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Le Sénégal, pays de la Teranga et de l’excellence intellectuelle, fait face à un défi grandissant : celui de la montée d’une gouvernance où l’incompétence semble parfois primer sur la compétence, où la bureaucratie étouffe l’initiative et où le mérite est trop souvent sacrifié sur l’autel du clientélisme et du populisme. À l’heure où le pays aspire à un développement harmonieux, l’ineptocratie menace d’entraver cette marche en avant.
Une gouvernance sous l’emprise de l’incompétence ?
L’un des signes alarmants d’un système ineptocratique est la nomination de responsables peu ou pas qualifiés à des postes clés. Au Sénégal, cette tendance n’est plus un secret : ministères, agences publiques et directions stratégiques sont parfois confiés à des individus dont le seul mérite est leur allégeance politique, au détriment des compétences techniques requises. Ce phénomène, loin d’être anecdotique, impacte directement l’efficacité des politiques publiques, ralentit les réformes et affaiblit les institutions.
L’exemple le plus frappant est celui de certaines entreprises publiques où la gestion approximative conduit à des déficits chroniques, des licenciements injustifiés et des scandales financiers. Plutôt que de chercher des solutions durables, l’État comble ces déficits par des subventions, perpétuant ainsi un cercle vicieux de mauvaise gestion et d’endettement.
Une méritocratie inversée
Dans un État où l’ineptocratie s’installe, les plus compétents sont souvent marginalisés, tandis que ceux qui naviguent dans les cercles du pouvoir bénéficient de promotions et d’avantages injustifiés. Cette tendance décourage les talents locaux, qui préfèrent s’expatrier ou se désintéresser de la gestion publique.
Le système éducatif en est un exemple criard Malgré l’existence d’universités et de grandes écoles de qualité, l’intégration des jeunes diplômés dans l’administration et les entreprises nationales reste difficile, faute d’un recrutement basé sur le mérite. Résultat : le pays forme des élites qui, au lieu de servir la nation, s’exilent pour trouver des opportunités ailleurs.
L’État-providence ou l’art d’entretenir la dépendance
Un autre symptôme de l’ineptocratie est l’expansion d’un État-providence qui favorise la dépendance au détriment de l’initiative. Si les politiques sociales sont essentielles pour réduire les inégalités, leur mauvaise gestion peut créer une culture d’assistanat où la productivité est reléguée au second plan.
Au Sénégal, la multiplication des aides sociales, souvent distribuées de manière électoraliste, pose problème. Plutôt que de promouvoir des initiatives favorisant l’autonomie financière des citoyens, certaines politiques encouragent un immobilisme économique où l’État devient le principal pourvoyeur de ressources. Cette dépendance affaiblit le tissu économique et limite la capacité d’innovation et d’entrepreneuriat.
Bureaucratie, corruption et paralysie administrative
Dans un système ineptocratique, la bureaucratie devient un frein au progrès.
Au Sénégal, l’enchevêtrement des procédures administratives, la lenteur des services publics et l’omniprésence de la corruption rendent le quotidien des citoyens et des entreprises de plus en plus complexe.
Qu’il s’agisse de la délivrance de documents administratifs, des marchés publics ou des investissements étrangers, les lourdeurs bureaucratiques découragent l’initiative et nourrissent un climat de frustration généralisé. La corruption, quant à elle, renforce cette inertie en instaurant un système où l’accès aux services dépend plus des connexions que du respect des procédures.
Quels remèdes face à cette dérive ?
Face à ces menaces, il est urgent de promouvoir une gouvernance basée sur la compétence et la responsabilité. Le Sénégal regorge de talents capables de relever les défis du développement, mais encore,.faut-il leur donner les moyens et la place qu’ils méritent.
Pour cela, il faut , impérativement, réhabiliter la méritocratie en rendant les nominations publiques plus transparentes et basées sur des critères de compétence avérés.
Il faut, également, simplifier l’administration pour encourager l’investissement et libérer les énergies créatrices et lutter contre la corruption en renforçant les contrôles et en appliquant rigoureusement les sanctions.
Il conviendrait, aussi, de favoriser l’autonomie économique des citoyens en soutenant l’entrepreneuriat plutôt qu’en entretenant une dépendance aux aides sociales.
Si ces défis ne sont pas relevés à temps, l’ineptocratie pourrait s’ancrer durablement dans le système, mettant en péril les ambitions de progrès du pays. Le Sénégal, nation d’intellectuels et d’entrepreneurs, ne mérite pas d’être freiné par des pratiques qui sacrifient l’excellence sur l’autel de l’opportunisme politique. Il est temps d’inverser la tendance avant qu’il ne soit trop tard.
