Cela fait 100 jours que Ousmane Sonko dirige officiellement le gouvernement du Sénégal. Mais officieusement, il occupe toute la place. De menaces contre les médias et les magistrats à la non-maitrise du protocole d’Etat, en passant par le désaveu de son ministre de l’Intérieur, retour sur les 100 jours de Sonko au «Pouvoir».
Jouissants ! L’adjectif n’est ni rédhibitoire ni exagéré pour qualifier les 100 jours que le binôme Diomaye-Sonko vient de passer à la tête de l’Etat du Sénégal. En effet, longtemps sur la ligne de mire de l’ancien régime, Ousmane Sonko et son lieutenant Bassirou Diomaye Faye ont, enfin, goûté au plaisir du pouvoir. Et cela ne s’est pas fait sans anicroche.
En effet, sur le terrain politique, Bassirou Diomaye Faye s’est écarté et le Premier ministre a occupé toute la place. La volonté du chef de l’Etat de travailler avec des collaborateurs qui se départissent de leur mandat électif accuse un retard significatif. Depuis cet épisode, Sonko semble occuper toute la place. C’est ainsi qu’il juge nécessaire de s’adresser à la jeunesse. Au Grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose, Sonko se donne en spectacle. Il ne semble pas conscient qu’il n’est plus cet opposant avec une liberté de ton. Le «Patriote» en chef solde ses comptes.
Au premier rang des accusés se trouve la presse. Lors de ce meeting, le Premier ministre tire à boulets rouges sur le 4ème pouvoir et tente de menacer la presse. «Ce qui avait existé n’aura plus cours. Avoir un organe de presse et menacer des gens et faire du chantage aux gens ne passera plus.» C’est ce que le chef du gouvernement a déclaré devant une foule acquise à sa cause. Sonko indiquera que «désormais, il ne sera plus toléré pour aucun journaliste ou maison de presse de donner de fausses informations sur qui que ce soit».
Sur fond de menaces, il a invité les journalistes à republier leurs articles sur notamment l’affaire Adji Sarr dont il a été jugé par contumace et reconnu coupable de corruption de la jeunesse.
Les magistrats en ont aussi pris pour leur grade. Ce qui n’est pas un fait nouveau. Alors opposant, Sonko a littéralement menacé la magistrature.
Lors du meeting au Grand Théâtre, le Pm a fait une comparaison entre les vrais et faux magistrats. Ousmane Sonko a profité de ce face-à-face avec la jeunesse de son parti pour étaler sa non-maîtrise du protocole d’Etat. «On nous parle de protocole. Ils ne me supportent pas sur le tapis rouge. Qu’ils gardent leur mal en patience», a-t-il dit pour revenir sur les épisodes de départ de voyage du chef de l’Etat où le protocole d’Etat voudrait que seul Bassirou Diomaye Faye marche sur le tapis rouge.
Toujours dans cette logique de jouissance du pouvoir, Sonko s’est rendu à Colobane où l’accueil n’a pas été que festif. Contre toute attente, le Premier ministre désavoue son ministre de l’Intérieur. Qui avait pris une circulaire demandant aux autorités décentralisées de sévir contre l’occupation anarchique de la voie publique. Les préfets en charge de l’exécution de cette décision ont rencontré des problèmes, notamment à Keur Massar où des heurts ont été notés. Sonko dira, devant les marchands ambulants de Colobane et l’auteur de la décision, qu’il n’était pas au courant. Certains de ses lieutenants ont assuré le service après-vente en voulant mettre cette décision sur le compte des maires.
En plus, du fait du renforcement de ses pouvoirs, le Premier ministre monte souvent au créneau, à travers des directives et autres instructions adressées à ses ministres et aux autres collaborateurs.
Par ailleurs, Ousmane Sonko s’est illustré en voulant devenir le seul Premier ministre qui va organiser sa Déclaration de politique générale (Dpg) devant une assemblée populaire. En effet, celui qui a contraint Macky Sall à respecter scrupuleusement la Constitution se réfugie derrière la modification d’une loi organique pour ne pas respecter la Constitution. Ce qui n’a pas manqué d’entraîner une crise institutionnelle.