Chers frères et sœurs
Nobles représentants des peuples Lébous et Sérères,
Autorités administratives, politiques, coutumières et religieuses,
Dignitaires et invités de marque,
A vos titres, rangs et grades,
C’est avec une profonde émotion et une immense fierté que je prends la parole en cette occasion solennelle des Journées culturelles et de prières des 121 villages de la collectivité Léboue. Cet événement dépasse la simple célébration : il est une preuve vivante de l’unité et de la fraternité qui lient nos peuples depuis la nuit des temps.
Avant tout, je tiens à exprimer ma gratitude aux organisateurs de cette rencontre mémorable, en particulier, le Saltigué Mamadou Mbengue, qui m’a fait l’honneur de me choisir comme parrain d’honneur.
Le peuple du Sine accueille cet hommage avec joie et reconnaissance et vous confie un de ses dignes fils, en l’occurrence, Pape Mahawa Diouf que vous avez, fièrement, adopté. Il est devenu un des vôtres.
Cette marque de sympathie témoigne de la fraternité ancestrale qui est inscrite dans nos légendes
Notre présence ici témoigne, aussi, d’une vérité fondamentale : Lébous, Sérères, Diolas, Peuls et je peux même ajouter, Mandingues, ancêtres des Guelwars du sine, sont unis par une origine commune.
Moi-même, Niokhobaye Diouf, je suis un exemple patent de ce brassage culturel entre ces peuples Sérères, Lébous, Mandingues (Ma maman, Fatou Diène, est une Guelwar sérère et son père du nom de Massamba Diène, est Lebou). C’est ça le Sénégal !
Par ailleurs, nos ancêtres, eux-mêmes, avaient déjà affirmé cette réalité à travers les grandes légendes fondatrices de nos peuples.
On raconte qu’il y a fort longtemps, quatre sœurs, issues du même lignage, se séparèrent pour donner naissance aux différentes communautés que nous connaissons aujourd’hui :
AGUENE , l’ancêtre des Diolas,
DIAMBOGNE , l’ancêtre des Sérères,
DEBBO , l’ancêtre des Peuls,
MANE, l’ancêtre des Lébous.
Cette légende, comme toute tradition orale, a peut-être son côté irrationnel. Mais elle repose sur une vérité historique qui transparaît encore dans nos pratiques, nos croyances et même nos noms de lieux. Nos cultures ne sont pas seulement proches, elles sont intimement liées.
De nombreuses traces sérères se retrouvent dans la culture léboue et dans l’histoire de certains quartiers de Dakar. Sans compter les noms de famille comme Thiaw, Diouf, Paye, Ndione, Sarr, Ciss….
C’est dire donc que l’histoire et la géographie confirment cette parenté profonde entre nos peuples. À Dakar, les noms de plusieurs quartiers portent une forte empreinte sérère, signe indéniable de l’ancienne présence de nos ancêtres :
Ouakam (Waa Kam) signifie en sérère « les gens du bas », en référence aux habitants vivant au pied de la colline.
Fann Hok (Fan nookk) pour dire, en sérère, aller se soigner. Ceci évoque une présence de guérisseurs qui s’étaient installés dans cette broussaille de l’époque. Une appellation qui fait, donc, écho aux pratiques mystiques anciennes. C’est, d’ailleurs, ce qui explique,.dit-on, l’implantation de l’hôpital Fann en ce lieu.
Yoff Tonghor, pour dire Yoof Tokoor Ngoor, en sérère, » la propriété de oncle Ngoor « , un site spirituel majeur, reflètant une organisation sociale et religieuse fortement influencée par les traditions sérères.
Tous ces liens culturels, linguistiques et historiques, ne sont pas de simples coïncidences. Ils témoignent d’un passé commun et d’un destin partagé. C’est pourquoi, Lébous et Sérères ne peuvent être considérés comme deux peuples distincts, mais, comme deux branches d’un même arbre ancestral.
Il nous faut , dès lors, revaloriser nos traditions pour renforcer l’unité nationale
Au-delà de cette mémoire commune, nous avons un devoir à accomplir : celui de préserver et de valoriser notre patrimoine culturel commun.
Aujourd’hui, les chefferies traditionnelles jouent et peuvent encore mieux jouer un rôle fondamental dans la transmission des valeurs, la régulation sociale et la préservation de la paix, si elles sont résolument engagées.
Nous ne devons pas laisser ces institutions tomber en désuétude.
C’est pourquoi, en tant que Maa sinig, je réitère mon engagement à promouvoir le dialogue entre les différentes communautés traditionnelles et à défendre les valeurs du vivre-ensemble, qui ont toujours été le socle de notre société sénégalaise.
J’en appelle également aux autorités de l’État pour qu’elles accompagnent nos chefferies traditionnelles et leur donnent les moyens de jouer pleinement leur rôle.
Partant, l’instauration d’une Haute Autorité des Chefferies Traditionnelles est une bonne trouvaille pour une meilleure organisation.
Cette instance permettrait de structurer et de renforcer le rôle des chefs traditionnels, d »assurer la préservation des valeurs ancestrales, de consolider la paix et la stabilité sociale, d’impliquer les chefferies traditionnelles dans les grandes décisions nationales.
Nous devons aussi rendre un hommage mérité aux grandes figures traditionnelles, ici présentes.
En effet, dans cette quête de paix et de cohésion, je tiens à rendre hommage aux dignitaires traditionnels qui, comme nous, œuvrent sans relâche pour le renforcement des liens intercommunautaires.
Je pense notamment à mon frère Monsieur Abdoulaye Diop Makhtar, Grand Serigne de Dakar, et à Sa Majesté le Roi d’Oussouye, Maan Sibiloumbaye Diedhiou, avec qui nous avons eu l’honneur de mener la Caravane de la Paix en 2023, en présence de dignitaires lébous.
Cette initiative a prouvé que lorsque les chefs traditionnels unissent leurs forces, ils deviennent un véritable rempart contre la division et un pilier de la stabilité nationale.
Nous devons, alors, poursuivre cet effort, ensemble, pour bâtir un avenir commun basé sur nos racines profondes.
Cela semble être la seule issue qui nous reste pour remodeler notre société chahutée par des maux comme la perte des valeurs de jom, de keersa, de Ngor, de teranga, de mugne, qui servaient de référents à notre peuple .
Nous n’avons pas le droit de faillir à notre mission, encore moins, de désespérer.
C’est pourquoi, je salue le courage et la détermination de la collectivité Leboue à préserver ses us et coutumes. Et de s’ouvrir aux autres communautés pour en appeler à la prise de conscience du rôle que doivent jouer les leaders des organisations traditionnelles.
Que ces journées de prières et de culture soient le symbole de notre unité. Qu’elles renforcent nos liens et inspirent notre jeunesse à perpétuer cet héritage précieux.
Que la paix règne sur nos terres,
Que l’amitié entre Lébous et Sérères demeure éternelle,
Et que le Sénégal, notre Nation, continue de briller sous l’éclat de son unité et de sa diversité.
Je vous remercie de votre aimable attention.
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