Le projet de loi de finances 2024 est projeté à 7 003,6 milliards de FCfa (un record) pour une croissance de 9,2%. Entre autres priorités, le Gouvernement compte renforcer sa souveraineté budgétaire et ainsi atteindre un taux de pression fiscale de 19,4%. Une stratégie portée par plusieurs politiques et réformes visant à « taxer mieux plutôt que (de) taxer plus ».
Avec un budget projeté à 7 003,6 milliards de FCfa, le Sénégal ambitionne d’atteindre un taux de croissance du Pib de 9,2% en 2024. Pour cela, le Gouvernement se fixe comme objectif le renforcement de la souveraineté budgétaire. Autrement dit, améliorer la mobilisation des recettes. Au sein de l’espace Uemoa, le taux de pression fiscale est en moyenne de 13,8%.
Avec 18%, le Sénégal reste, à ce jour, le meilleur élève, suivi du Burkina Faso. Malgré ses résultats, le Gouvernement ne compte pas en rester là. En 2024, ce taux devrait passer à 19,4%. Ainsi, il serait très proche de l’objectif communautaire qui est fixé à 20%. Cette ambition vise également une plus grande souveraineté budgétaire pour résister aux chocs exogènes. « Face aux politiques de resserrement des crédits et à la baisse de l’aide publique au développement, il devient impératif pour l’État de renforcer sa souveraineté budgétaire à travers une mobilisation plus accrue des ressources internes », précise le projet de loi de finances 2024. Cette politique repose sur la Stratégie de Recettes à Moyen Terme (Srmt), arrimée aux objectifs de la politique économique.
Elle fédère et coordonne les actions de la Direction générale des Douanes (Dgd), de la Direction générale des Impôts et des Domaines (Did) et de la Direction générale de la Comptabilité publique et du Trésor (Dgcpt), pour une mobilisation efficiente des ressources publiques. D’après les projections, sur la période 2024-2026, les recettes devraient maintenir une tendance haussière, avec un taux moyen de progression de 20,5%. Cette forte hausse résulterait des efforts en termes d’extension et de sécurisation de l’assiette fiscale, de la réduction drastique des dépenses fiscales sans portée sociale, de la rationalisation des exonérations de Tva, de la poursuite de la modernisation des services (interconnexion et e-services) mais aussi des retombées, à compter de 2024, de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières. Le Sénégal mise également sur d’autres leviers.
Notamment, la mise en œuvre de la Tva sur les prestations de services numériques. Par exemple, les opérations de ventes en ligne de biens et de services via des plateformes numériques connaissent un essor évident au Sénégal.
Ainsi, de nouvelles règles fiscales sont établies pour assurer l’imposition effective à la Tva des livraisons de biens et prestations de services immatérielles réalisées au profit d’un particulier non assujetti, établi au Sénégal à partir de l’étranger et ce, au moyen d’un réseau informatique et/ou électronique. La mise en œuvre de ces règles, prévue au plus tard au mois de janvier 2024, permettra une « hausse sensible des recettes ». Il s’agira également, pour le Sénégal, d’avoir une procédure simplifiée d’immatriculation fiscale à distance, ainsi qu’une procédure simplifiée de télédéclaration et de télépaiement de la Tva exigible, pour les opérateurs de plateformes ne disposant pas d’installations professionnelles sur le territoire sénégalais.
Fort de cela, il est prévu une augmentation de 693,3 milliards de FCfa des recettes fiscales entre 2023 et 2024. Une performance à portée de main, selon le Gouvernement, puisque le Sénégal devrait enregistrer le taux de croissance le plus élevé de son histoire en 2024 (9,2%). « Quand une économie fait un tel bond, les retombées fiscales, mais aussi douanières (car celui-ci induit une embellie de la consommation), sont forcément importantes, pour peu que les administrations chargées de la collecte soient bien préparées », souligne la Lfi 2024.
La dette toujours « viable et soutenable »
Selon la Lfi 2024, la maîtrise de la dette demeure une forte préoccupation. L’amortissement de la dette est estimé à 1 248,21 milliards de FCfa en 2024. Globalement, souligne le document, la dette publique reste « viable et soutenable ». Malgré cela, au niveau local, la stratégie est orientée vers une réduction progressive du recours aux bons de Trésor et l’allongement de la maturité des obligations permettant d’améliorer le profil de remboursement de la dette. Ainsi, concernant la dette extérieure, les axes de la politique sont la recherche et le recours en priorité aux financements concessionnels, notamment les emprunts multilatéraux hautement concessionnels, afin de réduire les risques de refinancement et de taux d’intérêt ; la diversification de la base des créanciers, en ayant recours aux bailleurs non traditionnels pour le financement des projets politiquement réalistes et économiquement rentables.
Ainsi, ces stratégies combinées aux impacts de l’exploitation des hydrocarbures permettront de passer à un ratio d’endettement par rapport au Pib de 60% en 2029. « À partir de 2024, notre pays va renouer avec des taux de croissance élevés, ces nouvelles marges de manœuvre budgétaire vont nous permettre d’amorcer une stratégie de désendettement. Le ratio Dette de l’administration centrale/Pib devrait ainsi passer de 67% en 2024 à 60,2% en 2029 », prévoit le document.
