La création d’une Direction des Affaires religieuses et l’Insertion des diplômés de l’Enseignement Arabe annoncée par le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a suscité beaucoup de réactions au Sénégal. Il faut dire que les régimes précédents ont aussi accordé une importance particulière à la gestion des affaires religieuses dans le cadre de la gouvernance nationale. Toutefois, chacun a géré à sa manière cette question.
Le Sénégal va se doter d’une Direction des Affaires religieuses logée à la Présidence. En Conseil des ministres du mercredi 17 avril dernier, le président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye en a fait l’annonce ainsi que l’Insertion des diplômés de l’enseignement arabe (composé du Bureau des affaires religieuses et du Bureau de l’insertion des diplômés de l’enseignement arabe). Le nouveau président vient ainsi satisfaire une vieille doléance des chefs religieux. Si certains saluent la décision en ce sens qu’elle permet de « promouvoir le dialogue interreligieux et l’inclusion sociale », d’autres, par contre, soulèvent moult préoccupations. Selon eux, cette démarche du président semble « indiquer une préférence non seulement pour une confession particulière, mais également pour une discipline d’enseignement spécifique, ce qui peut être perçu comme une rupture du principe d’égalité qui doit prévaloir dans un Etat laïc ». De leur point de vue, les affaires religieuses doivent relever des prérogatives du Ministère de l’Intérieur. Ils ont également émis des réserves sur le fait que la prise en charge de l’Insertion des diplômés arabes relèverait moins de la Direction des Affaires religieuses que du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Formation et du ministère du Travail. A les en croire une grande concentration des services au palais , cela pourrait être « les signes d’une hyper-présidence ».
Dans une contribution publiée dans Sud Quotidien du 20 avril 2024, le consultant en Droits humains, Denis Ndour, souligne qu’on ne doit pas faire «l’amalgame consistant à associer voire confondre la laïcité de la France à celle du Sénégal qui revêt une particularité unique au monde ». Tout de même, il posait des conditions avant la mise en œuvre de la décision du président de la République. Ainsi avait-il indiqué : « Le Président de la République devrait impérativement nous édifier sur la vision, la mission, et le cahier de charge de cette direction pour rassurer tous les Sénégalais musulmans, chrétiens, ou adeptes de religions traditionnelles en organisant une large concertation entre tous les acteurs religieux pour épiloguer positivement sur la question ».
En effet, les questions religieuses ont toujours occupé une place spéciale dans la gestion des différents présidents de la République. Macky Sall, prédécesseur de Bassirou Diomaye Diakhar Faye, avait ainsi créé une Inspection des daara au sein du ministère de l’Education nationale qu’il a par la suite transformée en Direction logée au sein du même ministère quelques semaines avant son départ, à l’issue de la deuxième édition de la Journée mondiale des daara qu’il a présidée à Diamniadio. Créée par un décret du 6 décembre 2023, cette Direction avait pour objectif de matérialiser « la volonté de l’État de faire de la modernisation des daara un levier d’inclusion et un socle primordial de valorisation du capital humain national », selon le communiqué du Conseil des ministres. Elle devrait ainsi dérouler un programme de renforcement de capacités des acteurs professionnels pour « donner des outils pédagogiques aux maîtres coraniques », avait indiqué Macky Sall.
L’ancien président de la République Abdoulaye Wade avait également nommé un ministre conseiller chargé des Affaires religieuses en la personne de Feu Mamadou Bamba Ndiaye, journaliste. C’était une première au Sénégal. Cette décision avait été prise dans un contexte de controverse entre le chef de l’Etat et des religieux, en rapport notamment avec la construction du monument de la Renaissance africaine. C’est dire à quel point la gestion des Affaires religieuses a toujours été au centre des préoccupations présidentielles, même si elle n’a jamais manqué de susciter interrogations, appréciations et critiques de la part des Sénégalais de tous bords.