Le rapport indique que la hausse des prix de l’or, stimulée par les achats des banques centrales et l’anticipation d’une baisse des taux d’intérêt, bénéficie économiquement aux 10 principaux pays producteurs africains mais pourrait aussi freiner leur diversification économique et encourager l’exploitation minière illégale.
S’il est vrai que la hausse des cours de l’or aura incontestablement des effets positifs sur les réserves en devises et les recettes fiscales des pays africains producteurs de ce métal précieux, il n’en demeure pas moins qu’elle pourrait compromettre leurs efforts de diversification économique, favoriser le développement des activités minières illégales et provoquer une envolée de l’inflation découlant d’une augmentation de la masse monétaire supérieure à celle de la production réelle, selon un rapport publié le 29 avril dernier la Banque africaine d’import-export (Afreximbank).
Intitulé « The ongoing gold price rally : Macroeconomic implications for african producers », le rapport rappelle que la tendance haussière des prix de l’or sur le marché international a commencé à la mi-février 2024. Au 12 avril dernier, le prix au comptant de l’once a atteint un record de 2401,5 dollars, soit une augmentation de 21 % depuis la mi-février 2024.
La remontée des prix du métal précieux, qui représente un refuge financier face aux fluctuations monétaires, est attribuée à plusieurs facteurs, dont l’anticipation d’un assouplissement des politiques monétaires par les banques centrales.
La relation entre l’or et les taux d’intérêt présente traditionnellement une corrélation négative. Le prix de l’or augmente lorsque les taux d’intérêt baissent, et diminue lorsque les taux augmentent. Cela s’explique par le fait que la hausse des taux d’intérêt rend les actions, les obligations d’État et d’autres investissements plus attrayants pour les investisseurs. La baisse des taux d’intérêt rend ces actifs alternatifs moins attrayants, ce qui pousse les investisseurs à se tourner vers l’or, et augmente la demande et le prix en conséquence. Les analystes s’attendent dans ce cadre à ce que la Réserve fédérale américaine (Fed) abaisse ses taux directeurs à deux ou trois reprises d’ici fin 2024.
Des tensions géopolitiques croissantes
Le deuxième facteur qui explique le rebond du prix de l’or est l’accélération du mouvement de dé-dollarisation dans plusieurs pays émergents, qui se traduit par des achats massifs du métal jaune par les banques centrales.
A l’échelle mondiale, les banques centrales ont acheté 361 tonnes d’or durant le troisième trimestre 2023, soit une augmentation significative par rapport aux 77 tonnes achetées au cours de la même période en 2022. La Chine et l’Inde sont les principaux acteurs de cette tendance.
La flambée actuelle des prix de l’or peut également être attribuée aux tensions géopolitiques croissantes liées au conflit russo-ukrainien et à la situation très tendue au Moyen-Orient. Historiquement considéré comme une valeur refuge, le métal précieux tend à servir de couverture contre les risques géopolitiques mondiaux.
Le rapport indique d’autre part que l’Afrique contribue à hauteur de 25% à la production mondiale du métal précieux. Selon les données du Conseil mondial de l’or, les pays africains ont produit un total de 979,2 tonnes en 2022. Le Ghana, l’Afrique du Sud, le Soudan, le Mali, le Burkina Faso, la RD Congo, la Tanzanie, le Zimbabwe, le Togo et la Côte d’Ivoire sont les dix principaux producteurs africains. Dans ces pays, le secteur aurifère représente en moyenne 45% du total des exportations et près de 15% du PIB. Tout changement dans le prix de l’or peut ainsi avoir des implications macroéconomiques significatives pour ces pays et pour l’ensemble du continent.
Dans les pays qui dépendent de l’extraction de l’or, une augmentation des prix entraîne l’augmentation des recettes d’exportation, ce qui provoque une hausse des flux de réserves de change. Cela améliore leur capacité à gérer la dette, régler les factures des importations et maintenir la stabilité de la monnaie.
Les réserves officielles des banques centrales africaines en or restent cependant faibles. Elles ne représentent que 3 % des réserves d’or des banques centrales à l’échelle mondiale. La hausse des prix du métal rare, inaltérable et aisément transportable du fait de sa forte densité offre ainsi aux producteurs africains l’occasion de renforcer leurs portefeuilles de réserves avec un actif sûr.
Le spectre du « syndrome hollandais »
L’augmentation des cours de l’or aboutit également à une amélioration des recettes fiscales des Etats provenant des divers impôts et redevances versés aux gouvernements par les compagnies minières. Dans les dix principaux producteurs d’or en Afrique, les recettes fiscales issues du secteur aurifère représentaient en moyenne 18 % des recettes fiscales totales en 2022.
Le secteur aurifère a aussi un effet d’entraînement significatif sur la croissance économique. Cet effet se traduit notamment par la création de revenus et d’emplois dans les mines et leurs chaînes d’approvisionnement.
La hausse des cours de l’or favorise par ailleurs le développement des infrastructures essentielles, telles que les écoles et les hôpitaux, les routes et les barrages, ce qui génère des opportunités d’emploi dans d’autres secteurs. La réorientation des recettes de l’or vers des investissements sociaux tels que l’éducation et les soins de santé permet également d’améliorer les gains de productivité futurs.
La hausse des cours de l’or favorise par ailleurs le développement des infrastructures essentielles, telles que les écoles et les hôpitaux, les routes et les barrages, ce qui génère des opportunités d’emploi dans d’autres secteurs. La réorientation des recettes de l’or vers des investissements sociaux tels que l’éducation et les soins de santé permet également d’améliorer les gains de productivité futurs.
Mais toute médaille a son revers. L’accroissement des flux des réserves de change générées par les exportations de l’or à des prix élevés peut provoquer une hausse de la demande de produits locaux conduisant à une augmentation de la masse monétaire nationale sans augmentation correspondante de la production, ce qui se traduit par des pressions inflationnistes. Pour éviter ce scénario, les banques centrales doivent procéder à des opérations de stérilisation (interventions destinées à réduire les liquidités comme l’achat de devises ou d’obligations, Ndlr) pour équilibrer temporairement l’afflux des réserves en réduisant la composante nationale de la masse monétaire.
Le rallye haussier des prix de l’or peut d’autre part conduire à l’apparition du « syndrome hollandais », un phénomène économique qui relie l’exploitation de ressources naturelles au déclin de l’industrie manufacturière locale. Ce phénomène est suscité par l’accroissement des recettes d’exportations, qui à son tour provoque l’appréciation de la devise. Le résultat est que dans les autres secteurs, les exportations deviennent moins favorables que les importations.
Et last but not least, les prix élevés du métal jaune peuvent entraîner une hausse de l’exploitation minière informelle et illégale, avec des effets négatifs sur les recettes fiscales et les recettes d’exportation pour les Etats.