L’ancien président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar de la 13ème législature est sorti de son mutisme. Dans cet entretien avec Dakaractu, Aymérou Gningue, à bâtons rompus s’est exprimé sur les questions d’actualité. La présidentielle de février 2024, le retrait de l’article 87 à polémique et le profil du futur candidat de BBY…
« SOURCE DAKARACTU »
Le président Macky Sall a décidé de ne pas se présenter à la présidentielle de 2024. Comment pouvez-vous analyser ce choix du président ?
Ce qui fait la portée de cette décision, c’est qu’aucun argument de droit ne s’oppose à cette candidature. C’est par conséquent par choix personnel et volontaire que le président Macky Sall renonce à cette candidature. D’abord pour le respect de la parole donnée et comme acte de confirmation de sa conception du pouvoir comme sacerdoce au service de la nation et non au service de sa personne.
C’est pourquoi une telle décision avec le retentissement qu’elle a connu partout en Afrique et à travers le monde est une surprise pour les autres. Mais pas pour nous qui avons eu l’avantage de connaître l’homme dans le passé pour apprécier son sens de l’honneur dans bien d’autres circonstances. Juste vous rappeler qu’il s’était déjà prononcé sur la question dans son livre « Le Sénégal au cœur » où il écrivait que son mandat 2019-2024 était son deuxième et dernier mandat.
Vous étiez informé de la décision avant ?
Non je n’étais pas informé ! Simplement que je connais l’homme de 1993 jusqu’à nos jours et je sais qu’il a toujours cultivé le sens de l’éthique, de l’honneur et de la parole donnée en particulier. Je puis vous assurer que le président Macky Sall est un homme d’honneur pour qui la parole donnée vaut son pesant d’or.
Donc vous ne faites pas partie de ces membres de BBY qui soutenaient urbi et orbi la candidature du Président Macky Sall ?
Ceux qui ont soutenu sa candidature l’ont fait sur la base de son bilan élogieux, fruit du PSE que nous avons mis en œuvre et que nous déroulons comme référentiel de nos politiques économique et sociale dans la perspective de 2035. Mais son choix personnel a prévalu en définitive, ce que tout le monde respecte et avec nous le monde entier pour la belle leçon de sagesse et de dignité qu’il comporte. Vous constatez depuis lors sa présence et celle gratifiante du Sénégal sur toutes les grandes tribunes internationales.
Que dites-vous aussi de ceux qui soutiennent que le président Macky Sall n’avait pas d’autres choix ?
Que veux-tu qu’ils disent d’autre ? Une certaine opposition connue pour son nihilisme et son manque affligeant de sens de la retenue, de la mesure et de classe qui les enfonce de plus en plus dans l’isolement. Comme dit l’autre : ‘’tout ce qui est excessif devient à terme dérisoire.‘’ Il faut être vraiment borné pour oser nier toutes les belles réalisations matérielles et immatérielles du Président Macky Sall les 12 années qu’il est resté à la tête du Sénégal. C’est donc avec fierté qu’il va quitter la direction du pays, avec un profond sentiment du devoir accompli. Fierté que nous partageons avec lui de cette belle et grande aventure au service de notre peuple et de notre nation.
La bataille pour la succession du président Macky Sall est déjà lancée au sein de BBY. Une forme d’ébullition est notée de toute part. Quelle réaction de votre part ?
Il faut bien admettre que dans un tel contexte, il est tout à fait naturel que les ambitions s’expriment. Ceci est dans l ‘ordre normal des choses.
Mais il est très important, pour tous les acteurs impliqués dans cette compétition interne, de ne jamais perdre de vue ce qui a toujours fait la force de notre coalition BBY. Cette force réside dans la qualité de sa gouvernance et dans l’unité dans nos rangs. De 2012 à nos jours, celui qui a incarné l’âme de BBY, le président Macky Sall a travaillé dans l’unité, dans la solidarité et dans la générosité. C’est pourquoi, il nous faut cultiver demain, si le choix d’un candidat est fait, le même esprit. Nous devrions oublier nos personnes, taire nos querelles et rassembler toutes nos forces autour du candidat choisi. Ce qui va nous conduire à la victoire finale. C’est le travail de groupe, la dynamique d’équipe et non les stratégies personnelles qui seront porteuses des victoires du 25 février 2024.
Le président et les leaders de Benno ont une connaissance suffisante de la coalition, des hommes et des femmes qui la composent pour dégager le profil le plus adapté pour rassembler et ratisser le plus large possible. L’enjeu est moins un enjeu de pouvoir personnel que notre capacité à rassembler large, au-delà de notre camp actuel et poursuivre l’approfondissement des réformes engagées dans la perspective de l’émergence à l’horizon 2035. Nos atouts pour gagner haut la main, c’est notre unité et notre cohésion autour du candidat choisi, le rassemblement de tous autour de Benno et de son leader le président Macky Sall.
