Avec des engagements nets cumulés de 3,69 milliards de dollars depuis sa création, la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC) s’affirme comme un acteur majeur du développement en Afrique de l’Ouest. De l’énergie aux infrastructures routières, en passant par des projets sociaux, que finance-t-elle concrètement ?
Le 5 juin 2022, la BIDC réussissait à lever 120 milliards de francs CFA sur le marché de l’UEMOA, signant ainsi la levée de fonds la plus importante jamais réalisée par une entité non-souveraine sur ce marché financier. Le 12 octobre de la même année, le conseil d’administration de la banque valide un financement de 250 millions de dollars, destiné à des projets dans les secteurs du pétrole et du gaz, de l’énergie, des infrastructures routières et de l’agriculture, dans cinq Etats membres de la CEDEAO : Burkina Faso, Ghana, Nigeria, Sénégal et Sierra Leone. Entre le 12 octobre et aujourd’hui (21 septembre 2023), plusieurs autres financements – dont les derniers en date en Côte d’Ivoire et au Ghana – ont également été injectés par la banque pour soutenir l’activité économique dans la sous-région. Fort de son ambitieux plan stratégique 2021-2025, et préoccupée par la demande croissante de financement du développement au sein de la CEDEAO, la banque a procédé en 2022 à une augmentation de son capital autorisé. Cette activité intense est en réalité caractéristique de la BIDC, une banque discrète qui semble habituée à un tel rythme d’opérations.
Issue de la transformation en 1999 de l’ex-Fonds de Coopération, de Compensation et de Développement de la CEDEAO créé en 1975, la BIDC a porté ses engagements nets cumulés de 162,5 millions de dollars en janvier 2004 à 3,69 milliards de dollars au 31 décembre 2022, soit une croissance des engagements nets cumulés de plus de 2000 pour cent. Ces engagements ont soutenu plus de 294 projets orientés vers différents domaines d’interventions à travers la sous-région. Il est important de souligner que nonobstant l’environnement macroéconomique et sécuritaire moins reluisant sur ces dernières années, le portefeuille de banque a progressé de 30,7 pour cent sur l’année 2022 avec 172 projets actifs à la fin de cette même année.
Interconnexion électrique régionale, construction de routes inter-États, développement aéroportuaire, désenclavement de zones rurales, couverture numérique … sont les domaines d’interventions vers lesquels la banque a orienté ses engagements au cours de ces dernières années. Notons qu’au 30 juin 2023 quasiment la moitié des engagements de la banque, soit 49,9 %, a été orientée vers le secteur des infrastructures. Ce choix est “en parfaite synergie avec sa mission cardinale de catalyser le développement durable dans la région en Afrique de l’Ouest”, et est justifié par le fait que le développement des nations passe par le développement des infrastructures.
Etant donné que le développement d’une communauté est la résultante d’une synergie de développement d’un ensemble de secteurs, la BIDC ne s’est pas cantonnée au seul financement du secteur des infrastructures. Ainsi, en ligne avec son credo de se positionner « au service des communautés ouest-africaines, » l’Institution de Financement du Développement a également orienté ses ressources vers d’autres secteurs stratégiques : les services qui ont bénéficié de 26,03% des engagements au 31 décembre 2022, le développement social (7,76%), le développement rural (11,91%), et l’industrie (4,39%) qui ferme la marche.
Quant aux pays bénéficiaires, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal, le Ghana, le Bénin et le Nigeria se détachent comme les principaux récipiendaires des interventions de la Banque, ce qui témoigne de la taille et de la complexité de leurs économies au sein de la CEDEAO.
Investissements massifs dans les infrastructures énergétiques
En Afrique de l’Ouest, où près de la moitié des citoyens n’ont pas accès à l’électricité, la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC) fait de l’énergie sa priorité. Conscient du fait que l’énergie est un intrant essentiel pour toute activité économique et pour toute production industrielle, la BIDC entend faciliter l’accès aux sources énergétiques au sein des Etats membres de la CEDEAO. Dr. Olavo Avelino Garcia Correia, Ancien Président du Conseil des Gouverneurs de la BIDC (remplacé en 2023 par Mme Nialé Kaba, Ministre du Plan et du Développement de la Côte d’Ivoire), ne manque d’ailleurs pas de souligner que « l’énergie est le sang vital de toute économie émergente ».
