Le désencombrement de plusieurs artères de Dakar est entamé par les autorités. Sandaga et Petersen, par exemple, sont vidés de leurs tabliers, étals et autres objets encombrants. Expérimentée et déroulée à plusieurs occasions par les différents régimes qui se sont succédé à la magistrature suprême au Sénégal, la libération des espaces publiques se heurte souvent à la réticence des populations. Malgré des alternatives envisagées par certaines autorités et dont l’effectivité par endroit n’aura pas réussi à endiguer le phénomène. Toutefois, toujours en matière de désencombrement, des succès sont enregistrés : c’est le cas entre autres du délogement de la «Cité Imbécile» et l’ancienne piste à Mermoz…
Depuis quelques jours, plusieurs municipalités notamment de Dakar et sa banlieue ont entrepris des opérations de désencombrement des marchés et voies publiques. De Dakar-Plateau à Rufisque, en passant par Keur Massar, Colobane etc., le constat est partout le même. Au Plateau, le marché Sandaga est débarrassé de ses étals. Seules les cantines continuent d’abriter les commerces. A Petersen, le marché irrégulier installé dans l’enceinte de la gare routière est rasé. Ailleurs à Dakar, comme à Keur Massar, des commerces flottants et tout ce qui déborde des cantines et empiétant sur les voies publiques a été enlevé. Ces actions sont la résultante des opérations de désencombrement initiées par des maires à Dakar et dans sa banlieue.
Rappelons que Dakar n’en est pas à son coup d’essai. La libération des trottoirs ou des espaces destinés à une occupation autre que le commerce, a toujours eu lieu, mais se heurte souvent à la résistance des marchands ambulants ou de tenanciers de commerce à la sauvette. A titre d’exemple, la réalisation du Bus rapid transit (BRT), a nécessité le déguerpissement de plusieurs artères de la capitale dont le rond-point Liberté 6. Les occupants tiennent toujours tête aux autorités, en continuant leurs activités, quelques jours après les opérations.
La devanture de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, a fait l’objet de plusieurs mesures de désengorgement. Les commerçants sont revenus et continuent tranquillement à vaquer à leurs occupations. Et les exemples sont nombreux. A la Médina, la municipalité avait lancé l’opération de libération des emprises pour la facilitation de la mobilité des usagers. L’occupation anarchique de la voie publique y sévit toujours.
L’ANCIENNE PISTE DE L’AEROPORT DE YOFF, SISE A MERMOZ, VIDEE DE SES OCCUPANTS, LA «CITE IMBECILE» EST RAYEE DE LA CARTE DE DAKAR
Toujours à Dakar, les ouvrages de franchissement (ponts), servent de repli aux mendiants et autres commerçants. Leur déguerpissement n’est souvent qu’une initiative ponctuelle, non pérenne. L’actuel maire de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye, a mené plusieurs opérations de déguerpissement des rues de sa commune. La résistance des marchands ambulants a toujours consisté à un blocage de son projet.
Alors que des réticences sont notées, des succès ont tout de même été enregistrés par endroit. Ainsi, après plusieurs tentatives ponctuées d’échecs, les mécaniciens de l’ancienne piste de l’aéroport militaire Léopold Sédar Senghor de Yoff, sise à Mermoz, ont finalement quitté les lieux. Malgré une absence de consensus dénoncée, les mécaniciens ont plié bagages, après une opération durement menée par les autorités et les Forces de l’ordre, en août 2023.
Autre réussite, la «cité imbécile» est rayée de la carte de Dakar par la Gendarmerie nationale. Le Commandant de la Légion Ouest de Dakar, le Colonel Abdou Mbengue, qui dirigeait les opérations en juillet 2023, avait mobilisé 422 agents. En plus de 56 véhicules et des chiens renifleurs. Des arrestations ont aussi eu lieu après l’opération, dans cette cité qui constituait une source d’insécurité pour les quartiers riverains.
Seulement, face à l’indignation suscitée par la vague subite de déguerpissements et de désencombrements, entrepris par les Collectivités territoriales, chez les victimes, les autorités ont choisi d’aller à leur rencontre. A Colobane où il s’est rendu, le dimanche 30 juin dernier, pour livrer un message du président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, tout en reconnaissant que ces opération relève de la responsabilité des mairies qui ont la compétence en la matière, le Premier ministre, Ousmane Sonko, a demandé aux maires plus de compassion envers les marchands ambulants, en attendant de leur trouver des sites de recasement.
L’INITIATIVE DE CONSTRUIRE DES CANTINES POUR RELOGER DES MARCHANDS AMBULANTS N’EST PAS UNE NOUVEAUTÉ
En guise de solution alternative, soulignant que «l’Etat a décidé de prendre ses responsabilités, même si, il faut que cela soit clair, c’est une compétence des mairies», M. Sonko active la Délégation à l’entreprenariat rapide (DER) pour financer les projets de ces jeunes. «Nous allons procéder, avec les services compétents et les Collectivités territoriales, à des évaluations et voir, au cas par cas, les impenses et dédommagements pour des déguerpis. Il faut des solutions de remplacement avant de déguerpir. C’est le message du président de la République que je voudrais lancer… «Je suis venu avec Mme Aïda Mbodj, DG de la DER, parce que s’il y a des entrepreneurs qui méritent des financements, ce sont ces jeunes-là. Elle va vous recevoir et échanger avec vous sur les modalités de financement», a-t-il promis.
L’idée de construire des cantines pour loger les marchands ambulants, prônée par le Premier ministre, est une initiative déjà expérimentée par des maires. Avant Ousmane Sonko, des autorités d’alors ont à plusieurs reprises proposé des solutions alternatives pour faire face aux marchands ambulants, sans un véritable succès. En effet, il y a quelques années, entre Khalifa Sall et les marchands ambulants, ce fût une véritable «guerre». Après un long bras de fer, les ambulants de l’immeuble Soudanais et bien d’autres du marché Sandaga, ont rejoint le Centre commercial construit à Felix Éboué, réalisé par l’équipe de l’ancien maire de la Ville de Dakar, Khalifa Sall.
Actuellement, le maire de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye, mène aussi des opérations de déguerpissement. Des cantines sont aussi prévues pour les marchands ambulants qui ont investi les rues de sa commune. Rappelons qu’en banlieue également, au marché Thiaroye, des commerçants ont été relogés dans des cantines, même si, dans un premier temps, ils avaient manifesté un refus de rejoindre les locaux nouvellement construits.
Autant de mesures compensatoires qui n’auront pas réussi à endiguer le fléau notamment le commerce à la sauvette alimenté par la problématique persistance de l’emploi des jeunes accentué par l’exode rural. Ce qui fait que les marchés et établissement marchants de Dakar et sa banlieue et des grandes villes de l’intérieur peine toujours à absorber le flux de personnes, majoritairement des jeunes et des femmes, qui investissent ce secteur du commerce, mais dans l’informel, exerçant sur les trottoirs et rues. Il y a aussi le fait que nombre de ces marchands ambulants refusent d’être relogés dans des cantines construites à cet effet, pour se soustraire au paiement de taxes, patentes, auquel ils seront soumis obligatoirement et régulièrement une fois recasés. Au grand dam de l’Etat et des Collectivités locales qui perdent ainsi des ressources importantes.