Confrontée à de nombreuses difficultés, la filière avicole bat de l’aile. Surtout pour les petits producteurs de la zone des niayes. Le récurrent problème du renouvellement de la volaille (les poules pondeuses) et la cherté de l’aliment de volaille peinent à trouver une solution. Cela a entraîné la fermeture de certains poulaillers, avec son corollaire de pertes d’emplois.
Entre difficultés de renouveler les sujets de poules pondeuses, cherté des aliments de volaille et surendettement des acteurs, la filière avicole bat de l’aile. En effet, pour installer une bande de 2500 sujets, il faut débourser près de 9 millions de fcfa. Sans compter l’aliment pour nourrir la volaille dont les dépenses s’élèvent à environ 50.000 fcfa par jour, les produits vétérinaires, la rémunération des employés etc. A cela s’ajoute la concurrence des gros producteurs, notamment les industriels.
Pis, il y a aussi les pertes importantes enregistrées lors des deux épidémies : la grippe aviaire et la «pseudo» épidémie de la maladie de newcastle. La filière est très sensible. La forte canicule ne permet pas un bon déroulement de l’activité avicole. C’est pourquoi, en cette période, beaucoup de fermiers ont été contraints de fermer leurs exploitations, en attendant des lendemains meilleurs, pour relancer l’activité.
Conséquences de la grippe aviaire et «pseudo» épidémie de la maladie de Newcastle
En outre, le renouvellement des bandes pose problème. M. Auguste Tia, ressortissant ivoirien, employé avicole, explique : «notre patron a décidé de suspendre l’activité avicole. Toutes les poules sont vieilles. Il faut les abattre et installer de nouvelles bandes. Nous sommes en chômage, depuis la fin du mois d’avril dernier. La production a baissé considérablement. Auparavant, nous produisions 50 tablettes d’œufs par jour. Actuellement, les poules pondent difficilement. Elles ne sont pas performantes. Nous n’arrivons pas à obtenir 27 plateaux d’œufs. Alors que nous continuons à dépenser beaucoup d’argent pour l’alimentation. Tous les jours, nous achetons des sacs d’aliments qui nous coûtent 50.000 FCFA. En plus, le propriétaire doit nous assurer la nourriture et le paiement de mon logement. Donc, les charges sont énormes», a-t-il révélé.
Auguste Tia est prêt pour le retour au bercail. Car, «l’activité d’élevage ne marche pas. Avec le peu d’argent que j’ai économisé, j’allais travailler pour mon propre compte. Mais je ne veux prendre aucun risque. L’aviculture est en proie aux épidémies récurrentes, ces deux dernières années, ainsi qu’au réchauffement climatique». Ce qui fait que, indique-t-il, «il est plus judicieux de rentrer en côte d’ivoire. La famille, les amis m’ont dissuadé d’investir dans cette filière. J’ai plusieurs projets, mais celui de l’aviculture me tient vraiment à cœur, compte tenu de mon capital d’expérience». Obtenir un financement une fois dans son pays natal, relève de l’hypothétique. «je ne suis pas sûr de bénéficier d’un financement auprès des banques ou organismes. A défaut, je vais m’investir dans la commercialisation des noix de coco, entre Dakar et Abidjan», a poursuivi l’ouvrier avicole en chômage.
L’équation du financement et du renouvellement très couteux des bandes de sujets âges
La ferme d’Ismaïla Ndong est située à Alwar, à Niacoulrab, une localité en banlieue de la capitale, Dakar. En pénétrant à l’intérieur, dans les basses-cours, le visiteur est envahi par le bruit. Les poules caquettent ou gloussent en longueur de journée. Le cadre, contrairement à certains poulaillers, est agréable. Ici, l’entretien des lieux est assuré quotidiennement, matin et soir. L’aire est cloitrée dans une impasse. Deux pièces y sont construites : l’une fait office de chambre à coucher de son employé, Boubacar Baldé, de nationalité bissau-guinéenne ; l’autre abrite le bureau de Ismaïla Ndong. Les trois poulaillers ont résisté à ces doubles crises sanitaires. Il a fallu travailler dur, en injectant une somme importante d’argent pour l’achat des aliments très chers et des produits vétérinaires, pour assurer un bon suivi des sujets.
Malgré cette débauche d’énergie, la situation économique de l’exploitation n’est guère reluisante. Pour sa part, le propriétaire, ismaïla ndong, soutient : «nous sommes surendettés. A cause des épidémies. Les poulaillers où les épidémies ont été moins ressenties, leur production a baissé considérablement. Si l’on établit la comparaison entre les deux périodes, décembre à mars et avril à mai, la situation est désastreuse. Pendant la fraicheur, la durée de la ponte d’un œuf à un autre était de 26 h. On pouvait produire 30 tablettes d’œufs par jour. Mais actuellement, nous obtenons difficilement 27 tablettes. Le manque à gagner est énorme. Du coup, nous nous sommes empêtrés dans des difficultés pour honorer nos engagements auprès de nos fournisseurs d’aliments, des industriels et d’autres entreprises de la place».
Selon les aviculteurs, «l’âge des poules est déterminant pour la rentabilité de la ferme. Les poules, quand elles pondent, au bout de deux ans, il faut renouveler toutes les bandes. Cela nécessite de gros moyens financiers». Il faut 10 millions au minimum, selon les témoignages que nous avons recueillis. Et les petits producteurs sont les laissés pour compte. «nous ne bénéficions pas de soutien de l’état. La preuve, avec les deux épidémies, aucun aviculteur n’a été dédommagé», confient-ils.
Le Dr Assiongbou Teiko, responsable du laboratoire de l’école inter états des sciences et médecines vétérinaires (eismv/Dakar veto), sise à l’université Cheikh Anta Diop de (Ucad), précise, qu’«il y a des aviculteurs qui ont été dédommagés. D’ailleurs, certaines personnes peuvent prendre de l’argent et revenir vous dire : ‘’nous n’avons pris aucun sou’’. Est-ce que l’argent parle ?».
«Aucune politique de soutien des aviculteurs, malgré les préjudices subis» ?
En ce qui concerne la concurrence, «les grandes entreprises se sont accaparé le marché. Pis, il est inondé par des cuisses de poulet. Pourtant, l’importation de cette denrée est prohibée au sénégal», déplorent les acteurs du secteur avicole. D’ailleurs, confronté à de nombreux problèmes, m. Dong n’est pas optimiste quant à l’avenir de l’aviculture. Car le coût de la production est très élevé. «novembre prochain, tous les sujets seront vieux. Une question demeure : où trouver un financement ? Il n’existe aucun partenariat qui nous accompagne dans nos activités de production. Les banques n’acceptent pas de nous accorder des prêts. Car c’est une filière à risque. En plus, nous ne sommes pas solvables. Les petits acteurs du secteur avicole sont dans la tourmente», a déploré m. Ndong.
C’est en 2006 qu’il a démarré les activités d’élevage de poules. Avec un budget de 7 millions fcfa. A cette époque, l’activité prospérait. Mais, depuis que la crise sanitaire, la covid-19 survenue en 2019, la production avicole tourne au ralenti. «aucune politique de soutien des aviculteurs, malgré les préjudices subis. Le prix au producteur de la tablette stagne : 2000 fcfa. Alors que, sur le marché, il continue à flamber vertigineusement, oscillant entre 2500 fcfa à 3000 fcfa» confient les acteurs de la filière. A cela s’ajoute la mévente des produits avicoles. En réalité, certains ménages considèrent que les œufs sont un produit de luxe. Ils préfèrent consommer les haricots appelés «niébé» en langue locale.