, et une majorité de la population n’ayant pas les moyens d’atteindre ce seuil.
Dans les détails régionaux, c’est l’Afrique de l’Ouest qui se distingue avec le coût moyen le plus bas du continent (3,65 $), contre 3,97 $ en Afrique australe. Pourtant, selon la FAO, ce sont l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest qui concentrent le plus grand nombre de personnes n’ayant pas les moyens d’accéder à une alimentation saine : respectivement 348,6 millions et 297,5 millions de personnes.
À l’échelle des pays, le Soudan affiche le coût le plus faible d’une alimentation équilibrée, avec 1,9 $ par jour et par personne, tandis que l’Algérie et la Mauritanie occupent le bas du classement, avec un coût journalier de 4,9 $ — le plus élevé du continent.
De l’accessibilité apparente à la réalité économique
Le rapport de la FAO apporte un éclairage original sur le lien entre alimentation et conditions économiques. Il montre que même lorsque les denrées sont disponibles à bas prix, une part importante de la population n’a tout simplement pas les moyens de s’offrir une alimentation saine. Cette contradiction s’explique par plusieurs facteurs.
D’abord, les niveaux de revenus restent encore faibles dans de nombreux pays. Un coût journalier de 3 ou 4 dollars peut sembler bas en comparaison mondiale, mais il dépasse les capacités de dépenses quotidiennes d’une majorité de ménages africains.
Ensuite, les moyennes nationales masquent des disparités importantes. Dans un même pays, les écarts entre zones urbaines et rurales, ou entre régions connectées aux marchés et zones enclavées peuvent être significatifs. L’alimentation saine est donc moins une question de présence que d’accès réel.
Aussi, la structure même de la demande pose problème. Le manque d’éducation nutritionnelle, les habitudes alimentaires ancrées dans la consommation de féculents bon marché, ou encore la perception du coût de la diversité alimentaire peuvent aussi freiner l’adoption de régimes équilibrés, même lorsqu’ils sont accessibles localement.
Les données publiées par la FAO apportent des repères utiles pour comprendre les dynamiques alimentaires en Afrique, mais elles posent aussi de nouvelles questions. Pourquoi certains pays affichent-ils un coût faible sans pour autant améliorer l’accès réel à la nutrition ? Quelles sont les politiques publiques les plus efficaces pour transformer ces chiffres en progrès concrets ?
Ce classement peut aider les décideurs à mieux cibler leurs priorités. Il invite à investir dans la production locale, la logistique, l’accès aux marchés, mais aussi dans l’information et la sensibilisation. Il souligne que l’enjeu n’est pas seulement de produire plus, mais de mieux structurer les circuits d’approvisionnement et d’assurer une véritable cohérence entre production, distribution et consommation.
Ce classement invite à investir dans la production locale, la logistique, l’accès aux marchés, mais aussi dans l’information et la sensibilisation.
Autrement dit, l’avenir de la sécurité alimentaire passera par la capacité des pays africains à rendre l’alimentation saine non seulement disponible, mais économiquement accessible, partout et pour tous.
Classement des pays où l’alimentation saine est la moins chère selon la FAO
Rang | Pays | CoHD (en PPA $/par jour et par personne) |
1 | Soudan | 1,9 |
2 | Tanzanie | 2,7 |
3 | Sao Tomé et Principe | 3 |
4 | Guinée | 3,1 |
5 | Maroc | 3,1 |
6 | Togo | 3,2 |
7 | Tchad | 3,3 |
8 | Côte d’Ivoire | 3,3 |
9 | Gambie | 3,3 |
10 | Sierra Leone | 3,3 |
11 | Sénégal | 3,4 |
12 | Cameroun | 3,4 |
13 | Bénin | 3,4 |
14 | Malawi | 3,4 |
15 | Liberia | 3,5 |
16 | Centrafrique | 3,5 |
17 | RDC | 3,5 |
18 | Zambie | 3,5 |
19 | Kenya | 3,5 |
20 | Botswana | 3,6 |
21 | Burkina Faso | 3,6 |
22 | Mali | 3,6 |
23 | Mozambique | 3,6 |
24 | Ouganda | 3,6 |
25 | Congo | 3,6 |
26 | Eswatini | 3,7 |
27 | Djibouti | 3,7 |
28 | Éthiopie | 3,7 |
29 | Guinée-Bissau | 3,7 |
30 | Afrique du Sud | 3,7 |
31 | Madagascar | 3,8 |
32 | Rwanda | 3,8 |
33 | Nigeria | 3,8 |
34 | Seychelles | 3,9 |
35 | Gabon | 4 |
36 | Niger | 4 |
37 | Burundi | 4 |
38 | Cap-Vert | 4,1 |
39 | Namibia | 4,2 |
40 | Ghana | 4,3 |
41 | Guinée équatoriale | 4,3 |
42 | Maurice | 4,4 |
43 | Angola | 4,4 |
44 | Tunisie | 4,5 |
45 | Égypte | 4,6 |
46 | Lesotho | 4,7 |
47 | Mauritanie | 4,9 |
48 | Algeria | 4,9 |