Plusieurs candidatures sont annoncées au sein de BBY. À votre avis, quel est le meilleur profil pour votre coalition ?
Si je devais définir le profil en faisant du nombrilisme, je dirais Aymérou Gningue. (Rires) Simplement pour vous dire que ce n’est pas la personne qui m’intéresse. Ce qui compte pour moi, c’est cette carte blanche donnée au président de la République par le parti APR et par la coalition BBY. Je reste toutefois convaincu que le Président ne manquera de prendre en compte les avis et conseils utiles avant de décider en définitive. Ce qui est essentiel pour moi c’est moins le choix du candidat que la dynamique de rassemblement que nous devons provoquer pour gagner ensemble et continuer de gouverner ensemble comme le président Macky Sall l’a réussi de la plus belle des manières durant ses deux mandats.
Ce qui compte vraiment c’est l’avenir du pays, la prise en charge des dossiers brûlants, la meilleure manière de conjurer les menaces qui sont à nos portes et notre capacité à agir de sorte que le Sénégal reste un îlot de prospérité, de paix où le vivre ensemble reste la règle d’or. Parce que sans la paix, nous ne pouvons pas avoir le développement. On ne le dira jamais assez, la paix et la sécurité sont les conditions premières du développement.
Quel commentaire sur les candidatures tous azimuts qui sont déjà déclarés ?
C’est triste ! je vois que la liste continue de s’allonger et on risque d’arriver à une centaine de candidatures déclarées alors que la liste n’est pas encore fermée. Ce qui nous rappelle les bienfaits de la loi sur le parrainage. J’ai toujours défendu qu’il est impossible d’organiser des élections s’il n’y a pas un filtre comme le parrainage. Aujourd’hui, les résultats du Dialogue politique nous donnent raison. Certes on a apporté des aménagements et introduit des dispositifs qui n’étaient pas pris en compte dans la loi de 2018, mais le principe du parrainage reste retenu. La fonction présidentielle est une fonction importante parce que nous sommes en régime présidentiel. Je trouve quelque part irresponsable cette nouvelle tendance où chacun se voit un destin présidentiel. Nous sommes certes dans un régime démocratique de libertés mais il y a quand même lieu de mettre de l’ordre dans tout ça. Il ne faudrait pas qu’on en arrive à jeter le discrédit sur notre démocratie que tant de générations ont mis des décennies à bâtir au prix d’énormes sacrifices.
D’autant que ce qui est nouveau dans cette élection sans candidat sortant, les idées et les programmes devraient être les principaux critères de sélection ; un phénomène inédit qui marque un tournant politique important. On va miser certes sur un Homme, mais on aura surtout à convaincre à partir d’un programme. Il faut reconnaître que sur ce terrain, notre camp a une longueur d’avance. En profiter pour promouvoir la qualité, c’est ce que les Sénégalais attendent de nous.
Un commentaire sur les candidatures de Khalifa Sall et Karim Wade ?
Je ne ferai pas de commentaires sur leur candidature qui relève de leur choix et de la souveraineté de leurs partis. Je me félicite toutefois que leur participation au Dialogue national ait facilité les accords politiques qui leur permettent en toute légalité de recouvrer tous leurs droits civils et politiques.
Mais je me félicite surtout de la réaffirmation de leur attachement aux valeurs de la République et de la démocratie. Dans ce contexte de dérives de toutes natures, il est important que ce que j’appelle le bloc des forces républicaines et démocratiques consolident leurs options contre la violence politique et en faveur d’une société de paix, de libertés et de démocratie
D’autres y voient une volonté manifeste d’écarter le candidat Ousmane Sonko de la course présidentielle ?
Personne ne peut aujourd’hui empêcher certains acteurs de l’espace public à se livrer à des supputations et élucubrations les plus fantaisistes et à propos de tout. On fait avec … (rires)
Le cas de Sonko vous inspire quoi exactement ?
Un homme politique égaré ; Aujourd’hui jugé et condamné, les procédures judiciaires le concernant sont en cours. II appartient à la justice et aux auxiliaires de justice, qu’il continue de défier, de statuer sur son dossier. Pas moi !
Quel regard portez-vous sur le projet de loi portant modification de l’article 87 de la constitution qui finalement a été retiré suite aux contestations ?
Je trouve importante cette réforme de l’article 87, d’autant plus que ça participe à l’équilibre des pouvoirs entre exécutif et législatif. Ce qui est important encore une fois c’est de parvenir à des consensus par le dialogue national.
Je pense que le débat sur cet article 87 devra être versé dans la corbeille du comité de suivi du Dialogue national. Au Sénégal on est trop souvent dans les compétitions politiques. En ne modifiant pas l’article 87, on ne va pas dans le sens de la rationalisation du calendrier électoral pour donner à la nouvelle équipe qui sera au pouvoir le 25 février, un horizon suffisant pour dérouler son programme dans les meilleures conditions de sérénité. Cette proposition de révision de l’article 87 n’avait pas une autre finalité…