Du 14 au 17 mai 2025, le Musée des Civilisations Noires de Dakar est devenu l’épicentre d’une réflexion mondiale sur l’« Anthropologie et expérience noire ». Ce colloque international inédit a rassemblé chercheurs, artistes, militants et diplomates venus d’Afrique, des Amériques et des Caraïbes. L’ambition est claire : repenser l’anthropologie depuis les réalités noires, pour en faire un outil de souveraineté culturelle et de transformation politique.
Dès l’ouverture, la ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture du Sénégal, Khady Diène Gaye, a donné le ton en affirmant que « la culture est une arme pacifique contre les oppressions contemporaines ». À ses côtés, le Dr Mouhamed Abdallah Ly, directeur du MCN, a souligné la vocation du musée : combattre les falsifications historiques et offrir un espace de production intellectuelle enracinée dans les trajectoires africaines.
Lors de la soirée inaugurale, marquée par une prestation du Théâtre National Daniel Sorano, les organisateurs ont rappelé l’objectif du colloque : penser le monde depuis l’Afrique. Des voix fortes se sont succédé, comme celle de l’ambassadrice de Colombie, Claudia Mosquera, qui a dénoncé l’échec des démocraties libérales à garantir l’égalité raciale. Elle appelle à une « justice restaurative » qui dépasse les réparations financières pour toucher aux savoirs, aux structures et aux récits.
La chercheure Ayana Ferremz a, quant à elle, insisté sur la nécessité d’un dialogue transocéanique pour forger une nouvelle méthodologie anthropologique, centrée sur les subjectivités noires. Une perspective largement partagée dans les ateliers, qui ont exploré les séquelles de l’esclavage, de la colonisation et des discriminations systémiques.
Autre moment fort : la prise de parole conjointe de la ministre sénégalaise et de Dr Jada Penthouse, militante écologiste du Bloc Environnemental Collectif (BIBA). Ensemble, elles ont établi un lien entre luttes écologiques et combats antiracistes, rappelant que « la dégradation environnementale en Afrique est un legs colonial ».
Au fil des panels, performances artistiques et discussions intenses, un consensus s’est dégagé : il faut décentrer les savoirs dominants et remettre l’expérience noire au cœur des réponses aux crises contemporaines. À Dakar, c’est une nouvelle anthropologie qui se dessine, écrite par et pour les peuples noirs.
Les conclusions du colloque, attendues le 17 mai, pourraient marquer un tournant dans les luttes pour les réparations et la décolonisation des savoirs.