C’est une perte de plus de 1600 emplois que risque de causer la fermeture de la ferme agricole Qualité Végétale Sénégal (Qvs) de Keur Moussa, aujourd’hui sous la menace d’une disparition suite à une décision de Justice dans un litige foncier l’opposant à une société immobilière qui réclame 90 ha de son assiette de 185 ha.
«Je ne souhaite pas commenter les décisions de Justice déjà rendues dans cette affaire, mais en tant que député, je me dois de me rapprocher des populations ou des sociétés en difficulté comme la ferme agricole Qualité végétale Sénégal (Qvs) de Keur Moussa, qui sollicitent le soutien de leur parlementaire afin qu’il puisse relayer leurs préoccupations au niveau central», a déclaré l’ancien député Amadou Bâ, par ailleurs tête de liste départementale de Pastef de Thiès. Pour lui, «la disparition de cette ferme, confrontée depuis quelques années à un conflit foncier qui l’oppose à une société immobilière, serait une hérésie économique et environnementale».
L’ancien parlementaire est en visite sur cette vaste exploitation extrêmement moderne, quelques semaines après la tournée du ministre de l’Agriculture pour apprécier «la qualité des investissements réalisés sur les lieux». Par contre, il regrette qu’«il soit envisagé de faire des habitations dans des sols argileux, noirs de cette qualité, dans un contexte marqué par la volonté affichée du pouvoir de faire du développement de l’agriculture et de l’industrialisation une réalité». Il considère que «le décret qui a affecté l’assiette litigieuse à une société immobilière pose problème. Il s’y ajoute la difficulté de situer les limites administratives». Selon lui, «du point de vue des textes, cette assiette se trouve bien dans la forêt classée et n’a jamais subi une procédure régulière de déclassement».
Amadou Bâ pense que le décret en question doit être revu et corrigé, et qu’il faut par ailleurs dans l’aménagement du territoire, absolument prévoir des poumons verts et des activités agricoles, notamment un bassin industriel, dans l’axe Thiès-Mbour-Dakar. «Si nous construisons jusqu’à nous coller à Mbour et Dakar, on diffère dans l’avenir, des problèmes extrêmement graves». Selon le candidat à la députation, il faut bien réfléchir avant de «détruire cet investissement lourd de plusieurs milliards qui fait travailler plus de 1600 personnes, et d’attendre que les services compétents du ministère de l’Environnement se prononcent».
En écho, Magatte Niang, Directeur général de Qvs, explique les conditions dans lesquelles il a acquis ses terres : «La ferme a obtenu du Service national des Eaux et forêts, après approbation du ministre de l’Environnement, cette assiette foncière de 185 ha dans la forêt classée de Keur Moussa, dans le département de Thiès, pour une durée de 25 ans, à des fins d’exploitation agricole. Ayant décroché l’accord des autorités, un important programme d’investissement de près de 5 milliards F Cfa y a été réalisé, ce qui a permis la création de plus de 1600 emplois.» Il poursuit : «Durant 3 ans, l’entreprise a régulièrement mené ses activités agricoles dans l’assiette, essentiellement basées sur la production de l’oignon, du gombo, du piment, destinée au marché local. Mais, se désole-t-il, la mauvaise surprise est tombée en 2023 avec la notification d’un dépassement de 90 ha sur le périmètre d’une autre société.»
Beaucoup de travailleurs au chômage pour des raisons liées au non-accès des terres qui leur étaient dédiées
Le Directeur général de Qvs insiste sur le contentieux en cours qui plombe l’avenir de la société : «Nous sommes dans la forêt classée de Keur Moussa, dans le département de Thiès, alors que nos voisins ont un décret qui leur affecte une assiette foncière qui est dans le département de Mbour, dans la commune de Diass. Cela voudrait dire que nous qui sommes à Thiès, avons débordé pour entrer dans le périmètre communal de Diass, département de Mbour. Les dernières informations que nous avons eues de l’Anat et du Service du Cadastre confirment que nous sommes bien à Thiès et que l’assiette foncière que nous occupons aujourd’hui se trouve bel et bien dans le département de Thiès.».
Pour Magatte Niang, un contentieux localisé dans le département de Thiès devrait être vidé par le Tribunal de Thiès, et non par celui de Mbour. Il souhaiterait que les nouvelles autorités trouvent le moyen de «préserver un niveau d’investissement aussi important, avec un niveau de sophistication des opérations aussi élevé». Actuellement, beaucoup de travailleurs sont toujours au chômage pour des raisons liées au non-accès des terres dans le cadre des opérations d’exploitation. «Cette situation a fortement fragilisé Qvs, qui a donc traversé une année assez difficile durant laquelle elle a appuyé sur des ressorts lui permettant de résister autant qu’elle peut. Ce n’est pas évident d’avoir la même énergie cette année, sans qu’une solution acceptable pour les deux parties ne soit trouvée», espère M. Niang.