A l’issue d’assises nationales, le Burkina Faso a prolongé sa transition, et maintenu au pouvoir Ibrahim Traoré, qui est également autorisé à se présenter aux élections. Des résolutions qui changent les perspectives attendues en 2022, lors de l’installation du capitaine au pouvoir.
Au Burkina Faso, la nouvelle charte de la transition repousse un peu plus la perspective d’un retour des civils au pouvoir. C’est ce qui ressort des assises nationales du samedi 25 mai 2024 à Ouagadougou, capitale du pays des hommes intègres.
Prévues pour faire un bilan et donner une nouvelle orientation à la transition burkinabé censée prendre fin en juillet 2024, les assises ont fini par renforcer les positions des militaires au pouvoir, notamment celle du capitaine Ibrahim Traoré (photo). Ainsi, selon les conclusions finales, celui-ci ne sera plus simplement le président de la transition, mais bien le président du Burkina Faso.
Parmi les principales résolutions issues de ce dialogue national, figurent la signature d’une nouvelle charte de la transition, la prolongation de la transition pour une durée de cinq ans supplémentaires ainsi que la possibilité pour les membres actuels de la transition à savoir le président, le Premier ministre et le président de l’Assemblée législative, de participer aux différentes élections à venir.
Bien que la possibilité ait été laissée pour que les élections, prévues pour la fin de la transition, puissent « être organisées avant cette échéance, si la situation sécuritaire le permet », la nouvelle charte vient balayer les espoirs d’un retour des civils au pouvoir dès cette année, période d’échéance de la transition qui avait débuté en 2022. Si les sympathisants du capitaine Traoré y voient une décision salutaire pour le Burkina Faso toujours en proie aux attaques terroristes, les partis politiques dont les activités restent suspendues continuent de contester leur exclusion des discussions sur l’avenir du pays.
Un contexte économique tributaire de la situation sécuritaire et politique
La prolongation de la transition au Burkina Faso intervient dans un contexte économique qui continue d’évoluer en fonction de la situation sécuritaire. Selon l’ONU, le nombre de personnes déplacées en raison notamment de l’insécurité est passé de 50 000 en janvier 2019, à 2,01 millions au 31 décembre 2023, alors que les secteurs de la santé et de l’éducation restent les plus touchés par les violences.
Cependant, la croissance économique burkinabé affiche une évolution positive depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Traoré (1,8% en 2022, 3,6% en 2023, selon le FMI) et les perspectives montrent que Ouagadougou deviendra la quatrième économie de la zone CFA en 2024, dépassant Bamako. D’après la Banque mondiale, « le Burkina Faso a commencé à assainir ses finances publiques en 2023, le déficit tombant à 6,5 % du PIB, soit 1 % de moins qu’en 2022 ». Cependant, la dette intérieure pourrait augmenter en raison d’une prime de risque plus élevée demandée par les investisseurs qui souhaitent prêter leur argent au pays, couplée à l’augmentation du coût du financement sur le marché régional.
De plus, les incertitudes continuent de peser sur le maintien ou non du Burkina Faso au sein de l’UEMOA. Dans une interview, le dirigeant avait laissé entendre que la sortie de son pays du Franc CFA était toujours d’actualité, sans pour autant donner plus de détails. Pour les observateurs, avec cinq années supplémentaires, Ibrahim Traoré pourra mettre en place progressivement cette réforme réclamée par de nombreuses populations du Sahel.
Quid de la CEDEAO ?
La prolongation de la transition burkinabé, au-delà des questions qu’elle soulève concernant la gestion interne du pays, interrogent également sur l’avenir de la relation entre Ouagadougou et ses voisins. En janvier dernier, les autorités burkinabè avaient annoncé en même temps que les autorités maliennes et nigériennes, leur retrait de la CEDEAO pour protester contre les ingérences extérieures et le manque de soutien de la communauté dans la lutte contre le terrorisme.
Pour de nombreux observateurs, l’organisation d’élections en juillet 2024, conformément aux résolutions ayant permis l’installation d’une transition en 2022, aurait permis un changement d’interlocuteur à la tête de l’Etat burkinabè qui aurait pu ouvrir la voie à de possibles négociations pour un retour dans la CEDEAO. Mais avec le maintien au pouvoir du capitaine « IB », cette perspective semble moins certaine, au vu de la position radicale adoptée par le militaire vis-à-vis d’une organisation qu’il décrit comme étant à la solde des puissances étrangères.
Pour rappel, dans une interview accordée peu après l’annonce du retrait de l’organisation, le capitaine Traoré avait indiqué que cette décision était un « chemin de non-retour ». Une déclaration qui laisse penser que son pays tournait définitivement le dos à l’organisation.
A l’heure où la CEDEAO semble avoir changé de fusil d’épaule, la lumière pourrait possiblement venir d’une médiation menée par le nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye. Souhaitant profondément réformer l’organisation, celui-ci est en tournée dans la sous-région depuis plusieurs semaines, et a déjà rencontré plusieurs dirigeants de la communauté. Le jeudi 16 mai, à Abuja où il a rencontré le président en exercice de l’institution, il a été appelé par Bola Tinubu à « collaborer et à rencontrer » les autres « frères » de l’AES, « pour les persuader de revenir au bercail ».