Il a toujours soutenu qu’il ne pouvait pas faire moins que ses prédécesseurs. Il avait raison. Jamais souillure n’a été aussi profonde, imprévisible et traumatisante.
À posteriori, on se rend compte qu’il a tout prémédité.
Il n’a pas, seulement, trompé les sénégalais qui ont eu la faiblesse de penser qu’il n’allait jamais nous infliger l’opprobre d’un putsch. À l’évidence, même certains de ses proches n’ont pas vu venir cette calamité.
Qu’il y ait des complicités autour de lui, sans nul doute. Mais il a, des années durant, préparé, minutieusement, son maintien au pouvoir au-delà de février 2024.
Mais ce funeste dessein a été contrarié par un contexte et des circonstances qu’il n’était pas en mesure de vaincre. Mais l’arbre tombe toujours du côté où il penche. Il essaie de créer les conditions qui justifient, à ses seuls yeux incapables de voir la réalité qui lui fait face, une première prolongation de son mandat.
Quand il a voulu réduire la durée du mandat du Président de la République, il s’est référé au Conseil Constitutionnel qui lui a rappelé que « le pouvoir constituant entend rendre intangible (la durée du mandat) en le rangeant dans la catégorie des dispositions non susceptibles de révision ».
Quelques-uns de ses « couturiers » lui avaient, certainement, conseillé de recourir aux lumières des « sages » quand ils avaient compris qu’il ne souhaitait honorer cet engagement de campagne électorale même s’il soutenait, publiquement, que « Il faut qu’on comprenne, en Afrique aussi, qu’on est capable de donner la leçon, et que le pouvoir ce n’est pas une fin en soi » (sic).
Nombreux sont les sénégalais qui estimaient qu’il s’était dédit. Ils avaient raison. Pourquoi a-t-il choisi la voie législative cette fois-ci ? Juste parce qu’elle lui garantit d’obtenir ce qu’il veut : rester au pouvoir. Il avait les mêmes motivations quand il saisissait le Conseil Constitutionnel en février 2016 : ne pas renoncer aux deux années de mandat qu’il s’était engagé à ne pas effectuer.
Par la suite, tout a été fait pour supprimer et rendre inaudibles les discours dissidents : éviction du gouvernement de ceux qui pouvaient constituer une alternative et leur remplacement par une horde d’incompétents qui pensent tout devoir à celui qui les a nommés, promotion d’une lignée d’insulteurs qui ont réussi à imposer un exil intérieur aux dignes fils de ce pays qui ne demandent qu’à s’investir dans le développement de notre pays, embastillement des porteurs de projets alternatifs, utilisation des forces de défense et de sécurité ainsi que de la justice pour donner un semblant de légalité à la gestation d’un pouvoir qui n’invoque le droit que quand cela l’arrange.
On a des exemples d’interruption d’un processus électoral. A chaque fois, le pouvoir en place est conscient qu’il va perdre les élections, que même la mobilisation de l’administration et sa mise à contribution ne permettent pas d’infléchir cette prévision, que les multiplications de bureaux de vote mobiles ou fictifs ne vont pas altérer le résultat final.
Pour qu’il en arrive à risquer la condamnation, même timide, de la CEDEAO, le rappel à l’ordre de l’Amérique, le silence embrassé de son employeur, il doit risquer gros.
Je ne sais pas ce que c’est.
Nous en avons tous une idée plus ou moins vague.
Mais rien ne justifie cette injure faite au Sénégal.
Elle légitime toutes les résistances.
Dakar, jeudi 8 février 2024
Professeur Mary Teuw Niane