Le nouveau régime incarné par le pastef et son leader, ousmane Sonko, se présentait comme le fer de lance d’une rupture tant attendue avec le système politique sénégalais. Mais, à l’approche des législatives anticipées, cette promesse de changement semble vaciller, illustrant la persistance de pratiques déplorées depuis des décennies dans le paysage politique du pays. Le récent ralliement de Déthie Fall, président du prp, en est une preuve flagrante, dévoilant la réalité derrière le discours de rupture.
Déthie Fall, après une audience remarquée avec Sonko et une absence notable lors des points de presse de la coalition
« Samm Sa Kaddu », a soudainement annoncé son soutien à la liste du Pastef. Ce reniement, à quelques jours du début de la campagne, évoque les pires travers de la politique sénégalaise, où les principes cèdent souvent la place aux opportunismes. Cette volte-face pose la question de la sincérité des promesses de changement prônées par le Pastef, d’autant plus que de nombreuses figures de l’ancien régime ont récemment rejoint ses rangs. Depuis la présidentielle du 24 mars, le Pastef fait face à une série de ralliements inattendus venant des formations politiques qu’il dénonçait autre- fois. Ces transhumances politiques, longtemps critiquées, semblent désormais être une stratégie pour le parti, qui tente de se tailler une majorité parlementaire en vue des législatives du 17 novembre. Pourtant, cette approche divise. Nombreux sont les militants qui voient en ces adhésions un reniement des idéaux originels du parti.
Cas révélateur
Le cas de Déthie Fall est particulièrement révélateur. Investi sur la liste de « Samm Sa Kaddu » à la 5e position, il promet désormais de faire campagne pour la liste du Pastef. Cette posture, qui ne permet pas de révoquer sa candidature sur la liste de « Samm Sa Kaddu », est perçue comme une manœuvre politicienne des plus cyniques. Sa justification laborieuse et parfois contradictoire, n’a fait que renforcer l’impression d’une politique du « faites ce que je dis, pas ce que je fais ».
La nouvelle démarche du Pastef suscite des critiques internes dans la gestion des ralliements. À Pikine Guinaw Rail, les militants se sont vive- ment opposés à l’adhésion de Mame Diarra Fam, députée sortante du PDS, connue pour ses attaques virulentes contre le Pastef lors de la présidentielle. Des sections communales de Nioro à Niaguis ont également manifesté leur mécontentement face à ces adhésions opportunistes, qu’elles considèrent comme une trahison des idéaux du parti.
Le phénomène ne se limite pas à ces localités
À Fatick, bastion de l’ex-président Macky Sall, de nombreux responsables de l’APR ont également rejoint le Pastef, tandis qu’à Thiomby, Alexandre Ngom, maire et ancien di- recteur de l’urbanisme sous le régime de Macky, a lui aussi rejoint la majorité présidentielle. Ce schéma se répète dans plusieurs autres régions, où d’anciens ténors de l’opposition et de l’ancien régime ont trouvé refuge sous la bannière du Pastef, renforçant ainsi la perception d’une continuité des pratiques politiques tant décriées. es ralliements, bien qu’ils renforcent politiquement le Pastef, soulèvent de profondes interrogations parmi ses militants. Le parti, autrefois chantre de la rupture avec le système traditionnel, semble maintenant pris dans une dynamique de transhumance qu’il avait pourtant fermement critiquée sous les régimes précédents de Wade et Macky Sall. Le paradoxe est flagrant, alors que le Pastef prône un changement radical, il se trouve contraint de recourir aux mêmes méthodes que celles qu’il dénonce.
En coulisses, il se murmure que d’autres figures du Benno Bokk Yakaar et de l’APR seraient en pourparlers pour rejoindre le Pastef, une stratégie qui, bien que nécessaire pour obtenir une majorité parlementaire, risque de ternir encore davantage l’image de « rupture » promise par le parti au pouvoir. Ainsi, avec ces législatives anticipées, le Pastef semble pris dans une contradiction profonde : comment incarner la rupture tout en s’appuyant sur les méthodes les plus classiques de la politique sénégalaise ? La réalité semble implacable, les promesses de changement s’effritent, laissant place à des pratiques qui rappellent tristement que, malgré les discours, comme disait le rappeur Thiat «les mêmes chats », les « mêmes chiens », les même faits, et les mêmes promesses continuent de dominer la scène politique.