Des plaques pour récupérer l’énergie solaire sur le toit de ses 23 stations à l’implantation de palmiers et fleurs, le BRT se tourne résolument vers une autre manière d’allier l’écologie à l’aménagement paysager urbain. Sur son passage, le visage de la ville de Guédiawaye s’est transfiguré au grand bonheur de ses habitants.
Lumière allumée. Spot puissant. Soft box en marche. Flash paralysant comme les feux d’une voiture en pleine pénombre. Pas de distraction. La scène multiplie les actions. L’appareil photo mitraille au rythme des changements de position d’une jeune femme aux mensurations parfaites. Nous ne sommes pas dans un des studios qui attirent les jeunes en manque de notoriété mais bien sur la voie principale que doit emprunter le Bus Rapid Transit (BRT) entre les stations Préfecture de Guédiawaye et Gueule Tapée. « Le cadre est devenu très joli. Le paysage a beaucoup évolué en bien. Les arrières plans extérieurs sont beaux. Et comme la photo est intimement liée aux arrières plans et autres décorations, nous avons choisi de venir faire un shooting photo dans ce cadre magnifique », explique Bamba, le responsable d’une équipe de tournage de cinq personnes.
Euphorique
Quelques pas plus loin, le crépitement du flash est remplacé par un autre fond sonore. Un petit mégaphone vrombit. « Qui peut me fournir la pitance ? Il sera récompensé par Dieu ». C’est une ritournelle. Inlassable. Assis sur l’emballage en plastique d’un sac de riz, un homme emmitouflé dans un châle blanc par-dessus un kaftan noir demande l’aumône sur l’autre voie faisant face du siège de Guédiawaye de Touba ca Kanam. La ritournelle finit par avoir l’effet du bruit des vagues sur une plage déserte. L’allée, cependant, ne désemplit pas. Une autre curiosité attire.
Stationné sur le bas-côté, un camion a une cargaison spéciale. Une grue fait des allers et retours. Elle vient pêcher dans le camion des palmiers de plus de trois mètres de hauteur pour les semer dans des trous sur les deux côtés des voies du BRT. Entre chaque palmier, il y a une dizaine de pieds de fleurs qui garnissent le paysage. C’est le royaume des bourgeonnants renaissants avec la rosée du soir d’un hiver sénégalais. Ce n’est point un oxymore mais plus une symphonie des couleurs ravivée par un éclairage bien pensé. La fraîcheur du soir combinée à ce cadre presque idyllique rend euphoriques les usagers de la voie. « Ce sont les Champs-Elysées de Guédiawaye », ose Martin, accompagné de son amoureuse, qui fait « une balade pour profiter de la vie ». Ils sont nombreux les couples, vieux ou jeunes à arpenter l’allée. Il y a du tout. De la tendre complicité. De timides approches pour les novices. De chaudes explications pour ceux aux sentiments fanés. Comme dirait Dominique de Villepin, « on peut être généreux dans la distribution ».
Amoureux transi
La nouvelle voie du Bus Rapide Transit n’est pas simplement parcourue par des amateurs d’amour transi. Elle est aussi le passage préféré des élèves. Comme ces cinq jeunes filles rencontrées un peu plus tôt dans la journée sur la partie haute du tronçon dédié au BRT à Guédiawaye. « Mes copines et moi habitons toutes à proximité de la voie du BRT. Elle nous permet d’aller et de revenir à notre école, près de l’arrêt Double Less en toute sécurité », confie Awa, élève de troisième à l’Institut Al Azhar de Golf Nord à Guédiawaye. Avec l’éclairage de part et d’autre des deux voies du BRT, la présence de policiers à presque toutes les stations, le sentiment de sécurité devient une réalité. C’est l’une des raisons qui pousse Mamy Fall, jeune trentenaire a en faire désormais son parcours quotidien en partant de Hamo 4. « Tous les jours, j’y fait 45 minutes de marche à pied. Comme j’ai une activité professionnelle, je ne peux pratiquer du sport qu’à la tombée de la nuit et ce cadre nous permet d’être rassuré à tout moment », détaille-t-elle avant de s’engouffrer dans l’espace dédié au BRT. D’autres essaient d’y accéder en traversant le passage piéton.
Une Peugeot 407 beige leur barre la route en ne cédant pas le passage. Le chauffeur indolent s’arrête en plein milieu du passage pourtant autorisé aux piétons. Ce qui provoque une réprimande verbale d’un des policiers postés devant l’entrée sud de la station Gueule Tapée. Fenêtre ouverte, le chauffeur se vexe de s’être fait taper sur les doigts en public. « Tu sais qui suis-je ? Je suis ton ancien. Je vais descendre et te mettre à l’amende, si tu me tiens encore ce genre de propos », tonne-t-il. Les policiers n’enveniment pas la situation. Par une pirouette verbale, la tension baisse. Le groupe de piétons traverse et prend possession de la voie du BRT pour en bénéficier comme de nombreux autres riverains. Ici, c’est chacun sa destinée, chacun son parcours. Seulement, profiter des résultats de ce bel aménagement paysager reste la principale cible pour tout le monde.
Moussa DIOP