La littérature politique sénégalaise foisonne en ce moment de textes partisans, parfois très virulents, mais toujours idiomatiques de la mauvaise foi intellectuelle qui caractérise la plupart des analystes qui se cachent derrière la Société civile sous des apparences de neutralité et d’objectivité. A ce titre, le texte de sieur Felwine SARR intitulé ‘’Nous tenir éveillés’’ est un exemple édifiant d’une argutie argumentative partisane, d’une niaiserie et d’une ingénuité effarantes.
D’emblée, il justifie l’arrestation du Sieur Ousmane Sonko et la dissolution du PASTEF qui s’en est suivie par une simple déclaration de circonstance du Président Macky SALL qui « avait promis de réduire son opposition politique à sa plus simple expression ». Cette approche simpliste, qui occulte volontairement les décisions de justice basées sur des faits irréfutables ou les mesures sécuritaires prises par l’Etat, procède à l’évidence du raccourci idéologique qui fonctionne ici comme un instrument de manipulation.
Ensuite, l’auteur exprime une profonde déception sur l’état de la démocratie sénégalaise en liant l’arrestation d’Ousmane Sonko et la dissolution du PASTEF à un déclin apparent de la démocratie au Sénégal. Pour illustrer son propos, Il rappelle que le Président Wade avait été accusé du meurtre du juge Babacar Seye sans que son Parti ne soit dissous. Faisant fi de la présomption d’innocence, il confond, dans une analogie simpliste et trompeuse, accusation et culpabilité. Être accusé, ce n’est pas encore être condamné.
En créant cette fausse analogie, il établit une relation de causalité directe entre l’arrestation de son leader pour des crimes et délits non politiques et la dissolution de son Parti motivée par d’autres raisons évoquées par le législateur. Tout cela pour donner l’impression d’une injustice démocratique et d’un acharnement dans la conscience collective. Cette rhétorique partisane dissimule mal les réalités justifiant la dissolution du PASTEF en raison de sa propension à la violence et àses méthodes de terroristes.
Se peut-il donc qu’il ignore comment ce parti, pour la défense duquel il convoque les principes démocratiques, a voulu imposer la pensée unique au Sénégal, insultant, menaçant, violentant quiconque s’oppose à ses idées ?
Où était-il quand les forces de défense et de sécurité étaient régulièrement provoquées et violentées, nos infrastructures vitales ciblées et vandalisées, les écoles et les universités volontairement saccagées et brûlées, des banques et des commerces privés attaqués, des domiciles de citoyens incendiés, un projet insurrectionnel clairement déclamé pour aller déloger le locataire du Palais. Le comble, c’est quand il affirme que ce parti qui vient d’être dissous représente 70% de la population et que son message recueille l’adhésion de la majorité de la jeunesse sénégalaise. De telles déclarations manquent de bases factuelles et ne correspondent pas aux résultats électoraux.
Sur dix-sept millions de sénégalais, ceux qui manifestent sur l’ensemble du territoire ne représente-t-il 5%, de la population, encore que tout le monde a pu observer que c’est un public essentiellement composé d’enfants immatures, de jeunes encore mineurs et d’individus venus profiter du saccage des magasins et qui n’ont rien à faire du projet politique du PASTEF qui repose sur une véritable industrie de la manipulation et de la désinformation pour accéder au pouvoir par la rue.
Ensuite, l’auteur exprime des préoccupations profondes quant à l’évolution de la situation politique et démocratique du Sénégal, pointant du doigt la répression des opposants politiques, les abus de pouvoir et les violations des droits humains. Réclame-t-il l’impunité face aux délits de droit commun commis contre des personnes et des biens pour manifester leur opposition politique ?
Il ne fait aucune référence aux différents événements graves qui ont posé des défis majeurs à la stabilité de la République par le seul fait d’un parti et la seule volonté d’un homme chez qui, l’illusion de la puissance et la puissance de l’illusion avaient fini par faire croire qu’ils avaient « les moyens de dégager le locataire du palais et de prendre sa place sans passer par des élections. Il est naturel que l’Etat, au lendemain de tels moments critiques, mène des enquêtes, procède à des arrestations et situe les responsabilités pour préserver et garantir l’ordre constitutionnel et la démocratie. Votre posture questionne. Votre lecture sélective des faits inquiète. Être partisan ne doit pas vous dispenser de penser juste et équilibré. Votre silence assourdissant lors de l’attaque au cocktail Molotov d’un bus de transport en commun qui a occasionné la mort de deux personnes dont une fillette de 7 ans et créé une commotion nationale, donne raison à ceux qui pensent que nombre d’intellectuels et d’avocats sont devenus myopes, borgnes ou aveugles, pour d’obscures intérêts qu’ils tirent de leur relation avec le désormais ex Pastef.
