La baisse du prix de la baguette de pain est certes effective. Toutefois, son poids ne correspond pas au prix indiqué, constatent des consommateurs pour le dénoncer. Pour y remédier, les agents de contrôle sont appelés à faire leur travail pour contrecarrer la «shrinkflation».
Le 24 juin dernier, la baisse des prix des denrées de première nécessité, annoncée par le gouvernement du Sénégal, est entrée en vigueur. Une baisse bien appréciée par les populations qui l’attendaient depuis des mois. Toutefois, le prix de la baguette de pain de 190 grammes, qui est passée de 175 à 150 francs CFA, soit une baisse de 25 francs CFA ne correspond pas à la masse indiquée. Ce procédé de «shrinkflation» ou «réduflation», consistant à réduire la quantité d’un produit sans modifier le prix, est bien constaté par les consommateurs.
Une maman rencontrée à Grand-Dakar, trois baguettes de pain en main s’en désole. «En tant mère de famille, nous saluons les mesures de baisse des denrées de premières nécessité comme le riz, le pain entre autres». Seulement, «nous constatons une baisse de grammes sur la baguette la plus commercialisée, celle de 190 grammes dont le prix est ramené de 175 à 150 francs CFA».
Sa copine, Ndèye Awa Ndiaye, de renchérir : «moi-même, j’ai fait cette remarque». Avant ces nouvelles mesures, «5 baguettes par jour pour le petit-déjeuner suffisaient largement pour 7 adultes et 3 enfants de ma famille». Maintenant, «il me faut rajouter une baguette de plus parce que une seule baguette ne suffit pas pour les trois enfants, contrairement à avant», a-t-elle dénoncé. Pis, «nous les adultes, pouvons manger chacun une baguette entière, sans problème. Ce qui n’était pas possible avant», regrette-t-elle.
Non loin d’elle, Moussa Diop, menuisier de son état, conforte Ndèye Awa Ndiaye. «Dans notre atelier, 4 baguettes suffisaient pour notre petit-déjeuner ; soit une baguette pour deux personnes. Maintenant, cela n’est plus possible. D’ailleurs, notre patron nous chahute tous les matins, en disant : ‘’vous êtes des gourmands’’».
Le boulanger Lamine de confirmer la diminution du poids. «Je confirme cette baisse pouvant aller de 4 à 5 centimètres sur la baguette. Et, c’est fait sciemment parce qu’ils savent que cette baisse du prix de la farine ne les arrangent pas. Mais, pour ne pas devoir être là à se cogner avec les autorités, ils ont préféré jouer sur la masse».
LES CORPS DE CONTROLE APPELES A FAIRE LEUR JOB
En toute vraisemblance «la perception du consommateur est de mise», admet le vice-président de l’Association des consommateurs du Sénégal (ASCOSEN), Momar Cissé. Du point de vue économique, dira-t-il, «lorsqu’une maman ou un père de famille arrive à faire un bénéfice de 100 francs CFA sur 4 baguettes par jour, pour se retrouver avec des économies de 3000 francs CFA à la fin du mois, logiquement, il ne tient pas en compte du poids de la baguette. Puisqu’il ou qu’elle raisonne en terme de dépense», explique le consumériste.
Cependant, relève-t-il, «c’est aux agents de contrôle de l’Etat (ministère du Commerce) d’assurer pleinement l’effectivité de la mesure, tant du point de vue prix que du poids». Momar Cissé ne s’en limite pas là. A l’en croire, les discussions avec les meuniers doivent nécessairement se poursuivre, pour stabiliser les prix. Pour y arriver, «il faut que le gouvernement et les meuniers s’accordent sur les points de divergence», conseille-t-il.
VA-T-ON CONNAITRE UNE ENIEME BAISSE SANS EFFET ?
Désormais, en lieu et place d’une baisse effective, l’on assiste à une ruse, consistant à diminuer le poids initial de la baguette et la vendre au prix homologué, entretenue par des boulangers pour ne pas se mettre à dos le gouvernement qui a déjà montré sa fermeté face à la réticence des meuniers à s’aligner à sa décision. Ce qui rappelle sans doute le procédé de contournement des bailleurs (résilier les contrats des occupants pour augmenter en accueillant de nouveaux locataires), suite à l’effectivité de la mesure de baisse des prix du loyer.
En effet, en 2014, une loi portant baisse des prix du loyer avait été votée à l’Assemblée nationale, pour alléger les charges des locataires. Cette loi qui était censée faire baisser obligatoirement le coût du loyer de 29% au maximum sur les loyers inférieurs à 150.000 francs CFA, de 4% sur les loyers supérieurs à 500.000 francs CFA et de 14% sur les loyers compris entre 150.000 et 500.000 francs CFA, n’a pas produit les effets escomptés. En novembre 2022, le gouvernement sénégalais est revenu sur cette mesure, en adoptant cette fois-ci, à la place d’une loi, un décret en Conseil présidentiel du 23 février 2023 pour réguler les prix du loyer. Aujourd’hui, toutes ces mesures n’ont rien servi aux locataires qui continuent de trimer, faute d’une volonté politique réelle.