Avant même les discussions sur le fond, le mode d’adoption des résolutions divise les parties prenantes à l’élaboration d’un cadre de coopération fiscale internationale. L’Europe pousse pour la méthode du consensus qui a des limites, alors que le groupe africain et ses alliés privilégient le principe de la majorité simple.
Les travaux du comité ad-hoc chargé de définir les termes de référence pour l’élaboration d’un cadre de coopération fiscale internationale sous l’égide des Nations Unies ont débuté le 20 février 2024. D’emblée, une nette divergence de positions s’est manifestée entre les groupes africains et européens portant sur le contenu que sur le mode d’adoption des résolutions du document.
D’une part, plusieurs pays et blocs, notamment l’Union européenne, l’Espagne, Singapour, la Corée du Sud et le Japon, ont insisté pour un processus d’adoption par consensus. Cette méthode, défendue comme un gage d’harmonie, vise à prévenir les conflits potentiels liés à l’adoption de textes non consensuels. Ces acteurs ont également marqué leur volonté de s’appuyer sur les travaux antérieurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), afin de ne pas repartir de zéro.
D’autre part, des pays tels que le Nigeria, la Colombie, la Côte d’Ivoire et la Bolivie, représentant le bloc du Grand Sud, ont exprimé leur ouverture à l’adoption des textes par une majorité simple. Cette approche est considérée comme un moyen de progresser, même en l’absence d’un consensus total, particulièrement sur les sujets où un accord unanime semble hors de portée.
Cette divergence d’opinions n’est guère surprenante. Elle reflète deux visions distinctes de la coopération internationale en matière fiscale.
D’un côté, les blocs constitués par l’Union européenne et ses alliés privilégient une méthode conforme aux processus historiquement mis en œuvre par l’OCDE, bien que ces derniers aient suscité des controverses.
De l’autre, les pays du Grand Sud, soutenus par de nombreuses organisations de la société civile internationale, militent pour des discussions sous l’égide des Nations Unies, espérant ainsi une meilleure prise en compte des préoccupations des régions moins représentées.
Vu qu’il requiert l’unanimité, le consensus peut entraîner une lenteur dans les progrès et diluer les mesures adoptées.
Cependant, le principal défi de cette approche réside dans le risque d’une influence disproportionnée de certains pays au détriment d’une représentation équitable des intérêts de tous. A l’inverse, une adoption par la majorité simple, promue par les membres majoritairement issus du Grand Sud, pourrait faciliter l’adoption de mesures fiscales plus alignées sur les préoccupations de ces régions.
Cette divergence d’opinion souligne les défis auxquels sont confrontés les pays africains, fervents défenseurs de l’initiative de coopération fiscale au sein des Nations Unies. Malgré les propositions dites inclusives de l’OCDE, de nombreuses questions demeurent sans réponse, notamment en ce qui concerne la mobilisation des ressources domestiques suffisantes par ces pays, entravée par les pratiques d’optimisation et d’évasion fiscales permises par le système actuel.