Les véhicules aériens armés sans pilote (UAV) sont aujourd’hui opérationnels dans près d’une vingtaine de pays africains. Leur usage bouleverse la façon de mener la guerre, mais s’accompagne d’une longue série de bavures qui causent de sérieux dommages dans les rangs de la population civile.
L’utilisation de drones par plusieurs pays africains pour lutter contre des groupes rebelles ou des organisations terroristes a causé la mort de près d’un millier de civils en Afrique durant la période allant de novembre 2021 à novembre 2024, selon un rapport publié le lundi 10 mars 2025 par Drone Wars UK, une ONG britannique qui milite pour l’interdiction de l’utilisation de drones armés à l’échelle internationale.
Intitulé « Death on delivery : Drone proliferation and civilian harm in Africa », le rapport rappelle que l’utilisation de véhicules aériens armés sans pilote (UAV), communément appelés drones, est de plus en plus au cœur des guerres modernes. Bien qu’il existe une variété croissante de drones, ceux classés dans la catégorie des drones de « moyenne altitude, longue endurance » (MALE) comme le MQ-9 Reaper (Etats-Unis) et le TB-2 Bayraktar (Turquie) sont très prisés. D’autant plus qu’ils peuvent être pilotés à distance pendant de nombreuses heures sur de très longues distances, et effectuer des opérations de surveillance et de reconnaissance ainsi que des frappes aériennes sans aucun risque pour leurs armées.
Jusqu’en 2014, ces drones de combat n’étaient opérationnels que dans quatre pays, en l’occurrence les États-Unis, Israël, la Chine et le Royaume-Uni. Durant les années suivantes, un nombre croissant d’Etats ont acquis ces appareils, principalement auprès de la Chine, de la Turquie et de l’Iran. Les véhicules aériens sans pilote à usage militaire sont aujourd’hui opérationnels dans près d’une vingtaine de pays africains, dont le Nigeria, le Burkina Faso, le Mali et le Rwanda.

Les gouvernements africains justifient les acquisitions massives de drones par la nécessité de combattre les rébellions armées et de lutter contre des menaces sécuritaires grandissantes. Mais la réalité sur le terrain a souvent été différente, car les frappes ne font régulièrement pas la distinction entre les civils et les combattants armés.
Un traité international spécifique aux drones
Le rapport qui s’appuie notamment sur les données de l’Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), une ONG spécialisée dans la collecte et l’analyse des données sur les conflits, ainsi que sur des informations rapportées par des sources médiatiques et des ONG dignes de confiance révèle que plus de 943 civils ont été tués dans 50 attaques de drones distinctes menées par des forces armées étatiques entre novembre 2021 et novembre 2024 dans six pays africains étudiés : Burkina Faso, Ethiopie, Mali, Nigeria, Soudan et Somalie. Cinq de ces pays utilisaient des drones Bayraktar TB-2 produits par le fabricant de drones turc Baykar.
Avec plus de 490 civils tués au cours de 26 attaques de drones menées par les forces armées éthiopiennes contre des groupes rebelles tels que le Front populaire de libération du Tigré, l’Ethiopie tient le haut du pavé, devant le Burkina Faso (103 civils tués) et le Mali (98 civils). Les chiffres sont probablement bien plus élevés, car certaines attaques font un nombre inconnu de victimes alors que plusieurs Etats utilisent discrètement les drones contre des groupes armés.
Quoi qu’il en soit, le rapport souligne l’urgence d’une surveillance accrue de l’utilisation des drones armés et d’une meilleure réglementation relative aux exportations de ce type d’armes.
Actuellement, il existe trois principaux accords internationaux de contrôle et de limitation des armements qui s’appliquent à l’exportation de drones armés : le régime de contrôle de la technologie des missiles (Missile Technology Control Regime, MTCR) ; le traité de l’Organisation des Nations unies sur le commerce des armes ; et l’Arrangement de Wassenaar (Wassenaar Arrangement), qui est un régime de contrôle des exportations d’armements conventionnels ainsi que de biens et technologies utilisables à des fins civiles et militaires mis en place en 1996 par 33 Etats. Toutefois, ces trois traités internationaux présentent des « faiblesses significatives » qui empêchent le contrôle de la propagation des drones. D’où la nécessité de mettre en place un nouveau régime de contrôle international axé sur la prévention des dommages résultant des véhicules aériens armés sans pilote, surtout que tous les indicateurs suggèrent que l’usage de ce type d’aéronefs dans les conflits pourrait se propager à des groupes non étatiques.