Personne ne sait ce qu’ils pensent de la situation politique du pays.
Ils ont décidé de rester au chaud dans leurs terriers. Quelques téméraires, d’entre eux, essaient de faire face.
Mais comment peuvent-ils convaincre si eux-mêmes ne sont pas assurés de la justesse de leurs positions et de la pertinence de leur raisonnement ?
Il en est certains qui, par opportunisme tardif la plupart, manifestent des signes timides de rébellion. L’ayant fréquenté et sachant de quoi il est capable, ils évitent de « réveiller le lion qui dort ».
L’adresse destinée aux opposants à l’occasion de l’inauguration du … vaut aussi pour les siens. Que tout le monde se le tienne pour dit : il a encore bon pied, bon œil.
Il n’a pas choisi ses hommes pour la finesse de leur discours, la profondeur de leur pensée ou leurs talents managériaux. Peu-t-on le lui reprocher ? Chacun place ses standards au niveau de ses exigences. Ce qu’ils savent faire, surtout, c’est rendre des services difficilement défendables. C’est leur façon d’exprimer leur loyauté à celui qui les a nommés.
Les débats techniques d’orientation, les échanges sur les politiques publiques, ce sera avec les partenaires techniques et financiers.
Pour nous, ils n’ont que l’injure à la bouche et le couteau entre les dents. Ils partent à l’assaut des impertinents qui ont le toupet de tenir des propos discordants. Ils ne se fixent aucune limite. Armes au poing et entourés de nervis bodybuildés, ils font la tournée des radios et des plateaux de télévision pour prêcher la bonne parole, celle qui offense, celle qui nous oppose et nous divise.
Leur violence appelle la violence. Ce n’est pas étonnant. Ils ont de qui tenir. Dans une forme de surenchère incompréhensible, ils promettent la géhenne aux opposants.
On ne peut pas leur demander de sauter plus loin que leur ombre. Ils n’ont pas cette ambition. Que d’irrationnalité, d’inculture et d’arrogance chez ces gens qui ont été surpris de se retrouver à un niveau de responsabilités dont ils n’ont jamais soupçonné l’existence.
Qu’ils n’en comprennent pas la complexité est tout à fait normal.
On ne développe pas un pays avec une horde de semi-instruits, cartouchards, irrationnels et incultes dont la ligne la plus significative du CV est de savoir exécuter, sans état d’âme, des instructions qu’ils savent, absolument, contraires à la loi et à la morale.
Pour bien se faire voir, ils poussent des milliers de sénégalais compétents, engagés et désintéressés à une forme d’exil intérieur.
Ils savant sous-traiter leurs missions à un troupeau d’insulteurs en divagation sur les réseaux sociaux. Ils oublient que cette violence appelle une autre violence en réaction.
Ceux qui prennent la parole savent le faire. Par formation, profession ou trajectoire personnelle, ils ont appris à s’adresser au public. Ils ont, aussi appris, à ne pas avoir d’état d’âmes.
En termes d’exigences morales, les juristes de la galaxie présidentielle sont en deçà de tout ce qu’on peut imaginer. Ils ont une forme de cynisme qui est inquiétante. Leur capacité à se dédire est impressionnante. Certains d’entre eux assument une telle inconstance et en tirent gloire. Comme s’il s’agissait d’un jeu. En traitant nos compatriotes comme quantité négligeable. De quoi sont-ils capables à l’abri des regards et hors de portée des oreilles indiscrètes ?
Ils ont fait beaucoup de mal à ce pays en justifiant l’injustifiable, en n’accordant aux textes qu’une valeur relative et en défendant tout et son contraire. Ce sont des faire-valoir. Ils le savent. L’acceptation de cette servilité chez des êtres aussi doués est difficilement explicable. Peut-être les honneurs du pouvoir.
Ils ont, à un moment donné, défendu de grandes causes : « osons l’avenir », « réformes déconsolidantes » et défense des droits de l’Homme.
Aujourd’hui, ce sont les forces occultes, le dialogue pour ne pas exécuter une décision de justice, la libération de prisonniers sans acte d’instruction…De la « haute couture » à tous les étages et dans tous les domaines en s’adjoignant de petites mains qui aident à faire le nombre dans les grands débats.
Qu’il y ait un débat contradictoire sur des questions politiques ou sociétales est salutaire pour la démocratie.
Que des intellectuels assument qu’ils ne sont pas attachés aux idées qu’ils défendent et qu’ils n’ont aucune gêne à infléchir leurs positions en fonction d’une commande politique est humiliant.
Nos hommes politiques ont cet art, rare, de produire ces monstres capables de théoriser toutes leurs monstruosités.
Les autres monstres, ceux qui ne doivent leur existence qu’en raison de liens familiaux, font pitié. Incapables de tenir un discours cohérent dans aucune des langues parlées dans notre pays et inaptes à faire face à l’obligation de reddition de compte dans la gestion des deniers publics qui leur ont été confiés, ils se cachent espérant que la tempête va passer et comptant sur papa et maman pour garder leurs privilèges.
A quoi servent-ils ? Ils ne savent même pas se défendre. Ils font, aussi, partie de ceux qui ont perdu le Président-putschiste. Ils n’ont pas été élus et n’ont jamais été déterminants dans quoi que ce soit. Ils doivent toute leur fortune à celui qu’ils vont lâcher à la première occasion. Sans lui, ils ne sont rien. Après lui, ils ne seront rien.
Peut-être sont-ils la source des inquiétudes du Président-putschiste ?
Ces hommes et femmes qui lui doivent tout et qui ne lui servent à rien sont sa garde rapprochée.
Dakar, vendredi 1er mars 2024
Prof Mary Teuw Niane