Depuis le début de l’année, le cacao est la matière première dont les prix ont le plus augmenté sur le marché. Cette évolution affecte l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur mondiale de la fève et pourrait induire des changements importants pour l’industrie dans le futur.
La hausse des prix du cacao pourrait redonner à terme aux barres chocolatées leur rang de produits de luxe. C’est ce qu’a indiqué à l’Agence Ecofin, George Edward, consultant indépendant et fondateur de la firme Kleos Advisory, active sur les marchés des matières premières agricoles en Afrique.
Depuis le début de cette année, les prix du cacao ont grimpé de 143 % (+ 6 000 $) à New York franchissant le cap des 11 000 $ alors qu’à Londres, la tonne de cacao a déjà vu son prix plus que doubler depuis janvier dépassant les 8 000 livres par tonne. Ceci en raison des inquiétudes sur la production mondiale et la perspective d’un 3ème déficit consécutif en 2023/2024.
Selon le responsable, cette évolution du marché pourrait placer les différents acteurs devant des choix opérationnels et conduire à de nouvelles tendances du côté de la consommation. « Si la hausse des prix continue, le cacao sera à un moment trop cher pour l’industrie. Les acheteurs ne pourront plus simplement s’en procurer. On pourrait assister à une réduction de l’utilisation du cacao dans les tablettes de chocolat ou à une hausse des prix des produits chocolatés purs. Cela deviendra un produit de luxe », explique M. Edward.
Vers la fin d’une ère de l’abondance sur le marché du cacao ?
Plus largement, la flambée des prix sur le marché mondial pourrait marquer la fin d’une période faste pour la consommation du chocolat.
En effet, sur les deux dernières décennies, la phase d’expansion de la production tirée par le défrichement de la forêt tropicale et l’installation de nouvelles plantations avaient conduit à une offre élevée sur le marché mondial grâce à la Côte d’Ivoire où la récolte a franchi le cap des 2 millions de tonnes, soit 4 fois plus que dans les années 80.
Cette situation a profité aussi bien aux industriels qui ont pu avoir accès à une matière première peu chère et booster leurs marges de même qu’aux clients européens et américains qui ont pu accroître leurs consommations.
Dans ce sillage, les producteurs notamment en Côte d’Ivoire et au Ghana ont été parmi les grands oubliés. La faiblesse des prix garantis au regard de l’évolution du niveau de vie et de la hausse des prix des intrants depuis quelques années ont conduit à un sous-investissement dans des plantations vieillissantes et rendu les cacaoyers plus sensibles aux maladies comme le Swollen Shoot.
Avec les effets du changement climatique et la nouvelle réglementation de l’UE sur l’interdiction d’importation de produits liés à la déforestation devant être appliquée dès le début 2025, les perspectives de production pourraient être plus limitées à court terme.
Et si la hausse des prix actuels représente une incitation à l’investissement pour les planteurs du bassin cacaoyer ouest-africain (50 % des exportations mondiales), l’effet sur la production pourrait encore prendre du temps avant de se matérialiser.
« Les paramètres météorologiques changent et il y a eu par le passé un sous-investissement dans les plantations. Si vous voulez avoir un programme massif d’épandage et un processus efficace de replantation, cela pourrait vous prendre entre 5 et 10 ans pour retrouver la pleine production. Donc il n’y a pas de solutions magiques. La législation de l’Union européenne est un autre défi majeur qui s’annonce », indique M. Edward.