Détenant 35 fois moins de réserves de phosphates que le Maroc, l’Arabie saoudite joue un rôle croissant dans l’industrie mondiale des engrais. Elle compte désormais dans le commerce global et étend sa présence jusque sur le continent africain.
Depuis le choc enregistré en 2022 au niveau des prix et de l’offre, en raison de la guerre en Ukraine, les cartes ont été rebattues sur le marché mondial des engrais.
Parmi les nouvelles tendances qui se dégagent, figure la montée en puissance de l’Arabie Saoudite en tant que concurrent sérieux du Maroc, selon une étude du cabinet Global Sovereign Advisory (GSA) publiée vers la fin mars.
D’après les données fournies par la firme, la contribution du pays du Moyen-Orient aux exportations mondiales est passée de 2 à 5,7 % entre 2019 et 2023, une croissance qui lui permet désormais de faire presque jeu égal avec le Maroc dont la part a crû modestement de 5,7 à 6,6 % sur la période. S’appuyant sur des réserves de phosphates (8e en importance à l’échelle mondiale) et sur la disponibilité à bas coût du gaz naturel fourni par la compagnie nationale (Saudi Aramco), le pays a investi massivement dans ses capacités industrielles. Cela va de la valorisation de la roche en concentré de phosphates en passant par la production d’acide phosphorique, sulfurique et d’ammoniac qui entrent dans la fabrication des engrais.
Dans le cadre de cette montée en puissance du Royaume, deux entreprises publiques, à savoir Ma’aden et SABIC Agri-Nutrients sont à l’œuvre. La première a injecté plus de 8 milliards $ dans la construction du parc industriel de Wa’ad Al Shamal Industrial City et produit grâce à ses 7 usines environ 3 millions de tonnes de phosphate diammonique (DAP).
De son côté, SABIC Agri-Nutrients est active dans la production d’ammoniac et d’urée et fonctionne depuis 2021, après reprise de toutes les activités engrais de sa maison-mère, comme un ensemble intégré dans le secteur des engrais.
D’après GSA, la stratégie de ce duo a permis au Royaume de presque doubler entre 2020 et 2022 ses exportations d’engrais de tous types. En 2023, le volume d’engrais expédié vers le monde a atteint 6,86 millions de tonnes pour une valeur de 4,5 milliards $.
Au-delà du paysage global, l’Arabie saoudite livre une concurrence directe au Maroc en Afrique, terrain d’une offensive stratégique de l’Office chérifien des phosphates (OCP) depuis une dizaine d’années.
Avec le rachat d’entreprises déjà implantées à un niveau sous-régional comme Meridian Fertilizer Group et ETG Inputs Holdco Limited, l’Arabie saoudite compte actuellement pour 10 % du marché des engrais en Afrique.
Alors que ce pourcentage reste inférieur aux 15 % de l’OCP qui, via sa filiale dédiée à l’Afrique (OCP Africa), a investi dans des usines d’engrais en Afrique de l’Ouest (notamment au Nigeria et au Ghana), les entreprises saoudiennes renforcent leur présence en Afrique australe avec l’Afrique du Sud et le Mozambique, mais aussi en Afrique de l’Est (Kenya et Tanzanie).
En dépit de la montée en puissance de l’Arabie saoudite, les observateurs du marché indiquent que l’OCP a encore des marges de manœuvre sur le continent et dispose d’un avantage majeur sur le marché global. Il possède des réserves de phosphates représentant 73 % du stock mondial, selon les estimations de l’Institut américain d’études géologiques et demeure le plus grand producteur mondial de phosphate et de ses dérivés, avec près de 30 % du marché mondial.
La compagnie compte aussi renforcer sa présence dans les prochaines années avec l’annonce de son ambition d’augmenter sa capacité de production d’engrais de 9 millions de tonnes d’ici 2028.