En Afrique de l’Ouest, la mangue est l’un des principaux fruits exportés avec la banane et l’ananas. Dans la sous-région, l’un des principaux défis à l’interne, pour les exportateurs, est la mouche des fruits dont les attaques nuisent à la qualité des produits écoulés sur le marché mondial.
Au Sénégal, les mesures prises pour lutter contre la mouche des fruits en 2023 ont eu des effets pervers sur les exportateurs de mangue. C’est ce qu’a indiqué Aminata Diouf, directrice générale du Domaine agricole de Nema, l’un des principaux acteurs de la filière.
Dans le cadre de la lutte contre le parasite, les autorités avaient notamment imposé une taxe de 15 Fcfa par kilogramme de fruits, dont 10 Fcfa supportés par les exportateurs et la partie restante par les producteurs. Selon Mme Diouf, la mesure appliquée à un mois du lancement de la campagne a perturbé les opérations sur le terrain et engendré des coûts supplémentaires pour les acteurs de la chaîne de valeur.
« Certains producteurs ont décidé de ne pas vendre leurs mangues aux exportateurs, mais de les vendre sur le marché local et d’autres ont vendu à perte pour ne pas perdre des clients parce que le marché sénégalais ne pouvait pas absorber toutes les mangues. Certains exportateurs qui avaient l’habitude d’exporter leurs mangues vers l’Europe se sont orientés vers d’autres produits, car ils ont perdu des contrats en raison de ladite taxe. Nous avions perdu 500 euros par conteneur pendant deux mois. C’est considérable », explique-t-elle.
Dans un contexte où sur le marché européen, principal débouché du Sénégal, les exportateurs doivent déjà faire face à une âpre concurrence avec plusieurs pays d’Amérique du Sud comme le Brésil et le Pérou, ce prélèvement est de nature à réduire la compétitivité des acteurs, selon la responsable.
« La mangue sénégalaise est bien appréciée sur le marché européen, mais elle n’arrive pas à suivre les autres offres en provenance notamment d’Israël, du Brésil ou de l’Espagne qui s’imposent radicalement en proposant plus de variété et des prix bas au cours de la saison. Notre principal défi est d’obtenir une suppression ou une révision de cette taxe avant le lancement de la nouvelle campagne 2024 d’exportation de mangues qui débutera en mai. Nous n’avons pas constaté de changement sur le terrain comparativement à 2022 ».
L’éradication de la mouche des fruits, une longue marche ?
Alors que sur le vieux continent, la consommation de mangues est dynamique depuis quelques années et offre des opportunités commerciales, la capacité du Sénégal à en tirer profit devrait dépendre des avancées dans la lutte contre le parasite afin de limiter les interceptions qui ont atteint un niveau record en 2022. Selon la responsable, il faudra encore du temps pour parvenir à une lutte efficace et un financement conséquent.
« Éradiquer la mouche des fruits sera difficile sur l’étendue du territoire, car certains agriculteurs ne sont pas rigoureux dans l’application des tâches. La DPV fait le maximum pour diminuer la population de la mouche des fruits en envoyant des inspecteurs phytosanitaires dans les vergers. Je pense que la fumigation et les systèmes d’immersion dans l’eau bouillante sont des solutions qu’on peut mettre en place comme ce qui se fait au Pérou, au Brésil ou au Mexique. Mais cela demande aussi un effort financier pour mettre en place cette technologie qui n’est pas encore à la portée de nombreux agriculteurs. Il faudrait un meilleur investissement privé grâce à l’accompagnement des banques et une meilleure implication des autorités ».
Pour rappel, la filière mangue au Sénégal fournit des emplois pour près de 20 000 personnes.