Des signaux inquiétants et des mesures impopulaires
Les licenciements abusifs dans les secteurs vitaux de l’appareil d’État sont un indicateur fort d’une gestion basée sur des considérations politiques plutôt que sur la compétence. Lorsqu’un gouvernement privilégie l’épuration administrative au détriment de la stabilité et de l’efficacité des institutions, cela entraîne une perte de savoir-faire et un affaiblissement des services publics.
La baisse annoncée des salaires et l’arrêt des subventions risquent d’aggraver la précarité économique des ménages, en particulier dans un contexte de forte inflation. La hausse des factures d’eau et d’électricité, combinée à une baisse du pouvoir d’achat, risque d’accroître le mécontentement social et de fragiliser davantage la cohésion nationale.
Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement une question économique, mais aussi la crédibilité de l’État et la confiance des citoyens dans leurs dirigeants. L’ineptocratie prospère lorsque les décisions sont prises de manière improvisée, sans anticipation des conséquences sur la population.
Des réformes s’imposent
Il est donc urgent que les autorités se ressaisissent et adoptent une approche plus rationnelle et inclusive de la gouvernance. Plutôt que de s’engager dans des politiques qui risquent d’affaiblir l’économie et de provoquer des tensions sociales, elles doivent œuvrer à la consolidation d’un État fort, juste et compétent.
La situation actuelle impose des réformes structurelles intelligentes, qui ne doivent pas être guidées par des considérations électoralistes ou idéologiques, mais par une volonté sincère d’améliorer les conditions de vie des Sénégalais. Faute de quoi, le pays risque de s’enfoncer dans une spirale où l’ineptocratie deviendra la norme, avec des conséquences dramatiques sur le développement national.
Un malaise grandissant dans les services publics
Le climat social au Sénégal est en train de se détériorer dangereusement, alimenté par une vague de mécontentement généralisé dans plusieurs secteurs stratégiques. Les préavis de grève se multiplient, notamment chez les enseignants du supérieur, du primaire, les agents de la santé et les agents municipaux, les agents du secteur des 3P (paysans, pasteurs, pêcheurs), illustrant une crise profonde de la gouvernance et des relations sociales.
L’éducation et la santé sont des piliers fondamentaux du développement d’un pays. Pourtant, les enseignants et les agents de santé expriment un ras-le-bol face à la dégradation de leurs conditions de travail, aux promesses non tenues, aux retards de paiement des indemnités et à la baisse annoncée des rémunérations.
Dans l’enseignement supérieur, les revendications portent sur la revalorisation des primes, l’amélioration des infrastructures universitaires et la stabilité de l’emploi. Les enseignants du primaire et du secondaire, quant à eux, dénoncent la précarité de leur statut et la faiblesse des mesures d’accompagnement promises par l’État.
Le secteur de la santé n’est pas en reste : médecins, infirmiers et personnels hospitaliers protestent contre le manque de moyens, la surcharge de travail et l’absence de reconnaissance de leur rôle essentiel.
Les agents municipaux, eux, sont confrontés à des retards de salaires, une absence de dialogue avec l’État et des conditions de travail de plus en plus précaires.
Un État dépassé ou une mauvaise gestion de la crise ?
Face à cette tension sociale, le gouvernement peine à apporter des réponses concrètes. Plutôt que d’engager un dialogue constructif avec les syndicats, les autorités semblent adopter une posture défensive, parfois même répressive. Cette attitude alimente davantage la frustration des travailleurs et renforce le sentiment d’abandon au sein de la population. L’arrêt des subventions, la hausse du coût de la vie et la détérioration des services publics ne font qu’aggraver la situation. Si aucune solution rapide et efficace n’est trouvée, le Sénégal pourrait connaître une paralysie sociale sans précédent.
Un appel au sursaut national
Il est impératif que les autorités prennent conscience de la gravité de la situation et agissent en conséquence. Ignorer ces signaux d’alerte reviendrait à s’exposer à une explosion sociale qui pourrait profondément déstabiliser le pays.
Le dialogue social doit être réactivé, avec des engagements clairs et réalisables. Une gouvernance responsable exige de mettre l’intérêt national au-dessus des calculs politiques, en répondant aux préoccupations légitimes des travailleurs.
Si l’ineptocratie continue de guider les décisions politiques, elle ne fera qu’exacerber la colère populaire et compromettre la paix sociale. Le temps du redressement est venu : il appartient aux dirigeants de prouver qu’ils sont à la hauteur des attentes des Sénégalais.
Babou Biram Faye