Vous décrétez la mort de la démocratie au Sénégal parce qu’on a arrêté votre leader et dissous son parti. Vous ne poussez pas un peu trop loin le culte de la personne ? Nul ne vous a entendu lorsque l’Etat a été attaqué, son Président menacé de mort, ses institutions piétinées, sa magistrature dénigrée, sa justice insultée. Si le funeste projet du défunt PASTEF avait abouti, on ne serait peut-être plus là à parler de République sénégalaise ou de démocratie parce que toutes les institutions se seraient effondrées.
Dans une sous-région en proie à une série de bouleversements des plus inattendus, le Sénégal resplendit comme l’une des rares vitrines démocratiques. La popularité du Sénégal en tant que démocratie stable et progressiste dérange les intellectuels pro-pastéfiens qui ont choisi de maintenir une narration négative sur cet exemple de démocratie.
Notre pays n’a jamais eu la prétention d’incarner toutes les vertus d’une démocratie achevée. Aucun pays dans le monde n’a la prétention d’être une démocratie parfaite. Le système démocratique sénégalais à l’instar de tous les autres modèles reste perfectible. Mais n’en déplaise à ses contempteurs, le Sénégal reste et demeure une nation leader en matière de liberté et de respect des droits de l’homme.
Que dire de ces 142 intellectuels qui ont pris en charge et apposé leurs signatures sur une tribune à la fois précipitée et inappropriée, visant à discréditer l’État sénégalais. On comprend leur frustration de ne pas voir leur champion accéder au pouvoir. Mais, de là à demander sa libération au mépris des arrêts de justice, c’est proprement une immixtion dans le fonctionnement de nos institutions et une prise de position sur des questions qu’il ne convient pas de régler en lieu et place de la justice sénégalaise.
Pourtant, ceux-là mêmes, qui implorent aujourd’hui la bienveillance du chef de l’Etat, réclament le dialogue et la sauvegarde de concorde civile, sont tous restés volontairement sourds à sa volonté d’une démocratie inclusive qui place l’intérêt supérieur du Sénégal au-dessus de toute considération partisane.
Mais il faut se le tenir pour dit. Notre système institutionnel ne s’apprécie pas exclusivement à l’aune d’un parti aujourd’hui dissous ou aux injonctions d’un groupe d’intellectuels aux œillères, si brillants soient-ils. La barre démocratique sénégalaise est beaucoup plus haute que là où le cartel des 142 veut bien la placer. La solidité de nos institutions n’est plus à démontrer. Et, il est pour le moins curieux que des Sénégalais bons teints aient du mal à s’en réjouir au point de fantasmer sur une pseudo-dérive dictatoriale en cours au Sénégal.
La démocratie a vraiment bon dos. On la convoque quand ses intérêts sont menacés et la dénie quand ces mêmes intérêts sont en jeu. Cette instrumentalisation du concept est une entrave au dialogue constructif et à la capacité de discernement dans la perspective d’un dépassement collectif où chaque entité reconnaît les limites de son action. Sous ce rapport, la thèse du « candidat potentiel écarté » est l’une des pires formes de rhétorique partisane qui revendique l’impunité et l’absolution des crimes du leader pour raison de candidature.
Le chef de l’Etat l’a maintes fois martelé lors de son mémorable discours du 3 juillet dernier. Il restera jusqu’à la dernière minute de son mandat, le protecteur de la République et de ses institutions. Et rien ne pourra le faire abdiquer de ce serment qui consacre la sacralité de sa fonction. Rien ne pourra le faire dévier de cet horizon républicain qu’il s’est fixé depuis le début de sa gouvernance.
Halte à la tyrannie des partisans, cette tare qui consiste à altérer la perception des événements et des faits, en présentant les informations de manière sélective et biaisée pour toujours se donner raison. C’est un véritable péril pour notre démocratie qui, en lieu et place d’une expression plurielle et enrichissante, tend de plus en plus à se réduire en une bataille entre camps opposés dans une perspective partiale, empreinte de rancœurs et de haine, et qui empêche de voir la réalité objective des faits ou même de reconnaître les mérites ou les erreurs d’un côté ou de l’autre.
Doudou KA
Ingénieur des Ponts et Chaussées
Président de Doggu pour le Grand Sénégal