Suite aux informations révélées par un journaliste palestinien à Gaza, le parquet fédéral vient d’ouvrir un dossier qui concerne un jeune originaire d’Uccle.
Selon l’enquête journalistique, il ferait partir d’une unité « fantôme » de snipers de l’armée israélienne à Gaza pratiquant des tirs sur des civils désarmés. L’unité compte dans ses rangs des soldats venus de nombreux pays.
Devant la Chambre des représentants, le ministre de la justice Paul Van Tigchelt a confirmé l’ouverture d’une information judiciaire.
« C’est une personne qui a la double nationalité, qui ne vit plus dans notre pays depuis février 2022 et qui aurait déménagé vers Israël. Nos services de sécurité sont bien au courant de cette affaire. Notre pays respecte la convention internationale en matière de violation du droit humanitaire et de crimes de guerre. S’il y a des preuves que des crimes de guerre ont été commis par cette personne, cette personne pourra être poursuivie soit par le parquet fédéral soit par la Cour pénale internationale de la Haye« , a déclaré le ministre devant le parlement fédéral.
Le ministre de la justice Paul Van Tigchelt interpellé ce jeudi à la Chambre sur le dossier de ce sniper de nationalité belge. © BELGA – ERIC LALMAND.
Le quotidien flamand De Morgen a repris l’enquête menée par le journaliste d’investigation Younis Tirawi sur le réseau X. Celui-ci travaille en particulier sur l’action de l’armée israélienne dans les territoires palestiniens et notamment à Gaza. Il rapporte des tirs contre des hôpitaux, des civils en se basant sur les nombreuses vidéos trouvées sur les réseaux sociaux.
Souvent ce sont des soldats, des réservistes qui postent ces images. Des vidéos d’exercices, de compétition, mais surtout sur le théâtre des opérations. Younis Tirawi les trouve sur des comptes privés. Ces vidéos sont difficiles à regarder à cause de la brutalité, mais aussi difficiles à décrypter car souvent floues, mouvantes, prises de loin de nuit ou en vision thermique.
L’unité des Fantômes
Younis Tirawi documente en particulier les faits et gestes d’une unité baptisée « Refaim » (Les Fantômes en hébreu). Elle ne regroupe que les meilleurs. Des snipers qui tirent à longue portée. Et selon Younis Tirawi, ils tirent sur des personnes désarmées, par exemple dans la ville de Gaza ou à Khan Younis, dans des zones où les combats ont déjà pris fin. De façon précise et délibérée.
Élimination
Younis Tirawi a pu longuement interviewer un de ces tireurs d’élite, d’origine américaine comme plusieurs membres du bataillon 202 des paras israéliens.
Ce sergent originaire de Chicago compare le Hamas et Gaza à Sodome, la ville que Dieu détruit dans l’Ancien Testament pour ses pêchés. Il confirme que la mission des tireurs d’élite est d’éliminer, d’abattre les hommes qui se trouvent en zone de combat du moment qu’ils sont en âge de combattre, même s’ils sont désarmés et ne constituent aucune menace directe. Y compris ceux qui tentent d’évacuer des cadavres, même à plusieurs centaines de mètres.
Les règles d’engagement sont cependant peu claires : le soldat explique que le fait de tirer sur des femmes et des enfants reste un débat, et qu’un « oui » du commandement lui paraît parfois être un « non« …
À De Morgen, Younis Tirawi cite la devise de cette unité : « Hors de vue, mais en plein cœur« , qui résume le modus operandi des tireurs, invisibles mais efficaces.
Un jeune originaire d’Uccle
L’enquête de Younis Tirawi révèle que plusieurs membres de l’unité Refaim ont des racines à l’étranger. Les Etats-Unis pour une quinzaine, la France, l’Allemagne, l’Ukraine, l’Ethiopie mais aussi la Belgique dans le cas d’un militaire d’une vingtaine d’années, originaire d’Uccle.
On peut le voir sur plusieurs photos de l’unité, indique Younis Tirawi et De Morgen a pu contacter une personne de l’entourage de sa famille qui confirme qu’il a la double nationalité belge et israélienne et qu’il fait partie de l’armée israélienne. Issu d’une famille d’entrepreneurs actifs pendant quelques années dans l’immobilier en Belgique, il a fait des études dans une école du sud de Bruxelles.
Nous ignorons combien d’autres Belges pourraient se trouver dans les rangs des forces israéliennes.
Nous savons qu’il n’est pas le seul binational à avoir servi dans les forces de défense israéliennes mais c’est l’activité de son unité pose qui problème : s’ils sont avérés, des tirs contre des civils désarmés peuvent constituer des crimes de guerre.
L’affaire est délicate : Younis Tirawi cite nommément des soldats qu’il considère comme impliqués dans ces faits. Ces soldats peuvent se voir menacés. Younis Tirawi est lui-même la cible de reproches, notamment faits par une télévision israélienne, Channel 13 qui le taxe de « Twitto au service de Hamas« , sans avancer de preuves.
Younis Tirawi se défend en se posant en journaliste indépendant. Son travail a servi de base à la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud à la Cour internationale de Justice de La Haye contre Israël. Il a aussi conduit la France à annoncer des poursuites contre ses ressortissants impliqués dans d’éventuels crimes de guerre avec l’armée israélienne.
Younis Tirawi attend à présent la même attitude de la part de la Belgique. En attendant, la justice belge s’est donc saisie du dossier.
Un soldat israélien à Gaza © Tsahal Y. Tirawi