C’est avec beaucoup d’amertume que je constate les départs en masse de nos frères et sœurs vers les pays d’émigration ces dernières semaines. Les uns empruntent la mer pour rejoindre l’Europe via les embarcations de fortune, les autres les airs pour rallier l’Amérique via ce qui semble être devenu le nouvel eldorado des jeunes africains, le Nicaragua.
Au détour d’un récent voyage à l’étranger, j’ai été effaré de croiser à l’aéroport des centaines de jeunes sénégalais en route vers cette dernière destination. La plupart sont des ouvriers qualifiés. Ils ont un métier. Ils ont un savoir-faire. Certains parmi eux sont diplômés des universités ou établissements d’enseignement supérieur privés.
Mais, faute d’insertion, ils se sont résolus à ranger leurs diplômes dans les tiroirs et à tenter l’aventure ailleurs. Tous ont en commun l’envie de réussir et d’aider leurs familles. Ils ont également en commun d’avoir perdu espoir et confiance en leur pays. Ils ont le sentiment de ne plus vivre en sécurité. Ils n’ont plus confiance en la justice. Ils ne croient plus à l’égalité des citoyens devant la loi. Ils n’ont plus foi en l’équité et en la neutralité républicaine.
Ils se sentent trahis. Ils se considèrent, par la force des choses, inutiles à leur pays et à leurs communautés. Après l’indignation, cette jeunesse a visiblement choisi la résignation. Résignation face au chômage endémique, voire systémique qui la frappe. Résignation face à la perception d’une politisation des programmes d’emplois des jeunes.
Résignation face aux difficultés de manger à sa faim, d’accéder à un toit et de se soigner convenablement. Résignation face à certaines pratiques de corruption, de détournement de deniers publics et de prédation foncière.
Résignation face au sentiment d’une justice à deux vitesses. Résignation face au sentiment que notre pays a perdu plusieurs pans de sa souveraineté, y compris sur ses propres ressources naturelles. L’espoir faisant vivre, nos jeunes partent à la recherche de lendemains meilleurs, emportant avec eux leur compétence, leur générosité et leur vitalité.
Pour certains, il n’est pas question de revenir un jour. Ils partent maintenant, et chercheront à se faire rejoindre par leurs familles plus tard. Devons-nous les blâmer alors qu’ils partent malgré eux ? Devons-nous leur reprocher l’envie de réussir à tout prix après tant d’échecs et d’attentes insatisfaites dans leur propre pays ? Devons-nous leur en vouloir d’avoir décidé de se rendre utile à leur société, même si c’est au péril de leurs vies ?
A l’épreuve de la réalité quotidienne de ces jeunes, critiquer serait pure indécence ! En lieu et place, il est urgent de tout faire pour les retenir et renverser la tendance avant qu’il ne soit trop tard. Nous pouvons y arriver si notre pays choisit d’opérer des ruptures profondes et audacieuses autour du triptyque Vision, Leadership et Méthode.
S’agissant de l’aspect vision, il importe de noter qu’au cours des vingt-quatre dernières années, notre pays a considérablement investi dans les infrastructures, sous l’égide des Présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall. Il a été doté d’importantes infrastructures routières et autoroutières, de ponts, d’aéroports, et de stades etc.
Cependant, cette évolution ne s’est pas accompagnée d’une amélioration significative des conditions de vie de nos populations qui peinent à trouver un emploi, à faire face à la vie chère, à accéder à un logement, à se soigner convenablement et à vivre en parfaite sécurité. Nous devons opérer une rupture audacieuse. Il s’agit de mettre en avant une vision humaniste de notre société, une Vision Vers le Renouveau (VI.V.RE), sous-tendue par une affectation prioritaire des dépenses publiques à la satisfaction des besoins essentiels de l’Homme sénégalais à chaque étape de sa vie.
Sur l’aspect leadership, nous devons rompre avec le mythe de l’homme providentiel et comprendre définitivement qu’un seul individu, fusse-t-il le Président de la République, ne parviendra jamais, tout seul, à régler les problèmes du Sénégal.
C’est par le leadership partagé, la complémentarité des volontés et compétences, et l’équilibre des pouvoirs que nous atteindrons les plus grands impacts. En la matière, les travaux des Assises Nationales nous ont indiqué les chemins adéquats à emprunter. La réduction des pouvoirs du président de la république est devenue plus qu’une nécessité, au même titre que la réduction des pouvoirs de l’exécutif central au profit d’une décentralisation intégrale qui aura l’avantage de permettre aux collectivités territoriales de jouir d’une pleine autonomie d’action, y compris financière, et donc d’accélérer le développement du Sénégal à partir des territoires.
Enfin, sur l’aspect méthode, nous devons arriver à concevoir un modèle de développement pour le Sénégal à partir duquel toutes nos politiques publiques majeures seraient formulées. La création d’un tel modèle adapté à nos aspirations et réalités permettrait, à titre d’exemple, d’opérer le meilleur choix entre un régime parlementaire, présidentiel ou une combinaison des deux, entre une politique économique intravertie ou extravertie, entre l’option d’exportation totale ou partielle de nos ressources naturelles (gaz, pétrole, ressources agricoles etc.) ou leur affectation exclusive au développement du secteur productif interne, en vue notamment de la réduction des prix des denrées et coûts énergétiques.
Toujours sur le chapitre de la méthode, nous devons rompre avec les approches descendantes dites ‘top-down’, et privilégier celles ascendantes ou ‘bottom-up’. Nombre de nos politiques publiques échouent parce qu’elles sont imposées ou contrôlées d’en haut et non co-construites avec les populations à la base. Prenons l’exemple des intrants agricoles.
Malgré l’important budget qui leur est alloué par l’Etat du Sénégal, les populations rurales continuent de se plaindre de leur indisponibilité ou de leur mauvaise qualité. Cette situation pourrait être imputable au système de distribution opaque, qui fait transiter ces intrants par de nombreux leviers intermédiaires avant d’atteindre la base.
En conséquence, celle-ci en reçoit peu ou de mauvaise qualité. La situation aurait été différente si l’organisation de la distribution était laissée entre les mains des agriculteurs. L’élection présidentielle de février 2024 constitue un tournant décisif pour notre pays et pour sa vibrante jeunesse. Nous n’avons pas le droit à l’erreur.
Nous devons faire de ce scrutin un moment de convergence entre une vision et des aspirations, un point de départ pour mettre en œuvre de nouvelles méthodes, et enfin une rencontre entre le peuple et un leadership (et non plus avec un homme).
Ce leadership nouveau ne saurait être incarné par une seule personne, mais par une alliance reflétant une somme de compétences, d’esprits créatifs et d’acteurs du changement pour façonner ensemble l’avenir que nous désirons. Cet avenir, c’est celui où chaque sénégalais exerce son droit de VIVRE dans la dignité, l’honneur, la paix et la prospérité.
Ainsi, à l’orée de cette échéance cruciale pour le devenir de notre nation, je lance un appel à rejoindre la Coalition DUNDU, coalition qui se veut la plus large possible et représentative du Sénégal dans toute sa diversité, afin de redonner espoir à nos jeunes frères et sœurs et à toutes les populations vulnérables du Sénégal.
Nous pouvons y arriver, si nous y allons ensemble ! Pour ma part, Bokk Naa !