Les répercussions économiques du coup d’Etat du général Tchiani se font sentir au Niger : Umoa-Titres a annoncé l’annulation d’une émission de titres publics, dans un contexte économique déjà tendu.
La sortie du Niger sur le marché des titres publics par adjudication prévue pour le 7 août prochain vient d’être annulée, a annoncé Umoa-Titres. L’organe, sous le contrôle de la BCEAO, met ainsi en application les sanctions contre la junte militaire qui a renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet dernier.
Dans le contexte actuel, cette annulation vient ajouter un nouveau défi à la situation économique du Niger. Alors que le pays a déjà levé plus de 520 milliards FCFA sur le marché des titres publics au cours des sept premiers mois de l’année, l’annulation de cette nouvelle émission prévue pour un montant de 30 milliards FCFA accentue les tensions.
De plus, l’ultimatum posé par la CEDEAO court, et si la situation ne se résout pas d’ici fin octobre, le Niger se retrouverait avec un trou de 100 milliards FCFA dans son budget, somme qui reste sur ce qu’il comptait lever sur le marché des titres publics par adjudication avant la fin de ce 3e trimestre.
Ce déséquilibre budgétaire est d’autant plus préoccupant que le pays sahélien doit rembourser 12 milliards FCFA aux investisseurs de ce marché en août, et plus de 70 milliards FCFA en septembre.
En début d’année, les autorités nigériennes avaient pour objectif de mobiliser 830 milliards FCFA pour financer les dépenses publiques et les opérations de trésorerie, estimées à 3 291,62 milliards FCFA. Plus de la moitié de cette enveloppe devrait provenir de ressources extérieures, notamment des appuis budgétaires, des aides projets et des emprunts obligataires. Hors émissions de titres du Trésor sur le marché régional, le Niger cherchait à mobiliser plus de 1 274 milliards FCFA chez ses partenaires au développement, soit près de 40% de son budget pour l’exercice de 2023. Or, depuis le putsch, la plupart de ces partenaires, notamment la France, l’Allemagne, l’Union européenne, les Etats-Unis et la Banque mondiale, ont déjà annoncé suspendre leur assistance au Niger.
La fermeture des frontières, la suspension des transactions économiques et financières avec les autres pays de la région ainsi que les autres sanctions économiques pourraient également avoir un impact sur les recettes domestiques, initialement projetées à 1 480,72 milliards FCFA, notamment les recettes de porte, mais pas que.
En 2021, la Zone UEMOA représentait 51% des marchandises que le Niger importait d’autres pays africains. De plus, la suspension de l’approvisionnement électrique par le Nigeria, qui couvrait 70% des besoins du Niger, complique la situation. Avec la fermeté de Bola Tinubu sur ce sujet, d’autres acteurs clés du commerce avec le Niger maintiennent également leur position. C’est le cas de la Côte d’Ivoire qui, à elle seule, constituait 32,5% des importations nigériennes en provenance de l’UEMOA en 2021. Le Bénin, servant de principal port pour le Niger, en fournissait 18,6%. Quant au Togo, qui représente 23,2% de ces importations, la junte a récemment révoqué l’ambassadeur du pays à Lomé, apprend-on.
Dans ce contexte complexe, les ambitions du Niger pour une croissance dynamique de 7,2% et un taux d’inflation sous 3% pourraient être mises à mal. D’après les sources, à Niamey, les prix du riz ont grimpé en flèche en moins d’une semaine. Par ailleurs, à la frontière avec le Bénin, des files interminables de camions espèrent contre toute attente une réouverture des frontières.
Et si les sanctions régionales menacent d’entraver cette croissance, d’autant plus que le Niger est essentiellement un pays enclavé, les conséquences ne se limitent pas uniquement au pays sahélien. Car pour un pays comme le Bénin, Niamey représente un partenaire de choix pour le Port de Cotonou dont les opérateurs nigériens représentent pas moins de 20% du trafic global. Egalement, ni la Côte d’Ivoire ni le Nigeria, les plus importants fournisseurs africains du Niger derrière la France ne seront épargnés.