Tout en restant non exhaustif, le projet d’interconnexion Mali-Côte d’Ivoire dans lequel la banque a injecté dans la première phase 40 millions de dollars est l’un des fleurons de l’Institution. Co-financé par huit bailleurs, dont la BIDC, le barrage hydroélectrique de Samendeni au Burkina Faso visait non seulement l’autonomie énergétique, mais également l’essor d’une économie agro-industrielle, avec plus de 100 000 emplois à la clé, comme l’avait alors indiqué Roch Marc Kaboré, le président du Faso de l’époque.
Le Bénin, avec sa centrale thermique de 120 MW à Maria Gléta, et l’interconnexion électrique en 225 kV entre la Guinée et le Mali, complètent le tableau des investissements d’infrastructure énergétique. Au Ghana, la BIDC s’est jointe au tour de table pour financer la centrale thermique de 220 MW à Kpone et Tema. Au Sénégal, c’est la centrale diésel de 60 MW à Kounoune qui a bénéficié de l’appui financier de l’Institution dirigée par le Ghanéen, Dr George Agyekum Donkor.
Encore au Bénin, la BIDC a injecté plus de 21 millions de dollars pour alimenter 750 infrastructures en énergie solaire. Un geste non négligeable pour rendre accessible l’énergie dans les zones les plus reculées.
Transport et logistique
Si « la route du développement passe par le développement des routes”, la BIDC n’a pas moins focalisé ses investissements sur le secteur des transports, particulièrement sur les infrastructures à caractère régional. Convaincue que ces dernières, en facilitant l’intégration entre les États membres, devraient pouvoir se poser comme des vecteurs clés de développement économique et social.
Au Sénégal, la construction du pont de liaison entre la gare TER AIBD et l’aéroport Blaise Diagne (AIBD), dans laquelle la BIDC a investi 15,3 millions de dollars, était une priorité stratégique. Cette passerelle entre deux modes de transport clés représente un pas en avant vers l’efficacité logistique et le bien-être social. De la même manière, le tronçon d’autoroute du nord, entre Tivaouane et Mekhe, long de 28 km et financé à hauteur de 60 millions de dollars, s’inscrit dans la réalisation d’un corridor économique, visant à stimuler le commerce et à faciliter le déplacement des personnes.
En Côte d’Ivoire, la construction et l’exploitation du pont à péage Henry Konan Bédié, financé par plusieurs prêteurs, dont la BIDC, a apporté une réponse aux embouteillages persistants tout en créant un nouveau flux de revenus. Dans la même veine, et toujours en Côte d’Ivoire, le projet de surveillance maritime, doté de deux avions King Air 350 ER, matérialise également la symbiose entre enjeux économiques et sécuritaires.
Au Burkina Faso, la BIDC a toujours été au premier plan dans le cycle de financement du nouvel aéroport de Ouagadougou-Donsin, aux côtés d’autres Institutions de Financement du Développement.
Le Libéria n’est pas en reste, avec la construction de routes par East International Group, Inc., ce qui revêt une importance capitale dans un pays où la mobilité a longtemps été entravée par des conflits internes.
Et enfin au Togo, le projet de bitumage de la route nationale n°17, tronçon Katchamba-Sadori, ouvre la voie à une intégration régionale plus poussée et à la mobilisation économique des zones rurales.
Santé, éducation, secteur privé
La santé et l’éducation ont également occupé une place de choix dans le portefeuille d’investissements de la banque. Que ce soit la réhabilitation et l’équipement des centres de santé au Togo, ainsi que la construction d’une université des sciences et des technologies à Koidu, en Sierra Leone, les projets financés par la BIDC reflètent l’ambition de la banque de soutenir une « politique de développement humain durable, axée sur l’épanouissement des individus et des communautés ».
Loin de financer uniquement le secteur public, la BIDC ne néglige pas le secteur privé, considéré comme le premier moteur de création de richesse. En Guinée, par exemple, la banque a contribué à la création d’une cimenterie par Diamond Cement Guinée SA. Au Sénégal, elle a soutenu l’extension des réseaux de télécommunication de la SONATEL.
Un autre exemple marquant est le prêt de 5 milliards de francs CFA accordé à KOIRA BTP pour la construction d’un complexe de marché moderne en Côte d’Ivoire.
La BIDC a également signé récemment un accord de prêt de 15 millions de dollars avec KA Technologies Ghana Limited. Cet accord a été signé le 11 septembre 2023 au siège de la banque à Lomé. Ce prêt est destiné au financement de l’acquisition, de l’assemblage et de la distribution de tablettes aux élèves des lycées et des établissements d’enseignement technique et professionnel à travers le Ghana.