Va-t-on vers une nouvelle donne à la Rts longtemps taxée de télévision du gouvernement, qui zappe complètement l’opposition sauf en cas exceptionnel ? Tout porte à le croire. Et pour cause, depuis quelques temps, la chaîne de télévision nationale donne la parole à l’opposition pour commenter les sorties des membres du gouvernement. Ce qui est vu comme un signe de pluralisme dans les médias publics sénégalais.
Ce lundi 10 juin, les téléspectateurs de la Rts1 ont vu le président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, Abdou Mbow, réagir sur la sortie du Premier ministre Ousmane Sonko lors de sa conférence politique de dimanche. Il y a également quelques semaines, le même député à l’Assemblée nationale commentait sur la chaine de télévision nationale les déclarations du ministre porte-parole du gouvernement Moustapha Sarré faites dans l’émission « Grand-Jury » diffusée sur la Rfm. Cette ouverture de la parole à l’opposition qui était inhabituelle, commence à devenir récurrente. C’est pourquoi, elle a été saluée par les Sénégalais qui considèrent cela comme un signe d’ouverture et de pluralisme dans les médias publics sénégalais.
Depuis très longtemps, l’accès du camp anti pouvoir aux organes de presse du service public a toujours été un vieux serpent de mer du jeu politique et une revendication derrière laquelle ont longtemps couru les ténors de l’opposition. De Léopold Sédar Senghor à Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, les patrons des médias publics ont toujours et systématiquement écarté l’opposition de leurs antennes, sauf en cas exceptionnel de campagne électorale, de discours du 31 décembre ou lors de la fête de l’indépendance du Sénégal. Ce qui a toujours révulsé les Sénégalais, surtout les opposants.
Lors du vote du budget du ministère de la Communication, des Télécommunications et de l’économie numérique en novembre dernier, des députés de l’opposition avaient dénoncé le parti pris de la Rts. Selon eux, la chaîne de télévision nationale accordait la « majeure partie de son temps d’antenne aux réalisations et aux activités du gouvernement et de la coalition de partis au pouvoir, au détriment de l’opposition ». Raison pour laquelle, ils avaient plaidé pour l’ouverture des médias du service public de l’information, la RTS notamment, aux partis d’opposition.
On se rappelle en juillet 2022, à Tivaouane, en pleine campagne électorale pour les élections législatives, lorsqu’Ousmane Sonko avait jeté le micro de la Rts qu’il jugeait partiale dans son traitement de l’information. Lors d’un débat en direct sur la Rts, l’ex Directeur général de la Rts Racine Talla avait réagi en direct pour contester le point de discussion portant sur l’éventualité d’une cohabitation lors de la diffusion des premiers tendances des législatives de 2022.
Une attitude que le Conseil pour l’Observation des Règles d’Ethique et de Déontologie dans les médias (Cored) avait déplorée à l’époque. «Cette posture foule au pied le principe de l’équilibre dans le traitement de l’information, en totale violation de l’article 1 de la Charte des journalistes du Sénégal qui fait obligation de considérer que le droit du public à une information juste et équilibrée prime sur toute autre considération», mentionnait le Cored dans son communiqué. Le Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics) avait également abondé dans le même sens. « Il importe pour le média public, surtout la télévision, d’assurer le service après-vente en donnant la parole à toutes les coalitions qui étaient en compétition», rapportait son communiqué. Il faut donc dire qu’aujourd’hui, avec cette ouverture de la parole à l’opposition, une nouvelle tendance est peut-être en train de se mettre en place avec le nouveau pouvoir concernant les médias publics. Ce, pour un plus grand pluralisme démocratique.