Renforcement des secteurs à fort potentiel
En 2024, le Sénégal compte renforcer les mesures visant la promotion des secteurs à fort potentiel. Il s’agit de l’agriculture, du tourisme, de l’économie numérique et l’économie du savoir, dont l’enseignement technique et la formation professionnelle, la poursuite des grands chantiers visant à combler le déficit infrastructurel du pays et la promotion du secteur industriel sélectif. Dans ce cadre, la politique budgétaire de l’État privilégiera l’accroissement soutenu des recettes, le choix des projets d’investissement structurants, ainsi que la rationalisation des dépenses improductives.
En outre, la politique budgétaire au titre de la période 2023-2025 reste également sensible au genre, au climat, à l’approche sécuritaire, à la consolidation du volet social de l’action publique (mise à échelle des mesures sociales existantes en tout domaine, densification et extension des filets sociaux, à l’amélioration de l’accès aux soins de santé), à la poursuite de la mise en œuvre de la réforme de l’administration territoriale et au renforcement de l’État de droit et de la paix.
Cette politique, souligne le document, sera menée dans une perspective de maintien de la trajectoire de consolidation budgétaire. Ainsi, le déficit budgétaire devrait baisser d’un point de pourcentage en un an en passant de 4,9% du Pib en 2023 à 3,9% du Pib en 2024 ; ce qui permettrait de retrouver le seuil communautaire de 3%, dès 2025. Les priorités seront également le maillage du territoire en routes, autoroutes, pistes et autoponts ; la relance du transport collectif et de masse, à travers des projets innovants et structurants ; la diversification de l’offre de transport ; le maintien des services aériens régionaux essentiels. Sans oublier la relance du transport ferroviaire et maritime pour améliorer le fret.
Un bilan social « appréciable et amélioré »
Le projet de loi de finances 2024 revient également sur plusieurs politiques économiques et sociales. Parmi elles, la Couverture maladie universelle. Lancé en 2015, le programme a, selon le document, permis de relever le taux de couverture de l’assurance maladie de 20% à 75%. Du côté de l’offre, les ressources internes ont été mobilisées à hauteur de 118,463 milliards de FCfa, permettant de toucher 3,9 millions de personnes dont 106 964 femmes ayant bénéficié d’une prise en charge gratuite de la césarienne. Instauré en 2013 pour soutenir les familles défavorisées, le programme des bourses familiales a bénéficié, jusqu’en 2023, d’une dotation budgétaire de 164,025 milliards de FCfa, permettant de faire bénéficier, à 316 941 ménages, d’une bourse de 25 000 FCfa/trimestre, (montant qui est passé à 35 000 FCfa en 2023) pour renforcer leurs moyens d’existence, de même que les capacités éducatives et productives de leurs enfants. Pour ce qui est de l’équité sociale et l’efficacité du système de santé, elles ont été largement améliorées, spécialement, à travers le recrutement important de professionnels de la santé et la mise en service de nouvelles structures. Ainsi, 300 postes de santé, 18 centres de santé, 21 centres de dialyse et 9 nouveaux hôpitaux ont été mis en service entre 2012 et 2023. « Grâce à ces investissements, le secteur a connu une augmentation de sa capacité litière et permis l’ouverture de services spécialisés jusque-là inexistants dans certaines zones, depuis l’Indépendance », mentionne le document.
Augmentation « sans précédent » de la masse salariale
Selon le projet de loi de finances 2024, la masse salariale dans l’Administration publique a connu un accroissement sans précédent, passant de 428 milliards de FCfa en 2012 pour s’établir à 1 273 milliards de FCfa en 2023. Dans le même temps, les effectifs sont passés de 95 779 en 2012 à 171 634 en 2023, soit un accroissement net de 75 855, sur la même période. Cette forte augmentation des effectifs traduit le recrutement en masse des jeunes dans la fonction publique. « Non seulement, les recrutements nets ont plus que doublé par rapport à la période précédente (2,8 fois plus), mais les agents de l’État (fonctionnaires et non-fonctionnaires) sont aujourd’hui beaucoup mieux payés qu’avant. « En effet, les augmentations de salaires ont porté essentiellement sur la création ou la revalorisation des primes et indemnités, dont le montant est passé de 149 milliards de FCfa en 2012 à 461 milliards de FCfa à fin 2022 », souligne le document. Il s’agit d’un choix « volontariste de lutter contre l’érosion » du pouvoir d’achat des agents qui traduit une certaine fibre sociale, pour que la redistribution des fruits de la croissance passe aussi par l’amélioration des conditions de rémunération des agents publics. Les retraités ont également vu leurs pensions nettement améliorées, de même que les titulaires de pension d’invalidité. Ainsi, le montant annuel de pensions est passé de 90 milliards de FCfa en 2012 à plus de 117 milliards de FCfa en 2022 pour des effectifs respectifs de 67 000 pensionnés et de 73 000 pensionnés. Dans la même dynamique, les dépenses de pensions d’invalidité sont passées de 7 milliards de FCfa pour 8 000 bénéficiaires en 2019 à près de 9 milliards de FCfa pour 9 000 bénéficiaires en 2022.
SUBVENTION DES PRODUCTIONS
750 milliards de FCfa pour le secteur de l’énergie
La bataille contre la vie chère a été payée au prix fort sur le plan budgétaire, afin de favoriser le bien-être des populations, selon le projet de loi de finances. Les subventions allouées au secteur de l’énergie ont atteint 750 milliards de FCfa en 2022, soit 4,4% du Pib, et près de 556 milliards de FCfa en 2023. S’agissant de la stabilisation des prix des produits de grande consommation des ménages (blé, huile, sucre, riz et maïs), elle a coûté un montant global de 157 milliards de FCfa en 2022 et près de 103 milliards de FCfa en 2023.
« Avec le Soleil »