Des Mamelles à Mermoz, ça construit face aux eaux. Ça construisait, puisque là, l’arrêt caractérise ces travaux au bord de la mer. Et au tag rouge, sur les murs, on inscrit les notes de suspension des constructions par la Direction générale de surveillance et de contrôle de l’occupation des sols (Dgscos).
Il y a marqué sur du ciment deuxième, troisième, quatrième, cinquième. A partir de là, il faut deviner qu’il y a un sixième, un septième… L’œil ne verra que peu l’écriture qui s’efface à force que le bâtiment s’élance vers le ciel. Un immeuble, aux Mamelles, qui regarde la mer de haut. L’immeuble a des gardiens, des casques de sécurité ne manquent pas et ça travaille. Timidement. Le sieur Ndiaye qu’on indique pour s’exprimer, indique son supérieur… qui n’est pas là. Qui est en réunion. Dans une réunion qui s’éternise… et on ne peut pas éternellement attendre devant l’immeuble. L’hospitalité de M. Ndiaye a des limites : il faudra se déplacer.
Plus loin, de l’autre côté de la mamelle qui porte le phare, Ndiouga Gaye est plus accueillant. Casque, tenue orange, chaussures de chantier. Lui travaille à ciel ouvert. Il explique travailler dans le chantier de l’Usine de dessalement. C’est l’Eiffage. Ça va. Il accorde un peu de son temps de pause. Son doigt indique des bâtiments plus avancés vers la mer. Là-bas, s’affirmera ce qu’indiquait un certain architecte.
Quatorze heures, Jean s’apprête à faire quelque chose d’inhabituel. D’habitude, le jeune homme quitte son poste de contrôleur à seize heures. Aujourd’hui, 30 avril, l’habitude change. Il a pris son sac. Il allait rentrer. Rien à surveiller, si ce ne sont trois maçons qui font des briques. Rien à surveiller dans ce désert de soleil, de vent et d’herbes mortes, qui donne l’aspect d’une ville abandonnée. Et, c’est abandonné. Du moins, Jean et les autres ont été contraints d’abandonner.
La Direction générale de la surveillance et du contrôle de l’occupation des sols (Dgcos), qui a «pour mission générale la prévention et la lutte contre les occupations et constructions irrégulières, ainsi que la gestion des contentieux y afférents», est passée par là. Selon Jean, Pierre avait raison. Atepa l’avait annoncé : arrêt des travaux.
De bruit, il n’y a que celui produit par les chantiers de l’Eiffage, le muezzin qui appelle au loin à la prière, le tout orchestré par un vent intermittent. Arrêt, immobilité ! Dessus trois immeubles qui devront attendre pour continuer leur progression vers les cieux, des grues. Aucune main pour les manipuler. Leur particulière immobilité dit l’immobilité d’un tout. Il n’y a plus ce bruit infernal caractéristique d’une zone en chantier auquel les oreilles de Jean avaient droit en temps normal. Jean écourta sa journée. Et Jean s’en alla…
Entre la Cité des enseignants de Mermoz et la mer, il n’y a que la route. Il n’y a que la route et des bâtiments. L’un d’eux a sa grue, comme on en voit un peu partout sur la Corniche. On n’y travaille pas. On y écoute de la musique. La date du 1er mai, qui est férié, y est peut-être pour quelque chose. Mais, 1er mai ou pas, nul n’allait travailler. Ici aussi, la Dgscos est venue. Les travaux sont suspendus. Fallou Mbodj, le gardien des lieux, confirme. Et même sans sa confirmation, la Dgscos a, par un tag laissé sur un des murs de ce chantier qui domine la mer, signé son passage.
En rouge, à la bombe, l’inscription qui signale : «Arrêt Dgscos… le 29/4/2024.» Il y a un 27 marqué sur le mur et entouré. Il y a aussi un numéro de téléphone : le «stylo» rouge qui corrige les fautes de construction le long des eaux ne se cache pas. Plus loin, vers l’université, au niveau de la plage dite de Mermoz, un bâtiment s’est déjà érigé devant d’autres, plus anciens. La vue qu’on pouvait avoir de l’horizon à partir des anciens bâtiments a sûrement perdu de sa qualité. Là aussi, lu rouge sur un mur, le chiffre 32 entouré.
Le 32 est perché bien haut, sur une montagne. Un coup d’œil sur la gauche, et on aperçoit quelque chose qui aurait été une fourmilière humaine, en jour normal de travail. Le camion qui traîne dans ce grand espace creusé semble presque petit.
Le fer tissé pour devenir le socle à des installations futures est presque invisible. A partir de l’avenue Houphouët Boigny, la longue grue bleue semble naine. Quelque chose de déjà construit et à moitié peint a émergé du creux qui fait face au bleu qui scintille sous le soleil… Qui sait, si ce n’est encore un chantier qui devra attendre la fin des mises au point sur le littoral pour s’achever. Ou pas…