Donald Trump a été investi président des États-Unis il y a maintenant une quinzaine de jours. En deux semaines à peine, l’Américain semble avoir pris le contrôle de l’actualité internationale, à coups de déclarations et de décisions. Dernière sortie en date ? Des menaces à l’encontre du gouvernement sud-africain.
Depuis qu’il a officiellement accédé à la présidence des États-Unis, il ne se passe pas un jour sans que les médias doivent évoquer une décision ou une déclaration de Donald Trump.
Faites la liste. Golfe du Mexique. Crash d’avion. Politique de diversité d’équité et d’inclusion. Droit de douane. Panama. Groenland. Guerre commerciale avec ses voisins canadiens et mexicains comme avec la Chine. L’ensemble des sorties – et des décrets signés par ce Président suffiraient à eux seuls à remplir un quotidien.
The Guardian se penche ainsi sur la dernière sortie en date de l’Américain, sortie pour le moins saugrenue à l’encontre d’une loi du gouvernement de Cyril Ramaphosa. La déclaration du président Trump va plus ou moins comme cela « L’Afrique du Sud confisque des terres et traite très mal certaines catégories de personnes. Je vais couper tout financement futur à ce pays jusqu’à ce qu’une enquête complète sur cette situation soit terminée« .
Qu’un chef d’État donne son opinion sur la législation d’un autre pays peut encore se concevoir, mais qu’il décide de faire pression sur celui-ci en menaçant d’enquête et de financement suspendu, cela ne manque pas d’étonner.
The Guardian ne manque pas de souligner qu’autour de Trump, on trouve plusieurs personnalités liées à l’Afrique du Sud. Elon Musk en est originaire, tout comme les deux autres cofondateurs de PayPal, Peter Thiel et David Sacks, les deux étant soit originaire soit ayant vécu dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. Le premier a présenté JD Vance l’actuel vice-président à Donald Trump. Le second est un architecte des cryptomonnaies et spécialiste de l’IA, proche du président. Pour autant, si l’article ne parvient pas à établir de lien précis entre ces trois hommes et des terres éventuellement menacées de confiscation par le gouvernement sud-africain, la sortie médiatique de Donald Trump, elle, est bien réelle.
Submerger les médias pour exister
Si ces premiers quinze jours de mandat présidentiel peuvent donner un sentiment d’action assez « brouillonne », c’est en réalité le fruit d’une stratégie assumée et théorisée par Steve Banon, conseiller très proche de Donald Trump lors de son premier mandat.
Dans une colonne d’opinion du New York Times, Ezra Klein revient sur cette déclaration et la tactique qui en découle : inonder les médias de déclarations (fausses ou vraies, peu importe) permet de submerger les rédactions. Il est impossible de vérifier l’ensemble de ce qu’il raconte. C’en est au point que – les médias se révèlent incapables de vérifier ce qu’il affirme, ce qu’il déclare faire, ce qu’il a réellement fait, et finalement, le plus important ce qu’il est – en tant que président, en droit de faire.
C’est le second effet recherché par cette submersion. Aux yeux du public, le président se pose comme s’il était en mesure de décider ce qu’il veut.
Donald Trump se comporte comme un tyran mais ne peut agir que comme président
Dans la théorie de Banon, peu importe si ce que dit Trump aboutit ou non, ce que le public en retient, c’est que, si cet homme dit prendre toutes ses décisions, cela doit être qu’il est assez puissant pour le faire.
En faisant croire qu’il est le « roi », il se donne la possibilité d’agir comme tel, et non plus comme un président qui dispos, certes, de pouvoir, mais limité par la Constitution.
Ainsi, Donald Trump, président, a le pouvoir de gracier les émeutiers du Capitole (ou de supprimer la protection policière dont bénéficient certains) mais il n’est pas compétent pour modifier la Constitution en ce qui concerne le droit du sol tout comme il n’est pas autorisé à geler l’ensemble des dépenses, tout comme il n’a aucun pouvoir sur les législations des pays étrangers.
Pourtant, en agitant chaque jour – presque chaque heure – une nouvelle outrance, il tente de valider la précédente déclaration, de faire croire qu’elle a été efficace.
La conclusion est à la fois aussi rassurante qu’inquiétante. Si Trump agit ainsi, s’il se comporte en tyran plus qu’en président, c’est précisément qu’il n’a pas la puissance politique d’agir comme président. Parapher un décret présidentiel est bien plus simple que de faire adopter une loi par la Chambre. Les Républicains n’y ont que trois sièges d’avance sur les Démocrates.
Dans le même temps, son mode d’action ne fonctionne qu’en passant d’une exagération à une autre, et retenons qu’il a déjà placé très haut la barre des outrances. Déjà, le président en est à exiger que la science se censure.
Si l’homme a sa légitimité démocratique pour lui, il a été élu pour être président. Pas tyran.