L’Afrique de l’Ouest héberge en grandes quantités des ressources extractives comme le gaz, le pétrole, l’or, l’uranium, le lithium, les phosphates, le fer, le manganèse, etc. Pour mieux profiter de ces richesses convoitées et se développer, les Etats discutent des possibilités de coopération.
Harmonisation et mutualisation. Ce sont les deux mots qui reviennent le plus dans les différentes interventions de ministres, experts et autres acteurs des secteurs extractifs présents à la 4e édition du Forum des Mines et du Pétrole de la CEDEAO en cours à Cotonou (Bénin). S’ils s’accordent sur la valeur ajoutée que peut créer la mise en œuvre des stratégies d’harmonisation et de mutualisation en Afrique de l’Ouest, les Etats ont encore plusieurs défis à relever.
Les enjeux de l’harmonisation et de la mutualisation
Selon le vice-ministre des Mines et des Ressources minérales de la Sierra Leone, Napoleon Umaru Koroma, il faut harmoniser les lois et politiques dans les secteurs extractifs pour favoriser le succès des différents efforts de création de valeur en Afrique de l’Ouest. Dans une session portant sur les cadres institutionnels et légaux à mettre en place, les mécanismes de partenariat et des stratégies de collaboration entre Etats membres de la CEDEAO, d’autres intervenants ont abondé en ce sens.
Il faut rappeler que la CEDEAO a élaboré plusieurs textes à ce propos, dont la directive portant sur l’harmonisation des principes directeurs et politiques du secteur minier de la zone économique en juillet 2009. Plus récemment, l’organisation a travaillé sur de nouveaux textes, y compris un projet de Code minier et pétrolier régional, ainsi qu’un projet de règlement communautaire sur l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, ainsi que la stratégie de sa mise en œuvre.
L’objectif déclaré de ces travaux qui s’inscrivent dans la lignée de plusieurs recommandations émises dans la Vision minière africaine adoptée par l’UA, est de « remédier aux grands déséquilibres entre les firmes étrangères et les Etats dans la répartition des ressources tirées de l’exploitation des ressources naturelles ».
L’autre axe de coopération évoqué à plusieurs reprises lors du Forum Ecomof 2024 porte sur la mutualisation des efforts pour créer de la valeur ajoutée dans les secteurs extractifs de tous les pays de la sous-région. « La mutualisation, c’est mettre des ressources ensemble pour atteindre un objectif. Si un pays a une mine et un autre a des compétences, les deux peuvent mutualiser leurs ressources pour obtenir des résultats » explique à l’Agence Ecofin, Bayaornibè Dabiré, Directeur de l’Energie et des Mines de la Commission de la CEDEAO.
« En unissant nos forces et en mutualisant nos ressources, nous pouvons libérer tout le potentiel de nos richesses naturelles et transformer nos économies pour le bien-être de nos populations » a déclaré dans son discours d’ouverture le ministre d’Etat chargé du Développement et de la Coordination de l’action gouvernementale, Abdoulaye Bio Tchané, qui indique que la mutualisation va améliorer la capacité de négociation des États et réduire les coûts d’exploitation grâce à des économies d’échelle.
Pour le ministre béninois de l’Energie, de l’Eau et Mines, il faut réfléchir et travailler à comment les pays ouest-africains qui n’exploitent pas encore certaines ressources minérales peuvent bénéficier de l’expérience de leurs voisins qui en exploitent.
Selon lui, les difficultés du Bénin, qui n’est pas encore reconnu comme une grande nation minière, sont un parfait exemple pour comprendre l’importance de la mutualisation. En effet, explique-t-il, il faut 6 à 7 mois au Bénin pour avoir les résultats de l’analyse d’échantillons miniers envoyés au Burkina et au Ghana. Pour réduire ce délai à 3 mois, il faut envoyer ces échantillons au Maroc. Si de bonnes stratégies de mutualisation sont mises en place, les pays ouest-africains peuvent être plus efficaces. « Seul on peut aller vite, mais ensemble on peut aller loin » a insisté le ministre.
Des défis à surmonter
Si la CEDEAO et ses pays membres semblent s’accorder sur les avantages d’une harmonisation des politiques extractives et de la mutualisation des efforts, il est légitime de se demander pourquoi la mise en œuvre des différents textes adoptés par la Communauté prend autant de temps. Comme l’a soulevé le ministre gambien du Pétrole et de l’Energie Adboulie Jobe, il faut encore transformer les cadres légaux et réglementaires en « quelque chose de pratique ».
Plusieurs experts présents à l’événement ont pointé du doigt une faible volonté politique. Pour d’autres, les divergences d’intérêts entre les Etats membres sont sous-estimées et peuvent constituer un facteur bloquant l’accélération des efforts.
Selon Jean-Baptiste Mawulé Dassekpo, professeur associé au Shenzhen Institute of Information Technology interrogé par Agence Ecofin à ce sujet, la CEDEAO est composée de pays qui disposent de ressources différentes (certains ont de l’or, d’autres ont du pétrole, d’autres des minéraux critiques ou des diamants) et en différentes quantités. Le fait que les enjeux autour de chacune de ces ressources soit différents peut d’une certaine manière être un frein à la concrétisation des processus de coopération.
Selon M. Dassekpo, s’il est vrai qu’il faut un cadre régional, ce cadre doit tenir compte des besoins et priorités de chaque pays. Même son de cloche chez M. Bayaornibè Dabiré, pour qui la mutualisation ne doit pas se faire au détriment de l’intérêt national et des besoins de chaque pays.