L’Afrique fait face à un déficit d’infrastructure majeur, avec un besoin de financement annuel estimé entre 68 et 108 milliards de dollars. Si les analystes ont soulevé la question comme un obstacle majeur au développement économique du continent, les efforts se multiplient pour réduire ce gap.
La problématique du développement d’infrastructures durables a été longuement discutée cette semaine au cours des Market Days 2023 de l’AIF à Marrakech. En prélude à un panel consacré aux corridors régionaux, le président de la BAD a exhorté les différents acteurs à travailler ensemble pour trouver des solutions au problème et favoriser une intégration accrue du continent afin de le rendre plus compétitif.
Au-delà des échanges, la rencontre a été le théâtre de plusieurs annonces marquantes en matière de développement des infrastructures. Ainsi, le Fonds Mohammed VI pour l’investissement (FM6I) a signé avec la Banque européenne d’investissement (BEI) une lettre de mandat pour obtenir auprès de cette dernière un financement de 500 millions d’euros. Les fonds seront, apprend-on, alloués à des projets d’infrastructure, à l’introduction de mécanismes de financement innovants pour soutenir les entreprises marocaines, et au renforcement des activités du FM6I en matière de capital-investissement et de capital-risque.
Toujours au cours du forum, Sédiko Douka, le Commissaire chargé des infrastructures, de l’énergie et de la digitalisation de la CEDEAO, a déclaré qu’un total de 43 millions de dollars avait été mobilisé pour les travaux préparatoires du projet d’autoroute Lagos-Abidjan, auprès de la BAD et d’autres partenaires. Il a indiqué que l’étude de faisabilité du projet est terminée. Notons que ce projet d’autoroute est censé relier le Nigeria, le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire, et avait suscité des intérêts d’investissement de 15,2 milliards de dollars lors de l’AIF 2022.
Entre autres déclarations marquantes à cette rencontre à Marrakech, le président de la BAD a indiqué que son institution a alloué un total de 44 milliards $ au développement d’infrastructures en Afrique sur les 7 dernières années. La somme a permis de financer 25 corridors de transport, construire plus de 18 000 kilomètres de routes, 27 postes frontaliers et 16 ponts. Les projets d’infrastructures soutenus par la BAD comprennent le corridor Mozambique-Beira, le pont de Kazungula, le projet ferroviaire et portuaire Nacala, le pont Sénégambie ou encore le corridor de Lobito, l’initiative Desert-to-Power, etc.
Des besoins encore colossaux
Malgré les différents efforts consentis ces dernières années pour réduire le déficit de financement des infrastructures en Afrique, le gap reste encore important. Aux Market Days 2023 à Marrakech, Julius Maada Bio, président de la Sierra Leone, a reconnu que le continent est encore confronté à un sérieux déficit d’infrastructure et que ce déficit agit comme un obstacle entravant sa capacité à transformer son économie. Et plusieurs rapports corroborent les dires du président sierra-léonais.
Selon la Banque mondiale par exemple, le coût des dépenses consacrées à des infrastructures durables par les pays en développement devrait se chiffrer à 4,5 % de leur PIB. « Les pays en développement auront en outre besoin de 2400 milliards de dollars par an au cours des sept prochaines années ne serait-ce que pour faire face aux coûts climatiques, aux conflits et aux pandémies », écrit l’organisation, indiquant que même dans les circonstances les plus favorables, aucune entité ne peut à elle seule réunir de tels montants. D’après un autre rapport disponible sur Ecofin Pro, la plateforme de l’Agence Ecofin réservée aux professionnels, l’investissement nécessaire au développement des infrastructures sur le continent est estimé à une fourchette de 130 à 170 milliards de dollars par an. De ce total, le déficit de financement serait de l’ordre de 68 à 108 milliards de dollars par an.
Par ailleurs, un rapport publié cette semaine par la BAD indique que l’Afrique fait face à un déficit majeur en infrastructures routières, avec seulement 43 % de la population ayant accès à des routes praticables en toutes saisons. Seulement 53 % des routes du continent sont goudronnées, ce qui isole les populations des services de base et des opportunités économiques.
Compte tenu de l’importance des infrastructures productives dans les domaines de l’électricité, de l’eau et des transports pour le développement économique de l’Afrique et la réduction de la pauvreté sur le continent, l’ampleur des travaux restants est encore énorme reconnaissent les différents dirigeants, décideurs et acteurs économiques du continent.