Les abords du stade Léopold Sédar Senghor, longtemps marqués par l’insalubrité, les épaves de véhicules et les foirails sauvages, ont récemment fait peau neuve. Depuis le 19 avril, une vaste opération de déguerpissement menée par le Comité d’organisation des Jeux olympiques de la jeunesse (Cojoj) a transformé le paysage, au grand soulagement des riverains. Mais derrière cette embellie, des travailleurs précaires crient leur détresse.
Les habitants du quartier Grand Médine, situé dans la commune de Patte d’Oie, respirent enfin. Là où régnaient auparavant odeurs nauséabondes, détritus et insécurité, un goudron propre et des espaces dégagés s’étendent désormais. « On n’a plus d’ordures et les bruits des mécaniciens sont de vieux souvenirs », témoigne Amina Coly, voisine directe du stade. Le taximan Khada Ndiaye, lui, se réjouit de pouvoir circuler plus facilement et en sécurité : « À certaines heures, surtout la nuit, je ne prenais plus de client pour Grand Médine ».
Mais si les riverains se félicitent du changement, les travailleurs déguerpis ne cachent pas leur amertume. Mécaniciens, charretiers ou encore marchands de moutons y avaient trouvé, malgré les conditions difficiles, leur source de revenus. « Ce lieu était notre gagne-pain », déplore Gora Faye, garagiste de 32 ans. Aux côtés d’autres artisans, il prévoit une manifestation pacifique le 30 avril pour dénoncer leur éviction sans solution de rechange.
Matar Samb, un autre mécanicien, parle au nom du collectif : « Nous n’avons pas opposé la violence à la décision, mais nous attendons des propositions concrètes. Nous ne sommes pas des bandits ». Des propos qui trouvent écho chez certains résidents du quartier, lucides sur la fragilité de ces mesures. « J’ai vu des dizaines de déguerpissements depuis 2018… Et chaque fois, ils reviennent. Le vrai problème ici, c’est le manque de suivi », avertit Amadou Dème, tailleur à Grand Médine.
L’assainissement des abords du stade, salutaire pour les riverains, pose donc une autre urgence : celle de la réinsertion économique des déguerpis, sans quoi les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets.