Le métier de chroniqueur, autrefois perçu comme un rôle essentiel dans l’analyse de l’actualité et l’éclairage de l’opinion publique, traverse aujourd’hui une crise de crédibilité au Sénégal. Un nombre croissant de chroniqueurs, souvent sans qualifications spécifiques, s’imposent sur les plateaux télévisés et les réseaux sociaux, au détriment de la qualité du débat public. L’émotion semble désormais avoir pris le pas sur l’objectivité, et la profession s’est progressivement politisée, créant une fracture entre le véritable rôle d’information et la quête de spectacle.
Historiquement, être chroniqueur exigeait une solide culture générale, une capacité d’analyse pointue, et une certaine rigueur intellectuelle. Mais aujourd’hui, au Sénégal, le métier semble de plus en plus accessible à tous, même à ceux qui n’ont ni les qualifications nécessaires ni une formation adéquate. « Il suffit de faire du bruit, ou de critiquer un leader politique pour se faire une place sur les plateaux télévisés », affirment certains observateurs. En conséquence, la profession se retrouve de plus en plus noyée dans une masse de commentaires souvent dénués de fondement et d’analyse.
Au cœur de cette crise, on trouve la politisation croissante des chroniques. Les débats, qui devraient être orientés vers une réflexion objective et constructive, se retrouvent de plus en plus dominés par des intérêts partisans. Des chroniqueurs s’engagent dans des diatribes politiques, apportant rarement un éclairage neutre ou équilibré sur les sujets traités. Au lieu d’encourager un débat démocratique riche et nuancé, certains chroniqueurs contribuent à renforcer les divisions politiques, en apportant des arguments tendancieux qui servent plus à diviser qu’à unir.
Les chroniques modernes, souvent animées par des personnalités aux discours provocateurs, semblent privilégier la recherche du scandale au détriment d’une véritable réflexion. Dans cette quête de l’audience, des chroniqueurs n’hésitent pas à multiplier les propos extrêmes, parfois sans fondement, pour attirer l’attention. Les réseaux sociaux, où l’instantanéité et l’émotion dominent, amplifient cette dynamique. La multiplication de ces « chroniqueurs sans frontières » qui s’invitent sur les médias, sans expertise ou expérience, met en lumière un phénomène inquiétant : la médiocratie.
Face à cette dérive, un appel à l’objectivité et à la responsabilité est lancé. Il est plus que jamais nécessaire que les chroniqueurs prennent conscience de l’impact de leurs propos sur l’opinion publique et, en particulier, sur les populations. Un retour à la rigueur intellectuelle et à l’objectivité est impératif pour que le métier retrouve sa noblesse. En effet, dans un contexte politique tendu et un climat médiatique de plus en plus polarisé, les chroniqueurs ont un rôle crucial à jouer dans la formation d’une opinion publique éclairée et responsable.
Le métier de chroniqueur au Sénégal vit une période de turbulence, tiraillé entre la quête de l’audience, la politisation de l’espace médiatique et la dégradation de ses standards intellectuels. Toutefois, il est encore temps de redonner à cette profession sa véritable vocation : celle de guider les citoyens vers une meilleure compréhension des enjeux de société, en faisant appel à la raison et à la réflexion plutôt qu’à la sensation et à l’émotion. Il en va de l’avenir du débat public et de la santé démocratique du pays.
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Malick Faye, journaliste
fayemalickpape@gmail.com