Le rapport souligne que le faible taux d’électrification dans la région ne découle pas essentiellement d’un déficit de production, mais plutôt des défaillances des réseaux de transport et de distribution liées au manque d’investissements dans de nouveaux projets et au mauvais entretien des infrastructures existantes.
Les multiples défaillances des réseaux de transport et de distribution d’électricité en Afrique de l’Ouest contrarient les efforts déployés par les Etats pour augmenter le taux d’électrification dans la région, selon un rapport publié le 26 septembre par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels.
Intitulé « En Afrique de l’Ouest, la faiblesse du réseau de transport plombe la production électrique », le rapport rappelle que l’Afrique de l’Ouest affiche un taux d’électrification d’un peu plus de 52%, soit l’un des taux les plus faibles du monde.
Elle est également l’une des régions les plus affectées par les délestages électriques à l’échelle planétaire. Les coupures de courant électrique peuvent y atteindre 80 heures par mois, affectant les performances des entreprises et l’ensemble de l’activité économique.
La région a aussi l’un des prix d’achat de l’électricité les plus élevés du monde. La Banque mondiale indiquait en 2018, que le kilowattheure y coûte en moyenne 0,25 dollar, soit deux fois plus cher que le coût moyen d’achat d’électricité dans le monde.
Les efforts déployés par les Etats pour favoriser un accès faible et abordable à l’électricité pour l’ensemble des populations se heurtent cependant aux défaillances générales du système de transport et de distribution. Même les pays de la région qui arrivent à produire davantage d’électricité ne peuvent pas la distribuer de manière adéquate, faute de réseaux capables d’absorber la charge supplémentaire. Au Nigeria par exemple, la capacité électrique installée est de 13000 MW, un niveau qui dépasse la capacité installée combinée de tous les autres pays de la région. Pourtant, la capacité électrique effective disponible sur le réseau nigérian n’est que de 5500 MW, ce qui représente un niveau largement inférieur à la demande.
Manque d’investissements
Ce décalage trouve son origine dans les contraintes liées aux faibles capacités de transmission et de distribution et à l’état désuet des infrastructures. Actuellement, 43 % de la population nigériane, soit environ 85 millions de personnes, n’a pas accès à l’électricité, ce qui pousse les particuliers et les entreprises à se tourner vers les générateurs électriques qui produisent au total huit fois la capacité de l’ensemble du réseau électrique du pays.
Concrètement, le manque de fiabilité du réseau électrique se traduit par des dépenses annuelles de 29 milliards de dollars pour les entreprises nigérianes, soit plus de 5 % du PIB du pays.
Le même problème se pose au Ghana, où la surcapacité de production d’électricité combinée à l’insuffisance des réseaux de distribution engendre une perte annuelle estimée à plus de 1,2 milliard de dollars, soit environ 2 % du PIB.
Le rapport élaboré par notre confrère Olivier de Souza souligne que la faiblesse des réseaux de transport et de distribution d’électricité en Afrique de l’Ouest s’explique essentiellement par le manque d’investissement dans ce segment du marché. En Afrique subsaharienne, les investissements privés orientés vers des projets de transport d’électricité au cours de la période 2010-2020 se sont limités à 0,3% du total des investissements dans les infrastructures électriques dans la région. Le manque d’investissement est encore plus criant en Afrique de l’Ouest, où les investissements privés dans le transport de l’électricité sont quasi-inexistants.
Les investissements publics dans ce domaine demeurent aussi faibles, en raison notamment des capacités financières limitées des Etats.
La Banque mondiale estime d’ailleurs que 345 milliards de dollars seront nécessaires d’ici 2040 uniquement pour couvrir les besoins en transport et en distribution d’électricité en Afrique subsaharienne. L’Afrique de l’Ouest devrait compter pour plus de 30 % de ces besoins en financements.
L’autre cause majeure de la défaillance des réseaux de transport et de distribution d’électricité en Afrique de l’Ouest réside dans le mauvais entretien des infrastructures. Plusieurs facteurs expliquent cette situation, dont les ressources financières limitées des compagnies d’électricité, la gestion inefficace, les priorités concurrentes en matière de développement et les conditions climatiques (tempêtes, vents forts, pluies torrentielles, etc.).
La solution WAPP
Le rapport indique toutefois que les pays de la région ont mis en place en 1999, le Système d’échange d’énergie électrique ouest africain (WAPP/ West African Power Pool) pour tenter de résoudre les difficultés rencontrées dans la connexion de leurs populations aux réseaux de distribution électrique. L’objectif de ce système est d’interconnecter les réseaux électriques des 14 pays membres de la CEDEAO, sauf le Cap-Vert, et de gérer le marché unifié régional ainsi créé.
L’interconnexion repose sur une infrastructure complexe comprenant des lignes de transmission à haute tension, des postes de transformation et des centres de coordination régionaux. Ces éléments fonctionnent en synergie pour permettre le transport de l’électricité sur de longues distances, assurer l’équilibre entre l’offre et la demande, et faciliter le commerce transfrontalier de l’électricité.
Malgré ses nombreux succès, le WAPP fait face à des défis importants qui incluent la nécessité de renforcer les infrastructures de transmission et de distribution, d’améliorer la coordination entre les pays membres, de résoudre les problèmes de réglementation et de gouvernance, et de mobiliser les investissements nécessaires pour développer et entretenir le réseau. Et c’est pour cette raison d’ailleurs que le rapport recommande à l’ensemble des Etats de la région d’adopter des stratégies nationales d’amélioration des infrastructures de transport et de distribution d’électricité pour donner un nouveau coup de pouce au processus d’intégration énergétique régionale.