L’année 2024 s’annonce sous tensions pour l’huile de palme. Après 2 années consécutives sous le signe de la baisse, les cours de l’huile végétale la plus consommée au monde pourraient à nouveau grimper. Selon plusieurs analystes, la tonne de la matière première devrait se situer dans une fourchette comprise entre 4000 ringgits et 4400 ringgits (846 $ à 931 $) contre moyenne de 3260 ringgits entre 2018 et 2022. Voici quelques éléments qui pourraient orienter les marchés cette année.
El Nino et son impact sur la production
Le phénomène climatique El Niño qui s’est déjà traduit en 2023 par des conditions plus sèches en Asie, premier bassin de production d’huile de palme sera encore à surveiller cette année. D’après les prévisions, les précipitations inférieures à la moyenne devrait se poursuivre tout au long du semestre 2024 dans plusieurs zones dudit continent.
Selon Thomas Mielke, qui dirige la société de recherche Oil World, basée à Hambourg, la hausse de la demande et la croissance limitée de l’offre d’huile de palme pourrait conduire à un déficit mondial entre janvier et juin prochain.
De son côté, la Malaysian Palm Oil Board (MPOB), l’organisme de réglementation du secteur, reste prudente quant à l’impact du phénomène sur l’industrie locale. En septembre dernier, elle tablait sur une amélioration de la production en 2024 avec l’amélioration de la maturation des plantations et l’augmentation de la main d’œuvre qui devraient compenser les effets météorologiques défavorables. Au niveau des stocks, elle table cependant sur un recul à 1,95 million de tonnes d’ici la fin de cette année contre 2,29 millions de tonnes en 2023. Déjà à la fin du mois de novembre 2023, les réserves avaient chuté pour la première fois en 7 mois atteignant 2,42 millions de tonnes avec le recul important de la production liée au phénomène climatique.
En l’Indonésie, l’Association de l’huile de palme (GAPKI) prévoit déjà une chute de production par rapport à 2023 dans une proportion qui dépendra de l’intensité d’El Niño. L’année dernière, le pays s’attendait à une production en hausse d’un million de tonnes à 46,7 millions de tonnes.
Les biocarburants
En 2024, les politiques relatives aux biocarburants demeureront un important facteur sur le marché des huiles végétales. Déjà environ 15 % de la production mondiale d’huile végétale est transformée en biodiesel et les changements de régulation se répercutent sur l’ensemble du secteur.
En Indonésie, l’obligation d’incorporation de l’huile de palme dans le biodiesel à un mélange de 35% (mandat 35) appliquée depuis le 1er février 2023 devrait encore être en vigueur en 2024 soutenant la consommation intérieure et limitant les exportations sur le marché mondial. En 2023, l’industrie indonésienne des biocarburants avait indiqué que sa consommation d’huile de palme passerait de 9,6 millions de tonnes à 11,4 millions de tonnes d’huile de palme en raison de la mesure, soit 50 % de l’utilisation totale de l’oléagineux dans le pays.
Du côté du Brésil, le Conseil de la politique énergétique (CNPE) a décidé le 12 décembre dernier d’augmenter le mélange obligatoire de biodiesel dans le diesel à 13 % à partir d’avril 2024 contre 12 % actuellement.
Etant donné que dans le pays d’Amérique latine, environ 70 % du biodiesel du pays est produit à partir de soja transformé, cette décision pourrait réduire les exportations brésiliennes d’huile de soja, ce qui augmenterait la demande d’huile de palme.
La demande indienne et chinoise
Les marchés indiens et chinois qui pèsent pour le tiers des achats mondiaux seront aussi étroitement surveillés par les acteurs de l’industrie en 2024. En Inde, premier importateur mondial d’huiles végétales, le gouvernement a annoncé en décembre dernier, qu’il autoriserait l’importation d’huiles comestibles à des taux d’imposition inférieurs jusqu’en mars 2025. Cette décision qui vise à contenir la hausse de l’inflation alimentaire devrait profiter à l’huile de palme qui représente plus de 60 % des achats totaux d’huiles végétales du pays asiatique qui tournent autour de 14 millions de tonnes. Du côté de la Chine, la demande de soja sera observée avec intérêt. Dans l’empire du Milieu, le gouvernement a en effet entrepris en 2023, plusieurs actions pour abaisser la part des tourteaux de soja dans les rations alimentaires animales et réduire la dépendance vis-à-vis des importations à travers notamment l’accroissement de l’utilisation du pâturage pour les bovins et ovins. La baisse des achats de soja en Chine pour la transformation en tourteaux et donc en huile pourrait favoriser de l’autre côté, les importations d’huile de palme qui dépassent annuellement les 6 millions de tonnes.