Malgré les nombreux efforts fournis pour lutter contre le fléau, l’industrie du tabac a «emmené quelque chose de nouveau dans cette affaire : les produits dits émergents, la cigarette électronique, la chicha et toutes ces formes d’usage alternatif du tabac qui sont dangereuses». Ces nouveaux produits ont remodelé les modes de consommation : une session de chicha équivaut entre 40 et 100 cigarettes.
Dr Abdoul Aziz Kassé, membre fondateur de la Ligue sénégalaise contre le tabagisme au Sénégal, a attiré l’attention des autorités et des citoyens sénégalais sur les vendeurs de chicha : «Ce ne sont pas que les Libanais et Turcs qui se présentent au niveau de nos administrations.
Ce sont également des entrées venant de la bande sahélo-soudanaise et qui financent le terrorisme international. Voilà une vérité que tout le monde connaît. Et c’est ce qui a poussé le Mali à sévir durement contre la chicha. Derrière cela, il s’avère que la chicha en elle-même pose des problèmes de santé. Une session de chicha, en fonction de sa composition, équivaut entre 40 et 100 cigarettes. Donc, personne ne peut dire que la chicha n’est pas dangereuse pour la santé, bien au contraire, elle est beaucoup plus dangereuse que le tabac de la cigarette. Mais pire, la chicha est plus dangereuse pour les personnes environnantes. Si on prend point par point toutes ces choses, la chicha doit être interdite.».
La vente de la chicha n’est pas prise en compte dans la loi de 2014
Il faut aussi noter que la vente de la chicha n’est pas écrite de façon très claire dans la loi de 2014. Mais Pr Abdoul Aziz Kassé précise : «maintenant, on vous dira qu’il n’est pas écrit dans la loi de 2014 que la chicha est interdite. Mais la chicha est un produit du tabac, et si elle devait être commercialisée au titre d’un produit du tabac, la législation devrait être respectée.
Par conséquent, on devrait interdire à l’industrie de la chicha d’interférer dans nos politiques publiques qu’elle ne respecte pas, mais aussi élaborer une taxation à la hauteur de ce que cela représente. Il n’y a pas une taxation clairement identifiée de la chicha. La chicha fait aussi de la publicité, de la promotion, des parrainages…, tout ceci constitue une violation de la loi», se désole M. Kassé.
En plus de cette violation, il y a les autres composants de ce produit. «La chicha contient des arômes, et c’est interdit par la loi. Et pour clore, il est interdit de fumer totalement dans les lieux publics et des lieux ouverts au public, en dehors des fumoirs qui sont régis par la loi. La chicha viole la loi. C’est un produit qui viole la loi à plusieurs niveaux. Et pour ces faits, ce produit devrait revenir sous le coup de la loi et le contrevenant doit être poursuivi par la loi au même titre que les autres. Ce n’est pas parce que le mot chicha n’existe pas dans la loi qu’elle ne doit pas être interdite. Les produits qui la composent sont dans la loi, donc la chicha tombe sous le coup de cette loi-là», poursuit Dr Kassé.
Hormis la taxation du tabac, le Forum civil veut accompagner ces organisations qui travaillent dans ce domaine-là pour que le gouvernement interdise de façon définitive le tabagisme dans les lieux publics.
«Fumer dans les lieux publics doit être interdit définitivement au Sénégal, et que cela soit effectif. Non seulement les fumeurs sont en train de se tuer, mais aussi ils tuent les non-fumeurs. C’est la raison pour laquelle nous avons réuni l’Association des journalistes en santé, population et développement (Ajspd), qui est une association dynamique qui accompagne toutes les organisations qui travaillent dans le tabagisme pour les sensibiliser dans la taxation du tabac au niveau national et au niveau communautaire», déclare Birahim Seck. En écho, le président de l’Ajspd insiste sur le travail de sensibilisation des médias : «Le renforcement de capacités est important, parce que c’est un sujet sur lequel nous travaillons depuis. Nous allons mener le plaidoyer sur le terrain en faisant le focus sur le sujet, et cela a souvent un impact sur la lutte contre le tabagisme.»
La loi révisée attend son adoption
Les acteurs qui luttent contre le tabac peuvent espérer gagner ce bras de fer avec l’industrie du tabac. Pour rectifier les incohérences dans cette loi de 2014, une révision de celle-ci a été faite avec le ministère de la Santé, qui est passée au Secrétariat général du gouvernement.
Il ne reste que son adoption en Conseil des ministres puis son vote par l’Assemblée nationale. Une façon pour les acteurs de dire que cette bataille inclura tous ces problèmes qui n’ont pas pu être réglés.