Plus connu dans l’activité de pêche, le bourg de Diogo-sur-Mer est aussi une zone de production maraîchère. Malgré ces potentiels, les habitants sont confrontés à l’équation de la conservation des produits. Il s’y ajoute un enclavement consécutif à une route impraticable.
Les champs sont perceptibles à perte de vue sur la route menant à Diogo-sur-Mer, localité située dans la commune de Darou Khoudoss (département de Tivaouane). Quelques maraîchers arrosent leurs plantations sous un soleil de plomb. L’accès à ce lieu de production, sis au cœur de la zone des Niayes, est laborieux. La route est sinueuse et découragerait le plus téméraire des amateurs de sensations fortes. Il faut traverser des hectares de champs, suivre plusieurs indications avant de voir subitement Diogo-sur-Mer devant vous.
Ici, le maraîchage et la pêche sont les principales activités. Dès l’entrée du village, les pirogues aux couleurs chatoyantes campent le décor. Quelques chérubins s’adonnent à la baignade en cette période de chaleur. L’ambiance est bien animée en ce début de matinée. La mer est plutôt calme. Pourtant, il est rare de voir des pêcheurs s’y aventurer. Un peu plus loin, dans une des constructions de la plage, quelques pêcheurs discutent gaiement. En cette fin de campagne, qui dure de novembre à juin, les affaires marchent plutôt au ralenti. Mais ce n’est pas la seule cause de leur oisiveté.
Entre problèmes de conservation et de financement
« Nous avons 400 pirogues à Diogo-sur-Mer qui ramènent des poissons chaque jour. Mais nous avons des problèmes de conservation et certains produits pourrissent sous nos yeux », a fait savoir Cheikh Diakhaté, coordonnateur du Conseil local de la pêche artisanale (Clpa) du département de Tivaouane. En effet, faute de chambres froides, les pêcheurs de Diogo-sur-Mer se rendent en pirogues à Fass Boye. « Nous nous tournons vers leur quai de pêche. Mais la chambre froide est trop petite », se désole-t-il.
Ces difficultés à écouler leurs produits poussent certains jeunes à se tourner vers l’émigration clandestine. Un phénomène présent depuis 2005. « Deux embarcations destinées à l’émigration clandestine ont atterri ici durant la période de la Tabaski. Quatre personnes ont été interpellées », révèle Cheikh Diakhaté qui plaide pour plus de soutien de la part des autorités.
Les femmes prônent également un appui de la part des autorités. Regroupées un peu plus loin, les femmes de la localité se sont donné rendez-vous sur la plage pour leur traditionnelle tontine. Assises à même le sol, ces transformatrices de produits halieutiques discutent de leur situation. « Nous avons mis sur pied un groupement depuis quatre ans. Mais nous peinons à avoir du soutien », confie Poulmera Diop, présidente du groupement féminin « sopali djeun ». L’amertume et la désolation sont les sentiments les mieux partagés chez ces braves dames. Elles font tout elles-mêmes avec les moyens du bord. Les tables de séchage sont faites à l’aide d’outils rudimentaires. Chaque campagne, elles font dans la transformation et les prix de leurs produits varient entre 1000 et 3000 FCfa. « Nous vendons nos produits aux commerçants. Les recettes varient selon les saisons et la disponibilité du poisson », explique Poulmera Diop. Des revenus dérisoires pour ces femmes qui ne veulent que des financements. « Nous n’avons aucun appui et c’est très difficile pour nous. Les autorités qui viennent ici repartent avec des promesses. Mais ces visites ne sont jamais suivies d’effets », dit-elle avec une pointe d’amertume. Cependant, ce ne sont pas les seules difficultés auxquelles sont confrontés les habitants de Diogo-sur-Mer. « Nous peinons à avoir accès aux soins de santé », rappelle Poulmera Diop.
Ces maux qui noient Diogo-sur-Mer
Le village de Diogo-sur-Mer ne semble manquer de rien. À première vue, il ressemble à un paradis sur terre avec ses champs à perte de vue et sa mer poissonneuse. L’élevage y est aussi pratiqué avec des vaches et chèvres visibles dans tous les coins et recoins. Hélas, il en a fallu de peu pour faire de ce lieu un paradis sur terre. « Le village a beaucoup de potentiel. Cependant, les routes sont difficiles d’accès ; ce qui ralentit nos activités économiques », soutient Mamadou Lamine Diop, chef de village. Les habitants passent souvent par la mer pour aller vendre les produits halieutiques au quai de pêche de Fass Boye, situé à 5 km. « Seules des voitures peuvent transporter nos poissons, car nous pouvons produire 30 à 40 tonnes de poissons », assure le chef de village. Il en est de même pour les produits maraîchers confrontés aux problèmes de stockage. « Nous produisons des navets, des carottes, des oignons, des choux, des aubergines et près de 1000 sacs par jour. Le sol est fertile et la mer est poissonneuse. Cependant, l’accessibilité est notre principal problème », a martelé le chef de village.
Les routes ne sont pas les seules difficultés de ce village fondé par Fally Diop. Les populations sont également confrontées à des problèmes liés à l’accès à l’eau et à l’électricité. « Nous peinons à avoir accès à l’eau. Nous nous rabattons sur les forages. Les robinets ne coulent pas à flots. L’électricité aussi fait défaut », a souligné le chef de village. À ces maux s’ajoutent les problèmes d’accès à la santé, malgré l’existence d’un poste de santé non fonctionnel.
DEUX ANS APRÈS SON INAUGURATION
Le poste de santé toujours pas fonctionnel
Le village a réceptionné son tout premier poste de santé le 14 juillet 2021. Plus de deux ans après, la structure n’est toujours pas fonctionnelle. La structure sanitaire est complètement à l’abandon. La poussière et la rouille accueillent les visiteurs. À l’intérieur, les toiles d’araignée sont visibles de loin. L’odeur du renfermé titille les narines. Mais le lieu est resté intact. Le matériel médical, tout neuf, n’est pas encore sorti de son emballage. Cette structure qui laissait présager un avenir radieux aux habitants n’a pas eu le temps d’accueillir ses premiers patients.
Les populations continuent de se taper 5 km pour se rendre au centre de santé de Fass Boye pour pouvoir se soigner. « Il arrive que des femmes accouchent avant d’arriver à Fass Boye », confie Poulmera Diop, présidente du groupement « Sopali djeun ».
Après une inauguration en grande pompe de l’infrastructure, l’infirmier-chef de poste est reparti. « Il avait tout ce qu’il fallait pour mener à bien son travail. Mais il n’est plus jamais revenu à Diogo-sur-mer », regrette Mamadou Lamine Diop.
« Cela fait deux ans que le poste de santé a été inauguré. Mais nous n’avons pas de personnel soignant », se désole le chef de village. Cette structure flambant neuf, offerte par la Grande Côte Opérations (Gco), une entreprise sénégalaise spécialisée dans la valorisation de zircon dans le cadre de la Responsabilité sociétale de l’entreprise (Rse), est en quête de soignants.