La justice sénégalaise pleure l’un de ses plus éminents serviteurs. Mamadou Badio Camara, président du Conseil constitutionnel, est décédé ce jeudi à Dakar, laissant derrière lui l’image d’un homme de devoir, d’un magistrat d’exception, et d’un pilier de l’État de droit.
Homme discret, courtois, profondément attaché à l’éthique, Badio Camara a traversé près d’un demi-siècle de vie judiciaire avec rigueur, humilité et un rare sens de l’engagement républicain.
Une vie consacrée à la justice
Né en 1952 à Kolda, Mamadou Badio Camara fait très tôt le choix du droit et de la magistrature. Diplômé de l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM), il en sort en 1977 avec le brevet de magistrat en poche. La même année, il débute sa carrière comme substitut du procureur de la République à Dakar. C’est le début d’un long parcours jalonné de responsabilités de haut niveau : juge, procureur, conseiller, puis Procureur général près la Cour suprême, où il s’impose par sa rigueur morale et intellectuelle.
En 2012, il est nommé Premier Président de la Cour suprême du Sénégal, fonction qu’il exercera jusqu’en 2020. Ce passage à la tête de la plus haute juridiction judiciaire est salué pour son sérieux, son sens des réformes, et sa capacité à préserver l’indépendance des juges dans un environnement souvent soumis à la pression politique.
À la tête du Conseil constitutionnel, au cœur de l’histoire
En 2023, à un moment particulièrement tendu de la vie démocratique sénégalaise, Mamadou Badio Camara, membre du Conseil constitutionnel depuis 2021, est porté à la tête de l’institution par décret présidentiel, en remplacement de M. Papa Oumar Sakho, arrivé en fin de mandat. Il incarne véritablement le poste, y apporte son autorité naturelle, sa pondération, et affiche une profonde connaissance des rouages institutionnels.
C’est sous sa présidence que le Conseil se prononce de manière historique sur le report de l’élection présidentielle, invalidant la loi votée par l’Assemblée nationale le 5 février 2024 et annulant le décret présidentiel qui repoussait l’échéance électorale. À travers ces décisions majeures, le Conseil constitutionnel réaffirmait son rôle de gardien de la Constitution et contribuait à préserver la stabilité démocratique du pays, ouvrant la voie à la troisième alternance politique.
Dans ces moments de troubles politiques et de tensions que traversait le pays, Badio Camara, entouré des six autres « sages », fit preuve de maîtrise, d’intégrité et de loyauté envers la République. Ses décisions, parfois controversées, auront toujours été guidées par le respect strict des textes fondamentaux
Tout au long de sa carrière, Mamadou Badio Camara a su incarner la dignité du magistrat. Il s’est tenu à distance des joutes politiques, tout en demeurant profondément attentif aux enjeux citoyens. Le président de la République Bassirou Diomaye Faye dans un message sur sa page Facebook a salue « le parcours d’un grand serviteur de l’État »
Nombreux sont ceux, dans les milieux judiciaires, politiques et dans la société civile, qui saluent aujourd’hui la mémoire d’un homme de principes, dont la discrétion n’a d’égal que la grandeur d’âme.